« A la portée de toutes les bourses ! » annonçait la pub du Jerusalem Post, sous le titre « La Arava absolument ». Le voyage vers le sud, organisé le mois dernier par l’AACI du centre du pays (l’association des anglophones israéliens) répondait tout à fait à ces critères, et même au-delà. Pour en réduire le coût, la plupart des 18 participants ont utilisé leur réduction « âge kibboutz Yotvata, après quatre heures de route et deux arrêts en chemin, histoire de se dégourdir un peu les jambes. Déjeuner au self-service casher du kibboutz pour reprendre des forces, et nous sommes accueillis par l’une des rares femmes chauffeurs de bus dans la Arava, employée d’une compagnie de transport d’Eilat. Le guide de « Sovev Yotvata » (autour de Yotvata) nous rejoint également pour une visite d’une heure et demie autour du fameux kibboutz...decouvertes....
De l’eau, du Choco et des dattes
Yotvata, au départ une implantation du Nahal, a vu le jour en 1951, quand un petit groupe de jeunes hommes et femmes de 20 ans, au sortir de l’armée, ont planté leurs tentes dans ce coin de désert. En 1957, il prend le statut officiel de premier kibboutz du sud de la Arava, nommé d’après un campement israélite mentionné dans la Bible (Nombres XXXIII, 34 et Deutéronome X, 7).
Nous découvrons l’endroit même où l’irrigation goutte à goutte a été mise en œuvre pour la première fois dans le pays. De nombreux projets de recherche scientifique sont également en cours dans le kibboutz, comme l’estimation de la quantité exacte d’eau salée qu’un grenadier peut absorber avant que le goût du fruit en soit affecté.
Il y a de l’eau dans le désert près d’Eilat – profondément enfouie dans le sol et extrêmement salée. Des champs de fleurs et de légumes expérimentaux s’étalent sous nos yeux, ainsi que des fleurs non destinées à la vente, dont les graines sont récoltées pour l’exportation.
Les vaches sont au cœur de la réussite commerciale de Yotvata. Les veaux nouveau-nés de sexe féminin sont conservés sur place, tandis que les mâles sont élevés pour la vente. Dans les installations de traite, 50 vaches peuvent prendre place sur une roue tournante. La traite automatisée s’effectue après le nettoyage des pis de la vache, et le lait extrait est pesé et enregistré numériquement. Dans un autre bâtiment, la magie de l’automatisation fait ses preuves avec l’emballage du produit le plus vendeur de Yotvata : le fameux « Choco », ou lait au chocolat.
Les délicieuses dattes Medjoul sont également originaires de ce kibboutz, qui offre tous les éléments nécessaires à leur culture et à leur récolte : le soleil, le sol et un climat sec.
Après avoir goûté les dattes et le Choco, nous poursuivons notre voyage pour notre prochaine étape nocturne : le kibboutz Ketoura – ainsi nommé d’après la seconde épouse d’Avraham.
Tolérance religieuse et esprit d’entreprise
Situé à 50 km au nord d’Eilat, Ketoura a été fondé en 1973, après la guerre de Kippour, par un petit groupe de jeunes qui venaient de terminer un séjour d’un an en Israël avec l’association américaine Young Judea. Certains des membres fondateurs vivent encore dans ce qui est maintenant la seconde implantation de la région et compte des immigrants d’autres pays anglophones, d’Europe (dont plusieurs familles françaises), de l’ex-Union soviétique et des scouts israéliens.
Ketoura a reçu le Prix du président de la Knesset pour la tolérance religieuse dans sa prise de conscience et la mise en œuvre du pluralisme religieux dès ses prémices. Les membres sont libres de faire ce qu’ils veulent dans leurs propres maisons, bien que la cacherout soit observée au réfectoire et lors d’événements culturels.
Après avoir reçu nos chambres, nous rencontrons notre hôtesse, Léah Kayman. Elle travaille à Keren Kolot, le gîte d’accueil du kibboutz.
Léah profite de la lumière de fin d’après-midi pour nous offrir une visite à pied de Ketoura. L’esprit d’entreprise règne ici en maître : c’est le seul moyen de survivre dans le désert. Certaines idées initiales qui n’ont pas abouti ont été abandonnées au profit d’autres initiatives plus bénéfiques.
L’Institut de recherche scientifique de la Arava est situé à Ketoura, tout comme la Arava Power Company. Fondée en 2006, la compagnie d’électricité a inauguré le premier champ solaire de taille moyenne d’Israël, Ketura Sun, en 2011. Il s’étend sur huit hectares, et a pour objectif de fournir 10 % des besoins énergétiques du pays par le biais de l’énergie solaire, propre et renouvelable, d’ici 2020. L’Institut d’études environnementales de la Arava est le premier programme de recherche de ce type au Moyen-Orient.
Sous les auspices de l’université Ben Gourion du Néguev, l’Institut de la Arava abrite des programmes universitaires, des centres de recherche et des initiatives de coopération internationale centrés sur l’écologie et tout ce qui a trait à l’environnement au sens large.
