Ancien Directeur Général du Ministère des Affaires Etrangères à Jérusalem, Yossi Gal s’exprime sur les relations entre Israël et la France, et la politique étrangère israélienne...interview...
Quels sont les objectifs que vous vous êtes assignés à votre arrivée dans votre poste ?
Comme tous les précédents Ambassadeurs d’Israël en France, mon principal objectif est d’approfondir les relations entre la France et Israël, tant au niveau des Etats que des personnes. Mon ambition est de tisser des liens solides entre nos deux peuples, des liens d’amitié, culturels, scientifiques, commerciaux et pas seulement politiques.
Il existe une relation très proche entre la France et Israël. Nous sommes tous deux, des peuples d’Histoire, qui partageons aussi une histoire commune. Mon but est de promouvoir à la fois la culture de mon pays, sa science mais aussi le savoir-faire économique israélien. Je souhaite vivement voir nos échanges commerciaux se hisser au niveau des relations d’amitié qui unissent nos deux pays. Pour ajouter un rêve à cet objectif, en cette 65ème année de nos relations diplomatiques, j’aspire au retour à cet âge d’or, des années soixante, entre la France et Israël.
Etes-vous d’ores et déjà satisfait, en terme de lisibilité, des retours relatifs à vos initiatives ? Avez-vous déjà également pu enregistrer de premières retombées suite à la visite de M. le Vice-Président de la Commission européenne, Antonio Tajani, et de la mission de la croissance en Israël, également suivie par la visite officielle de celle de M. le Président François Hollande ?
Je constate avec une grande satisfaction que malgré une forte crise économique en Europe, les échanges commerciaux entre la France et Israël sont passés de 2 à 3 milliards de dollars en 2013, soit près de 2,2 milliards d’euros.
Au niveau de notre coopération technologique, la France et Israël se sont engagés dans une forme de partenariat privilégié et novateur, en mettant en place les Journées de l’Innovation franco-israélienne. La première Journée de l’Innovation s’est déroulée à Paris en décembre 2011 et la deuxième, en Israel, en novembre dernier, en présence du Président Hollande, du Président Pérès, du Premier Ministre Netanyahou, de nombreux ministres français et de leurs homologues israéliens. C’est dire l’importance que nous attachons à ce partenariat.
Nous sommes aujourd’hui parvenus à stimuler de nouvelles formes de coopération économique, en nous concentrant sur la High Tech, l’innovation industrielle et la coopération scientifique.
Israel peut être considéré comme un exemple économique, avec une croissance forte et constante et des investissements massifs et coordonnés dans le secteur de R&D.
En créant un poste au quai d’Orsay, en charge de promouvoir l’interactivité entre les sociétés françaises innovantes et leurs homologues israéliennes, la France et Israel mutualisent leurs compétences respectives, pour la réussite de tous.
Comment percevez-vous l’image d’Israël et son évolution prévisible à moyen terme dans différentes régions du monde ? Que pensez-vous d ‘une approche d’innovation globale, à savoir socio-technico-économique et culturelle, mise au service de la promotion internationale de l’excellence d’Israël, dans le domaine du management de technologies d’avant-garde ?
Les médias ont souvent présenté notre région comme le lieu d’une guerre permanente entre deux peuples ennemis, en omettant chaque fois de rendre compte de la vie quotidienne, de la coopération étroite entre nous et les Palestiniens, de tous les efforts communs pour développer l’économie palestinienne. La paix a toujours été l’objectif N°1 d’Israël. Nous sommes en ce moment même, en cours de négociations avec l’Autorité Palestinienne, afin d’aboutir, je l’espère, sous les auspices américains, à un accord final mettant un terme définitif au conflit.
Les multiples succès d’Israël dans la High Tech, la présence en Israël des laboratoires de recherches des plus grands leaders d’Internet comme Google, Facebook ou Microsoft, les succès mondiaux des applications mobiles mises au point par des Start up israéliennes, tels Waze, Onavo, ou le célèbre système Kinect ont changé l’image d’Israël dans le monde. A tel point que lors de son allocution à la Knesset, le président Hollande a qualifié Israël de Start-up nation. C’est un succès phénoménal en termes d’images. Je ne peux que me réjouir d’avoir demandé, dès mon arrivée en poste à Paris, de traduire en français, le désormais célèbre livre : “Israel, start-up nation”.
