vendredi 5 février 2016

Paracha Michpatim : Recevoir la Tora, aujourd’hui encore et pour toujours




Nous venons de lire, dans la section de Yithro, le récit du Don de la Tora, aboutissement de notre délivrance d’Egypte. Au terme des quarante années passées dans le désert, Moché déclarera (Devarim 6, 9) : « Seulement garde-toi, et garde grandement ton âme, de peur que tu n’oublies les choses qu’ont vues tes yeux […] Tu les feras connaître à tes enfants et aux enfants de tes enfants. »....



Mais comment a-t-il pu interdire d’oublier ce qui s’est passé alors au mont Sinaï, alors que la plupart de ses interlocuteurs n’y avaient pas assisté, et au point que nos Maîtres classent cette mise en garde parmi les commandements de la Tora s’imposant à nous tous ?
Certes, cet événement fut absolument unique dans l’histoire universelle : « Et tout le peuple voyait les sons et les flammes […] ils se tinrent debout, de loin » (Chemoth 20, 15).
Comment ont-ils pu voir ce qui est capté par l’ouïe ?
 La vue est le sens de l’instant, en ce qu’elle permet de capter soudain l’infinité des points du champ visuel en une image d’ensemble. Elle est aussi « matérielle » en ce qu’elle est destinée à voir un objet concret.

A l’inverse, l’ouïe est liée à la durée. Chaque son requérant, pour être capté, une fraction de temps, une mélodie peut nécessiter plusieurs minutes, et un discours des heures si l’on en veut une perception complète.
Au mont Sinaï, les enfants d’Israël ont perçu la Tora entièrement, en un seul instant. C’est en cela qu’ils ont « vu les sons » : leur engagement absolu les a hissés au niveau de l’instant, de sorte que leur ouïe est devenue immédiate et inclusive, « infiniment panoramique », et intemporelle.
Ils « virent les sons » émis par la bouche du Tout-Puissant (Rachi) qui étaient alors empreints d’un tel degré de réalité qu’ils continuent d’exister sous leur forme visible.
A nous qui vivons aujourd’hui, il nous incombe, « pour ne pas les oublier », de les détecter en faisant fi des bruits dus à notre attirance pour la superficialité et la futilité.
De même que nous recourons à un poste récepteur pour capter les ondes qui nous entourent mais que nous ne voyons pas, relions-nous à celles du Don de la Tora pour la recevoir dûment aujourd’hui encore !
Pour ce faire, retenons les valeurs dignes d’attention et délaissons celles ne méritant qu’insensibilité de notre part !
Inspirons-nous de notre patriarche Avraham, en nous efforçant de capter les « sons et voix célestes » autour de nous : dans la nature et ses moindres détails dignes de susciter notre émerveillement plutôt que l’indifférence due à l’habitude, dans l’infinité de « petites choses » de la vie qui, au lieu de notre impassibilité, devraient générer notre enchantement et notre reconnaissance à l’égard de leur Auteur.
Attachons-nous de surcroît à inculquer à nos enfants cette dimension « sinaïtique » et unique, et à poursuivre la chaîne de transmission qui se déploie depuis lors pour ne jamais s’interrompre : « Moché reçut la Tora “du Sinaï”, il la transmit à Yehochoua’, Yehochoua’ aux anciens… » (Avoth 1, 1), comme le souligne le verset susmentionné de Devarim : « Tu les feras connaître à tes enfants et aux enfants de tes enfants. »
Faisons-leur entendre ce qui est visible, à eux aussi, faisons-leur écouter les voix et enseignements de la Tora de manière qu’ils deviennent aussi « visibles » qu’« audibles ». Et tous ensemble, en « vivant » véritablement la Tora, élevons-nous jusqu’au niveau où notre ouïe et notre vue puissent fusionner et se confondre !


Rav Dov Roth-Lumbroso


Source Chiourim