Rien d'étonnant à ce que les théories conspirationnistes y prospèrent : elles n'auraient pas pu rêver terreau plus fertile. Dans ce contexte, à quoi peut donc se fier l'internaute avide de connaissance, mais conscient des pièges tendus par la toile ? Aux bonnes vieilles références, les survivances de l'époque post-Gutenberg mais pré-Zuckerberg. Celles en tout cas qui se sont adaptées, tant bien que mal, aux contraintes de notre temps, tout en tentant de préserver leur réputation de sérieux...
En d'autres termes, on s'attend à trouver, par exemple, moins de prises de position et moins d'erreurs factuelles sur le site du Larousse que sur Wikipédia.
C'est dans cet état d'esprit que je me suis récemment rendu sur le site du Larousse pour y lire la définition du mot "terrorisme''. Aucun problème avec la définition elle-même : claire, nette, bien formulée, et, naturellement, "objective''. Un autre élément de la même page m'a, par contre, pour le moins perturbé. Le site proposait les premières lignes de l'entrée consacrée au même terme sur l'encyclopédie en ligne de Larousse, et elles étaient illustrées…par une photo de l'ancien Premier ministre israélien Menahem Begin devant le drapeau de son pays.
Larousse, une référence, un garant d'objectivité pour des millions de Français et de francophones à travers le monde, considère donc que Begin, et dans une moindre mesure l'Etat d'Israël, constituent le meilleur des exemples possibles lorsqu'il est question de terrorisme. Ni Al Qaïda, ni le Hamas palestinien, ni le Hezbollah libanais, ni les Brigades rouges italiennes, ni la bande à Bader allemande, ni le Sentier lumineux péruvien, ni l'O.A.S. française.
La liste est longue des organisations, qui, au début de notre siècle et tout au long du précédent, se sont livrées à "des actes de violence commis pour créer un climat d'insécurité, pour exercer un chantage sur un gouvernement, pour satisfaire une haine à l'égard d'une communauté, d'un pays, d'un système'' selon, précisément, la définition du Larousse. Mais les concepteurs du site de son encyclopédie en ligne ont jugé que Menahem Begin, posant devant le drapeau israélien, convenait mieux pour illustrer l'entrée "terrorisme''.
Déduisez-en ce que vous voulez.
Une semaine plus tard, la photo laissait place en entête à celle des tours jumelles du World Trade Center, mais restait présente dans le corps du texte. On aura apprécié l'équivalence sous-entendue par cette substitution.
Je n'étais pas au bout de mes surprises. En consultant la fameuse entrée "encyclopédique'' (vous constaterez un peu plus loin à quel point l'usage des guillemets se justifie), j'ai découvert que la photo de Begin avait été choisie pour illustrer un exemple de dirigeant terroriste devenu par la suite responsable politique. Car le chef historique de la droite israélienne, nous apprend le Larousse' en ligne, était bien un leader terroriste avant de se lancer dans la vie politique, puisqu'au cours des années précédant la naissance de l'Etat d'Israël il avait dirigé le ''groupe Stern''.
Dois-je rappeler que Begin n'avait rien avoir avec le ''groupe Stern'', plus connu en Israël sous le nom de ''Lehi'' ?
Il y avait bien, dans le triumvirat qui a dirigé cette petite organisation clandestine après la mort de son fondateur, Avraham Stern, un futur premier ministre israélien. Mais il s'appelait Yitshak Shamir.
En résumé, le symbole d'objectivité et de sérieux qu'est le 'Larousse' a été pris, à travers cet exemple, en flagrant délit de partialité idéologique et de grossière erreur factuelle. Certains seraient tentés d'établir entre ces deux travers un lien de cause à effet. Contentons-nous ici de rappeler la devise du Larousse, "Je sème à tout vent''. Censée exprimer la ''diffusion du savoir", elle prend soudain une toute autre signification.
Contacté par notre rédaction, Larousse n'a pas répondu à nos demandes d'explications.
Source I24News