Sam Levin (1904-1992) est né à Karkhov, en Russie à l’époque, en Ukraine aujourd’hui, dans une famille juive qui, décidant de fuir l’antisémitisme rabique et les pogroms des autorités tsaristes, débarqua à Paris en 1906 avant de s’installer à Lille en 1912...... Portrait......
Le jeune homme y fit ses études et s’orienta vers une carrière d’ingénieur chimiste mais il n’acheva jamais le cursus complet nécessaire : pour gagner un peu d’argent, il fut obligé de travailler, près de deux ans, comme reporter-photographe au quotidien « Le Télégramme du Nord ». Désirant vendre ses clichés, il monta à Paris en 1925 où il acquit les connaissances techniques et artistiques qui vinrent compléter ses découvertes d’autodidacte. Il retourna vite à Lille avant de revenir définitivement à Paris en 1934.
Il y rencontra une autre débutante dans le domaine de la photo : Lucienne Chevert (1911-1982), qui deviendra son amie et son associée sa vie durant. Cette femme de qualité, courageuse, qui prit tous les risques pour protéger les intérêts de Sam pendant l’Occupation, inspirera le personnage de Dora, la photographe lesbienne, à Clouzot pour son film « Quai des orfèvres » de 1947.
Revenons à la carrière de l’artiste : en 1935 il est appelé à remplacer un collègue malade sur le film « Les époux scandaleux » de Georges Lacombe. Ses clichés paraissent dans la revue « Cinémonde » et le succès est immédiat. Sa carrière de photographe de plateau est lancée.
Il collabore avec Jean Renoir sur « La Bête humaine », « La Grande illusion » et « La Règle du jeu ». S’il prend les clichés, c’est Lucienne qui réalise les tirages. Des célébrités comme Viviane Romance ou Michèle Morgan deviennent alors ses clientes pour des portraits plus intimistes.
Leur mode se répand et le tout-Paris du temps se précipite au studio, en quête de leurs identités psychologiques...
Ils installeront leur premier studio, rue Saint-Georges en 1935. En 1937 les deux partenaires, qui commencent à être connus, ouvrent leur fameux atelier du 3, Faubourg Saint-Honoré. Là, leur renommée va se répandre et tout le « show-biz » de l’avant-guerre viendra s’y faire portraiturer.
Juif étranger ( il ne sera naturalisé qu’après 1945), Sam est obligé de fuir vers le midi à l’Occupation, Lucienne l’y accompagne puis revient à Paris début 42. Elle reprend à son nom l’exploitation du studio et attendra patiemment le retour de son partenaire professionnel, qui aura lieu après la capitulation allemande.
Vivant sous une fausse identité alors qu’il est recherché par la police, il est arrêté à Marseille le 24 décembre 42.
D’abord interné dans un camp de travailleurs étrangers dans les Basses-Pyrénées, il est transféré dans un autre casernement des Basses-Alpes en juin 43. Ayant l’autorisation de travailler le jour à l’extérieur, il renoue le contact avec les milieux du cinéma à Nice.
A la Libération, il travaille pour le service de presse et le service cinématographique des armées, sans porter l’uniforme pour autant. Il revient à Paris en octobre 45 où Lucienne l’attend. Leur association durera jusqu’au décès de cette dernière.
Quelques mots à propos de la chance de Sam, car il n’a pas été déporté vers les camps de la mort, ce qui aurait du être automatique vu sa situation de juif étranger.
Ce traitement « de faveur » ne peut s’expliquer que par une protection venue de très haut, probablement due à sa célébrité d’avant-guerre.
En 1947 le chemin de Sam croise celui d’une toute jeune femme : Sabine Girollet, qui deviendra sa compagne et qu’il épousera en 1989, trois ans avant de disparaître...
Elle fera don de toute l’œuvre photographique de son mari à la République Française au décès de celui-ci. La photothèque de Sam Levin comportait 600. 000 clichés...
