Enfant, Ronny Basson avait en horreur le couscous de son père, qu’il avait ainsi rebaptisé « nourriture pour oiseau ». Aujourd’hui, à 27 ans, il est à son tour devenu chef. Et comble du paradoxe, il a bâti sa renommée à partir de l’innovant couscous au boulgour et de l’héritage culinaire du célèbre Moshé Basson, qu’on ne présente plus.
Originaire de Jérusalem, Basson a remporté pour la seconde fois une compétition internationale qui a pour vocation de sacrer le meilleur couscous. Son secret ? Un mélange d’ingrédients qui sortent de l’ordinaire – lavande, sirop d’hibiscus et de sauge, ou encore ricotta – le tout combiné dans une recette dérivée du couscous au boulgour de son père. Résultat : un plat savoureux au nom évocateur, « Harmonie » qu’il a concocté avec son acolyte des fourneaux, Boaz Cohen.
La compétition, légitimement baptisée le Festival du Cous Cous de San Vito Lo Capo en Italie, a rassemblé des équipes issues de neuf pays du 24 au 29 septembre dernier. Aux côtés d’Israël, concouraient donc l’Italie, l’Egypte, le Maroc, la Palestine, le Sénégal, la Tunisie, la Côte d’Ivoire et les Etats-Unis.
Basson détaille sa recette. La lavande, un arôme pourtant fort, explique-t-il, assure au couscous toute sa fraîcheur et légèreté. Un ingrédient qu’il considère comme primordial. Le sirop de sauge et d’hibiscus, lui, engage les papilles gustatives.
Quant à la ricotta, étalée sur un poisson blanc d’accompagnement, elle constitue la touche finale qui allie les héritages culinaires siciliens et israéliens. En Italie, elle est généralement utilisée pour les desserts. Son mélange italo-israélien, qui, dit-il, a surpris les palais italiens en particulier, a été loué par le jury du concours. Les membres ont déclaré avoir été séduits par l’alliance harmonieuse des textures et saveurs, chacune d’elle se révélant à sa juste valeur.
Avec son couscous, Basson prolonge la tradition initiée par son père. Peu de temps après avoir remporté lui-même le Festival du Cous Cous en 1999 en utilisant un féculent, la semoule de couscous, Moshé Basson commence à utiliser du boulgour très fin. Ingrédient, qui, pour les deux chefs père et fils, a pour avantage d’être plus granuleux et d’apporter un goût relevé.
Si Moshé, réputé pour ses plats qui allient cuisine moderne et traditions bibliques, a décidé de passer au boulgour, c’est qu’il s’agit, selon lui d’un ingrédient local, déjà utilisé pour le couscous à Jérusalem à l’époque du Second Temple.
C’est à partir du plat créé par son père que Ronny a poussé l’innovation un grain plus loin, en concevant son « couscous du roi Salomon », qui lui a permis de remporter son premier Festival du Cous Cous, en 2007. Outre le boulgour, Basson utilise d’autres ingrédients ruraux et anciens, comme notamment la purée de potiron et les pois chiches. Sa marque de fabrique qu’il continue de servir dans le restaurant familial du clan Basson à Jérusalem, Eucalyptus.
Mais aujourd’hui, Basson fils aspire à s’affranchir des coutumes paternelles qui consistent à revisiter d’anciennes recettes bibliques. Il aspire à innover à partir de plats issus de la cuisine traditionnelle.
Son succès au Festival du Cous Cous confirme qu’il est sur la bonne voie. Les jurés ont décrété qu’il avait préparé là quelque chose de « nouveau » et « original », très loin du classique couscous aux légumes, viande ou poisson, qui a fait le tour du monde.
Après avoir ouvert un établissement au Canada, à Halifax, qu’il a géré pendant 6 mois, ce qui lui a permis de « se jeter à l’eau », Basson fils est revenu en Terre sainte. Et salue les capacités créatrices de son père plus que jamais.
S’il veut voler de ses propres ailes, il sait qu’il a aussi beaucoup à apprendre de son géniteur, aussi baptisé « l’archéologue culinaire ».
Certes, père et fils affichent parfois des vues divergentes quant à l’avenir de leurs restaurants. Si Moshé se concentre sur la cuisine biblique et des plats qu’il pioche dans les textes juifs sacrés, Ronny, lui s’intéresse à mixer la gastronomie traditionnelle avec la cuisine moléculaire. Mais tous deux ont une ambition commune : préserver le passé.
Source JerusalemPost