C'est une atrice dont on a découvert la finesse de jeu et la beauté singulière en 2006. Pas n'importe où : dans un film de Godard, Notre musique – « un souvenir très doux, apaisé. Je suis resté en contact longtemps avec Godard, et puis on s'est perdus de vue...» Huit ans plus tard, et une drôle de couleur châtain qui lui donne de faux airs de petite soeur de Valeria Bruni Tedeschi, Sarah Adler est à nouveau à Cannes...
Elle joue l'un des deux rôles principaux de Self made, de l'Israélienne Shira Geffen, présenté à la Semaine de la critique. Celui d'une artiste conceptuelle isréalienne un peu ridicule, dont la journée – le destin – va être mis en parallèle avec celle – celui – d'une ouvrière palestinienne.
Montrant dès ses premières images une prédilection pour l'insolite, le film devient peu à peu un voyage en « absurdie ». « C'est la vision du monde de Shira Geffen, explique Sarah Adler. Elle avait co-réalisé Les Méduses [Caméra d'or en 2007, NDLR], dans lequel je jouais, avec le romancier Etgar Keret. Elle partage sa vie : il faut croire qu'une communauté d'inspiration, ce goût du fantastique un peu décalé, les unit ! » Sarah Adler se dit encore « actrice française », bien qu'elle vive désormais entre Paris et Tel Aviv, et mène une double carrière. Elle apprécie les deux villes. « Je suis partie parce qu'il y avait du travail en Israël et j'ai découvert une douceur de vivre très paradoxale. Ainsi qu'une énergie folle : il se passe des tas de choses dans un espace assez petit. Mais j'ai plus de facilité à jouer en français qu'en hébreu. En hébreu, j'ai encore un léger accent, comme un voile. Peut-être aussi que le français est une langue qui permet une palette d'intonations plus large... »
Sarah Adler s'étonne un peu des manies de la critique française, qui décortique tous les films israéliens à l'aune de la situation politique du pays, cherche sans cesse des métaphores des rapports de domination de la population israélienne sur la population palestinienne. « Le film de Shira aborde évidemment ces questions, mais tous les cinéastes ne le font pas. C'est un regard un peu déformé sur le cinéma israélien de le croire tout le temps en train de commenter l'état du pays... »
Côté français, la comédienne a tourné récemment dans le deuxième film de Katia Lewkowicz, Tiens-toi droite, et dans un téléfilm Arte d'Orso Miret. Côté israélien, elle est l'un des personnages d'Ana Arabia, le nouveau film d'Amos Gitai. « Une expérience singulière puisque le film est constitué d'un seul plan-séquence, tourné en temps réel. Et je vais tourner dans son film suivant, une adaptation de Tsili, d'Aaron Appelfeld. »
Une curiosité : Sarah Adler est l'épouse du réalisateur Raphael Nadjari, le réalisateur de Tehilim et du Cours étrange des choses. Mais il ne l'a jamais dirigée dans l'un de ses films. « C'est un choix, nous en avons parlé, il ne fallait pas que ça reste un non-dit entre nous ! On a jugé que c'était mieux que chacun d'entre nous fasse son parcours sans l'autre. » Au risque pour le cinéaste de se priver d'une excellente actrice...
Source Telerama