De nombreux pays à l‘instar de la Chine ont créé un cadre socio-économique favorable à l’émergence des zones économiques spéciales, afin de favoriser l’essor de leurs industries ? Comment de telles initiatives sont-elles vécues en Israël ?
Israël s’est fait connaitre en créant des pôles d’innovation, liant de façon étroite et coordonnée, des instituts de recherche publics comme le Technion, des Universités, comme celles de Tel-Aviv, Jérusalem ou Beer-Shev’a, de manière à répondre aux besoins industriels des sociétés innovantes en devenir. En janvier dernier, un nouveau cyber parc a été inauguré à Beer-Shev’a. Ce pôle innovant permettra de développer le sud de notre pays après ceux déjà présents dans le centre d’Israël et au nord du pays.
Les industriels chinois ont bien compris l’attractivité d’Israël, où se concentrent des moyens, un personnel hautement qualifié et une forte créativité. Le milliardaire chinois Li Ka-Shing a récemment investi 130 millions de dollars pour créer en Chine, une filiale de l’institut israélien de technologie du Technion. Il faut savoir que la plupart des ingénieurs qui ont permis à Israël de devenir une nation de start-up en sont issus. Il faut aussi noter une présence croissante des investisseurs asiatiques comme le chinois Huawei ou encore le coréen Samsung. Il existe aussi des partenariats entre des fonds d’investissements israéliens comme Catalyst et le conglomérat China Everbright pour investir dans des sociétés israéliennes innovantes et les accompagner en Asie.
Que pensez-vous de l’étude d’un projet de convergence opérationnelle, dans les domaines de la R&D au plan international, devant s’appuyer sur une logique ‘gagnant-gagnant’ ? La création de ‘Smart Human City » localisée dans le Néguev, ne pourrait-elle pas s’inspirer de l’approche d’ingénierie intégrée des pôles de convergence, afin d’établir un pont durable « France- Israël » à l’avantage de la coopération internationale ? A cet égard, que pensez- vous du bénéfice à attendre de l’activation de réseaux tiers financiers, technologiques, industriels et institutionnels ?
Israël est une économie ouverte sur le monde, qui est toujours à la recherche de partenaires internationaux. C’est un état d’esprit qui nous permet d’être un Etat moderne qui se transforme sans cesse. Notre marché intérieur est modeste. C’est aussi une nécessité pour notre économie de créer en songeant à l’exportation de nos produits et de notre savoir-faire. La mondialisation est un mot clef pour Israël. C’est pourquoi nous développons de nombreux pôles d’innovation qui peuvent rayonner dans le monde entier.
Nous nous sommes récemment engagés dans un partenariat technologique gagnant- gagnant avec la France, en rapprochant nos entreprises de haute technologie et en mutualisant nos expériences respectives. La France et Israël considèrent aujourd’hui l’innovation comme prioritaire afin de créer les nouveaux moteurs de l’économie de demain. Je suis convaincu des possibilités de dépasser cette crise de l’économie et de l’emploi, par des politiques communes de coopération scientifique et par les capacités des chercheurs et des entreprises à innover.
Israël est reconnu pour exceller dans lesdits domaines technologiques et industriels. Ne pensez-vous pas qu’en les partageant aussi avec ses antagonistes, ils puissent constituer le ferment des technologies de paix ?
Notre Premier ministre a toujours souligné que le développement de l’économie représentait un vecteur pour la paix. Nous coopérons avec les USA, l’Asie et l’UE, mais aussi, évidemment, avec les Palestiniens. Mais côté palestinien, cette coopération est parfois freinée par une volonté politique qui entrave les motivations économiques. Depuis les révolutions arabes de 2011, nous espérons que le monde arabe changera sa politique d’exclusion à l’égard d’Israël, pour pouvoir forger, ensemble et sans conditions, un essor économique qui fasse de notre région, un pôle de stabilité et d’innovation.