Il s’adresse à des étudiants palestiniens, jordaniens, israéliens et autres, venus du monde entier, et offre l’opportunité exceptionnelle d’en apprendre plus auprès d’éminents professionnels, tout en nouant des liens d’amitié. L’Institut facilite également l’acquisition d’autres compétences, qui vont permettre aux diplômés d’aider la région et le reste du monde à relever les défis écologiques les plus pressants de notre époque.
De Mathusalem aux algues rouges du désert
C’est aussi à Ketoura que se trouve Mathusalem. Kayman nous apprend que, lors de la fouille de Massada au milieu des années 1960, les archéologues ont découvert une cache où des graines de palmiers dattiers étaient conservées dans une ancienne jarre. Les graines ont été entreposées à l’université Bar-Ilan pendant 40 ans. En 2005, après un prétraitement dans une solution d’engrais riche en hormones, trois graines ont été plantées au kibboutz Ketoura. Trois semaines plus tard, l’une d’elles avait germé. Le 15 janvier 2014, nous avons découvert un palmier sain d’1,37 mètre de haut, doté de nombreuses frondes, derrière une barrière de sécurité. Le palmier a reçu le nom du personnage qui a vécu le plus longtemps selon la Bible.
Il s’agit de la graine d’arbre la plus ancienne connue à ce jour qui ait germé avec succès. C’est également l’unique spécimen vivant du palmier- dattier de Judée, un arbre qui avait disparu depuis plus de 1 800 ans.
Une autre entreprise commerciale fait les beaux jours de Ketoura. Algae Technologies s’installe en 1998 et produit commercialement des micro-algues, qui fournissent l’un des antioxydants les plus puissants du monde (l’astaxanthine) destiné à la consommation humaine. L’astaxanthine protège le système immunitaire, cardiovasculaire et nerveux, les articulations et les muscles.
Pour élargir cette section, le troupeau laitier du kibboutz va devoir être déplacé, afin d’éviter le risque de contamination des réacteurs d’algues par les animaux. Il s’agit là en effet de la production d’un matériau très sensible, utilisé pour les nutraceutiques, les cosmétiques, les additifs alimentaires et la recherche médicale. Aucune contamination ne peut donc être tolérée, même infinitésimale. Elle pourrait compromettre la commercialisation de toute une récolte de dérivés d’algues. La demande aujourd’hui est énorme sur le marché mondial : Israël, les Etats-Unis et le Japon sont les premiers consommateurs.
Après notre visite industrielle, nous assistons à un magnifique coucher de soleil dans le désert. S’ensuit un souper léger à base de produits laitiers. Puis nous sommes invités pour le café, le thé et les gâteaux à une conférence par un membre d’un kibboutz. Il évoque la gestion du lieu et les différents groupes qui régissent la vie quotidienne de Ketoura – de l’idéologie, la santé, la sécurité, au vol et à la commercialisation réussie des idées entrepreneuriales.
Une bonne nuit de sommeil et le petit-déjeuner copieux du kibboutz nous remettent sur pieds. Kayman nous trouve au matin en train de regarder à travers la vitre de la boutique de cadeaux et décide de nous ouvrir le magasin. Il est bourré d’articles faits main par les artisans du kibboutz : bijoux, photographies sur toile, poterie, T-shirts et sacs arborant le logo de l’Arava Power Company.
Les mines du Roi Salomon
Prochaine étape de notre périple : les jardins botaniques à l’entrée d’Eilat. Le guide qui vient à notre rencontre va nous conter l’histoire d’un rêve : les jardins ont commencé comme une pépinière. L’idée a fait son chemin, les investisseurs ont été trouvés, et elle s’est étendue pour englober un ancien poste de défense. C’est maintenant un endroit des plus exquis qui invite les touristes à découvrir la seule forêt tropicale établie dans un désert.
Des escaliers sinueux, bordés de rampes façonnées à partir de branches d’arbres locaux, une chute d’eau jaillissante, une végétation luxuriante et une « voiture » fantasque nous permettent de grimper aux sommets pour des séances photos, avec un plaisir enfantin. La pépinière offre une belle variété de plantes succulentes, d’autres aux belles couleurs, et des fougères proposées à la vente.
A Timna, nous sommes accueillis par Amnon Greenberg, un guide local, membre de Yotvata. Nous savons déjà qu’il a joué un rôle dans l’établissement de la frontière pacifique entre la Jordanie et le jeune kibboutz Ketoura. Après un court-métrage dans le nouveau théâtre touristique de Timna, remarquablement aménagé, Greenberg nous conduit à travers l’Histoire de la région, nous présente le temple à la base des piliers de Salomon et nous explique comment on fait fondre le cuivre.
Nous sommes directement témoins des changements qui traversent le désert : pistes cyclables pour les familles, itinéraires pour les vététistes confirmés, sentiers pédestres, sentiers de randonnée avec des escaliers qui passent par les Piliers de Salomon, un lac pour pédalos (où la baignade est interdite), un charmant restaurant et une boutique de cadeaux haut de gamme.
Après le déjeuner au restaurant de Yotvata – la glace était divine – fourbus mais heureux, nous reprenons le bus de retour pour Tel-Aviv.
Les voyages en groupe vous laissent toujours sur votre faim, mais ce large échantillonnage a franchement un goût de « revenez-y ».
Source JerusalemPost