Le comportement de l’artiste a toujours eu un aspect étrange : il cultivait son personnage. Quelques exemples ? Arrivé à l’âge de deux ans en France, il ne pouvait pas avoir d’accent dans la langue de Voltaire. Il aurait pu être bilingue sans plus...Or, toute son existence il parla le français en roulant les « rrrr » à la manière russe. Il ne semble d’ailleurs pas que son russe était parfait...Loin de là !
Grand amateur de belles femmes, très attirant d’après ce qu’en on dit ses contemporaines illustres, il avait tendance à butiner... Toujours en mouvement, passant d’une idée à l’autre en permanence, la pensée en avance sur la parole, il avait une nette tendance à occuper son espace environnant sans beaucoup laisser de place aux autres....Rançon du génie sans doute !
Mais cela faisait partie de son charme dont il fit une sorte « d’arme professionnelle » imparable.
Chaque client venu au studio Sam Levin, qui fonctionna de 1935 à 1983, se voyait donner un numéro : le photographe n’indiquait pas de date. Il réalisa d’innombrables prises de vue : portraits en noir et blanc de comédiens et de musiciens de l’entre-deux-guerres, images, noir et blanc ou couleurs de gens connus des années 1950/1980...
Vers 1950, Sam et Lucienne avaient créé un style photographique caractéristique de leur studio.
Leurs portraits de Gérard Philipe et d’Ingrid Bergman, en 1952, l’expliquent parfaitement : l’artiste, très novateur dans ses idées et sa technique, sculpte la lumière et modèle les visages de ses clients comme jamais personne auparavant.
Il va pérenniser l’éternel féminin à sa manière. Ses modèles sont Martine Carol, Sophia Loren, Ava Gardner, et surtout Brigitte Bardot : les photos de Sam Levin vont immortaliser « le mythe BB »...
Se rendant compte de l’apport potentiel de la couleur dans l’art photographique, Sam va savoir l’utiliser à bon escient : fortes en intensité avec des aplats roses, verts, bleus, ses couleurs pouvaient être chaudes ou pastels, suivant la volonté du Maître...
Plus pour décrire un monde nouveau issu de la« Nouvelle vague » et de celui des « Yéyés », avec ses codes vestimentaires et ses accessoires de mode, que pour saisir tempérament et caractère d’un modèle, mieux rendus par le noir et blanc...Naturellement, il ne s’agit que d’une tendance particulière non exclusive.
La notoriété de Sam devient internationale vers 1960.
En 1967, Lucienne et lui créent la SIP ( studios internationaux de photos) qui commercialisa ses images dans le monde entier. Mais la standardisation du métier ne l’attire pas et, progressivement, il ralentit son activité. Il fermera le studio après la disparition de Lucienne.
Sa notoriété lui permit de photographier pour Cinecitta et la Metro Goldwin Mayer. Ce qui le fit reconnaître aux États-Unis grâce à plus de 180 couvertures de magazine montrant des stars américaines : Sam Levin avait la réputation d’être le meilleur de sa génération
Comme déjà écrit, Brigitte Bardot était un pilier du studio où elle fit de nombreuses photos sexy, sensuelles, voire amorales dans le sens où l’entendait les bien-pensants de l’époque...
Une authentique camaraderie, parfois un véritable attachement unissait l’artiste aux vedettes qu’il photographiait, telle BB...
Sam Levin a, maintenant, rejoint le firmament des beautés qu’il aimait tant...
C’est un demi-siècle de stars que les expositions à lui consacrées* et les livres qui le racontent nous font revivre ; un monde qui n’existe plus que ce grand artiste a illustré pour la postérité.
Jacques Tcharny
Brigitte Auber. ©Sam Levin
Jean Gabin et Julien Carette. La Bête humain. Réal. Jean Renoir. 1938. Sam Levin
Brigitte Bardot. © Sam Levin.1963
Michèle Morgan. ©Sam Levin
Bella Darvi ©Sam Levin
Brigitte Bardot. © Sam Levin
Source Wukadi
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