Pensez-vous que l’aide internationale au développement se situe aujourd’hui à son apogée ou serait-elle encore largement perfectible et de quelle manière ?
Nous pouvons répondre en évoquant deux points principaux. Au niveau financier, des sommes énormes sont octroyées aux pays émergents dans le cadre de l’aide au développement. Mais ce n’est pas qu’une question d’argent. Il faudrait peut-être mener une expertise réelle des ressources, des besoins de la classe professionnelle et mieux lutter contre la corruption d’une partie de la classe dirigeante.
Hélas, le cas palestinien en est un exemple. Des sommes énormes ont été injectées pour développer l’économie palestinienne. Si c’est un succès relatif en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, malgré des aides massives du Qatar, de l’UE ou de l’Asie, malgré les infrastructures agricoles données par Israël aux Palestiniens en 2005, lors du désengagement, l’économie de Gaza est exsangue. Le Hamas a même détruit les serres de production agricole ultra moderne. L’économie des tunnels et la contrebande d’armes sont préférées par le pouvoir en place à Gaza, au détriment du développement d’une économie réelle. Le Hamas gouverne pour mieux régner et non pour le bien-être de ses citoyens.
Le deuxième point de votre question relève de l’expertise des besoins réels des pays émergents. Au-delà de l’apport financier, la main d’œuvre locale devrait pouvoir être formée pour maitriser un savoir-faire au niveau agricole par exemple, ou pour utiliser au mieux les ressources rares telles que l’eau. Les cadres locaux doivent pouvoir apprendre à maitriser ces technologies. C’est pourquoi Israël met en avant la formation dans le cadre de sa coopération internationale initiée avec l’Afrique ou l’Amérique du sud, au sein de l’agence israélienne humanitaire Mashav. Israël forme aujourd’hui des collègues africains, asiatiques, arabes, palestiniens, en science, en médecine, dans les domaines de l’économie, de l’agriculture pour les aider à acquérir les outils de leur développement.
Nous soutenons aussi l’idée d’une coopération tripartite, entre Israël, la France et l’Allemagne, afin de mieux répondre aux besoins des pays émergents en mutualisant nos savoir-faire respectifs.
Que pensez-vous de l’utilité du lancement d’un projet de type plan Marshall en faveur de la paix, en s’appuyant aussi sur la création d’une banque centrale moyen-orientale ?
J’ajouterai aux nombreuses réponses déjà fournies, qu’en Europe, il faut se rappeler que la réussite du plan Marshall ne s’est pas seulement illustrée par le versement massif de subventions, mais il s’est agi de réformes, de transformations profondes engagées après le totalitarisme nazi, pour transformer les sociétés en vraies démocraties, prônant une véritable égalité des droits, des religions, des hommes et des femmes, en vraie liberté d’expression et de justice.
Il y a bien assez d’argent au Moyen-Orient. Mais y a-t-il une égalité entre les hommes et les femmes ? Existe-t-il une véritable liberté d’expression ? De véritables démocraties en Iran, dans les pays du Golfe, ou ailleurs, telle est la question.
La réussite d’un plan Marshall au Moyen-Orient imposerait aux pays concernés de se conformer aux valeurs de la démocratie, à travers l’instauration d’un Etat de droit et de liberté ainsi que la défense des Droits de l’homme. Ils devraient en accepter les valeurs et en respecter les règles, toutes les règles ! C’est-à-dire défendre l’égalité entre les hommes et les femmes, assurer le droit des minorités, des religions, respecter la liberté de la presse et d’expression. En échange d’un soutien financier massif, les pays volontaires devraient rejeter la violence et promouvoir les valeurs de la paix au lieu de poursuivre cette idéologie de la haine qui anime le radicalisme islamiste ou de continuer à nier l’existence d’un pays, mon pays, Israël. Développer l’éducation est une priorité afin de construire un monde méditerranéen prospère et, je le répète, faire cesser toute forme d’incitation à la haine.
Carmela Serfaty. CCFI et Architecte Dplg
Claude Trigano. Président UNERIHT
Source Israel Valley