À 67 ans, l’Israélien prend sa retraite. Pour l’économie d’Israël, c’est un nouveau départ: une année de protestation contre la vie chère. Qui a dit que le « printemps arabe » avait épargné la société israélienne ? Si Israël compte 8 millions de sujets, ce sont autant de sujets de mécontentement...Details...
À 67 ans, l’économie israélienne entre dans sa phase de maturité ; si les réseaux sociaux ont remplacé les tentes du boulevard Rothschild de Tel Aviv, la contestation contre la vie chère et la médiocrité des services est la même.
Après être descendu dans la rue (à l’été 2011), l’Israélien continue de protester, mais il change de tactique ; désormais, il boycotte les produits et services qui lui paraissent trop chers ou impropres à la consommation. Démonstration, en vrac.
1/ LA PROTESTATION DES CONSOMMATEURS DE MILKY
En octobre dernier, un groupe d’internautes israéliens vivant à Berlin a soulevé une vague d’indignation : ils appelaient leurs compatriotes à fuir la cherté de la vie en Israël et à venir s’installer dans la capitale allemande, où la vie serait moins chère. Le yoghourt Milky fut donné en exemple : fabriqué par le géant israélien de l’agroalimentaire Strauss, le petit pot coûte 4,5 shekels dans un supermarché israélien (1 euro), soit deux fois plus qu’à Berlin. La « Protestation du Milky » a eu le mérite de relancer le débat sur la cherté des produits alimentaires en Israël, sans pour autant provoquer une baisse durable des prix.
2/ LA PROTESTATION DES SUPPORTERS SPORTIFS
Les amateurs de rencontres sportives en ont marre de passer pour la vache-à-lait des fédérations de sport, et ils le disent haut et fort. Pour s’offrir le spectacle d’un match de basket dans le cadre de la compétition d’Euroleague à Tel Aviv, l’Israélien doit débourser 350 shekels, soit 80 euros ; et encore, c’est le prix des places les moins chers, puisque une place VIP atteint les 1.500 shekels. Pour une rencontre sportive similaire, un ressortissant d’un pays européen paiera en moyenne 10 euros. Désormais, la révolte gronde dans les bancs des supporters.
3/ LA PROTESTATION DES PARENTS À HANOUCCA
Cette année, les traditionnels spectacles musicaux de Hanoucca ont déplu aux parents qui ont appelé à les boycotter . Cette fois-ci, il ne s’agissait pas seulement de protester contre le prix élevé du ticket d’entrée qui avoisine les 170 shekels par personne (40 euros). Les parents entendaient aussi protester contre des spectacles conçus pour les enfants mais « dépourvus de texte ». La protestation parentale semble avoir porté ses fruits : les ventes de billets ont été en baisse de 20% par rapport à l’an dernier ; et les prix aussi ont fini par baisser.
4/ LA PROTESTATION DES PASSAGERS À BGA
Avant de monter dans un avion qui le conduira vers son lieu de vacances, l’Israélien a l’habitude de boire un café dans l’un des points de vente de l’aéroport Ben Gourion à Tel Aviv (BGA). Mais pour siroter un expresso en attendant son vol, l’Israélien devait se ruiner, tout au moins jusqu’en décembre dernier. La polémique publique autour des prix affichés par les cafés à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv a fini par payer : l’enseigne Café-Café a remporté l’appel d’offres de l’aéroport, s’engageant à respecter le prix maximum fixé par les Autorités portuaires. Désormais, le prix de l’expresso ne dépassera pas les 8 shekels ou 1,80 euro.
5/ LA PROTESTATION DES SKIEURS DU HERMON
Le billet d’entrée pour la station de ski du Hermon, située sur le plateau du Golan, a toujours été cher. Ces dernières années, seules les familles les plus aisées pouvaient se permettre s’adonner aux plaisirs du ski ou de la luge dans un des sites touristiques les plus populaires du pays. Après maintes protestations, le prix d’entrée a fini par diminuer. Au début de l’hiver dernier, le ticket est passé de 49 à 44 shekels. La baisse n’est pas énorme (5 shekels de moins, soit 1 euro), mais la tendance est amorcée.
6/ LA PROTESTATION DES CINÉPHILES HIÉROSOLYMITAINS
L’ouverture du nouveau complexe de cinémas CinemaCity à Jérusalem a été célébrée l’an dernier avec faste. Or très vite, les cinéphiles de la capitale ont dû déchanter : les 19 salles sont restées fermées le samedi. Le maire de la ville se retranche derrière le « statu quo », un compromis politique avec les fractions religieuses qui siègent qui conseil municipal. Les habitants laïcs de la ville ont multiplié les manifestations de rue et ont menacé de boycott, mais en vain : l’affaire a été portée devant la justice qui tranchera.
7/ LA PROTESTATION DES PARENTS QUI ENVOIENT LEURS ENFANTS EN POLOGNE
Les voyages scolaires en Pologne sont une tradition en Israël ; mais une tradition coûteuse pour les parents qui doivent débourser pas moins de 6.000 shekels (1.400 euros) pour permettre à leur enfant de partir sur les traces de la Shoah. Cette année, le gouvernement israélien a enfin décidé de mettre fin à ce scandale : il a lancé un appel d’offres pour choisir un nouveau tour-opérateur qui organisera ces voyages. En espérant qu’en ouvrant à la concurrence le marché des séjours en Pologne, le prix baissera de 30%.
8/ LA PROTESTATION DES SMICARDS
Soutenue par les syndicats, la protestation des smicards israéliens a fini par payer. Après deux années et demie de gel, le salaire minimum a été revalorisé de 8% à compter du 1er avril dernier : il est passé de 4.300 à 4.650 shekels brut par mois, soit 1.100 euros environ pour 43 heures de travail hebdomadaires. Le patronat et le gouvernement ont même accepté une hausse échelonnée jusqu’à 5.000 shekels d’ici 2017. En Israël, un salarié sur trois doit se contenter du salaire minimum.
9/ LA PROTESTATION DES TOURISTES À EILAT
Les Israéliens en ont marre de se faire plumer en descendant sur une des plages de la station balnéaire d’Eilat ; depuis longtemps, le prix des glaces, boissons et chaises plastique, sont hors de prix, mais aucune protestation n’avait réussi à faire baisser les prix. En novembre dernier, la municipalité d’Eilat a enfin publié les nouveaux tarifs pour les 23 plages de la ville balnéaire. Les prix baissent de 18% en moyenne ; désormais, un petite bouteille d’eau minérale coûtera 5 shekels et une chaise longue 12 shekels.
10/ LA PROTESTATION DES AGRICULTEURS
Les agriculteurs israéliens en ont marre d’être accusés de la hausse des prix des fruits et légumes ; en fait, c’est la marge des distributeurs qui tire les prix au détail vers le haut, alors que le cultivateur couvre difficilement ses coûts. Depuis quelques mois, une association de consommateurs prend la défense des agriculteurs et relève un nouveau défi : vendre des fruits et légumes à prix coûtant. Cette association à but non lucratif organise des ventes directes de l’agriculteur au consommateur, à des prix défiant toute concurrence. Démarrée en janvier dernier dans le centre d’Israël, cette opération de « vente à prix coûtant » devrait s’étendre progressivement à plusieurs localités du pays.
Jacques Bendelac (Jérusalem)
Source Israel Valley