mardi 26 novembre 2013

PME françaises à l'international ? Changement de méthode urgent


Chronique d'une semaine passée en Israël avec la délégation présidentielle durant laquelle aucune des PME françaises présentes n'a pu parler avec un François Hollande venu pourtant pour 48 heures. La France a une croissance qui regarde vers le bas. Nous aurions donc besoin de PME conquérantes pour regarder vers le haut. Les performances superbes de nos champions du CAC 40 sont largement insuffisantes à assurer l’oxygène nécessaire à une économie prospère.


Si les PME ne prennent pas le relai de nos grands groupes, qui eux vont désormais gambader, en eaux chaudes, sur des mers de croissance lointaines, nous traverserons bien vite un désert aride dans lequel la signalisation "ci-gît la croissance" croisera à chaque pas le regard des marcheurs.
Les PME sont l’éternel espoir de l’économie française, un potentiel sur le papier qui a bien du mal à passer le cap du phantasme et déçoit toujours. Elles pourraient le faire mais ne le font pas. Près de 70% des PME qui ont été à l’international, comme on part en week-end à Marrakech, ne transforment pas l’essai. Séduites par les aides qui réduisent le coût de leur voyage de prospection, elles partent sans stratégie ni préparation. Comme tout sportif non échauffé, elles se cassent au premier obstacle. Une toute petite proportion de PME présente un succès insolent à l’international. Qui cache la misère et le gâchis de centaine d’autres, qui, bien préparées et accompagnées, pourraient aller conquérir des marchés et développeraient ainsi en France emploi et R&D à haut niveau, tirant vers le haut notre système éducatif. Le nombre de PME se développant à l’international est ainsi passé de 120 000 à moins de 80 000 en moins de 8 ans. Il faut tirer la sonnette d’alarme et appeler les pompiers. Vite !
La façon de le faire demande un changement de culture, dont les voyages présidentiels et ministériels sont le reflet. Au lieu d’une fantastique opportunité, ceux-ci continuent à sombrer dans la tristesse de l’habitude et de l’apparence, des paillettes pour la presse là où nous avons un besoin urgent d’efficacité.
Chronique d’une semaine passée en Israël avec la délégation présidentielle. Tout d’abord, les délégations sont principalement composées de patrons du CAC 40. Qui sont là pour le décorum. Les contrats exhibés à la télévision sont pré-signés. Le passage devant les caméras n’apporte rien, au delà d’un vague impact psychologique. Des rencontres interviennent, des rendez-vous se font, mais quand vous êtes EDF ou Véolia et que vous avez déjà 5000 personnes sur place, vous n’en avez pas besoin. Les PME elles, en auraient bien besoin. Ce pourrait être une fantastique levier de développement. Mais ce n’est pas le cas. La France ne prête qu’aux riches, c’est dommage.
Les politiques ? Même motivés par l’efficacité de la diplomatie économique, comme l’est Laurent Fabius, qui met le turbo sur ce thème, ils passent peu ou pas de temps avec les entreprises présentes. Depuis Jacques Chirac qui, lors des délégations, faisait avec un plaisir non dissimulé le VRP entre les boîtes présentes, les politiques considèrent manifestement que passer un peu de temps avec leur délégation d’entrepreneurs est un temps perdu. Ce manque de considération et de proximité explique tellement bien la déconnexion des politiques du monde réel et leur incapacité à prendre les mesures qui s’imposent. Pas une seule des PME n’a pu parler avec un président venu pourtant pour 48 heures et avec cinq ministres ! Au lieu d’exposer des contrats prémâchés, pourquoi ne pas préparer ceux de l’avenir avec nos PME du futur ?
Au final, notre délégation aurait dû être composée de 80% d’entreprises innovantes afin d’être au diapason de ce qu’Israël, terre sainte d’innovation, avait à offrir. Les incubateurs, chercheurs et start-up attendaient investisseurs, coopérations et alter-ego. Qu’ont-ils eu et qu’en découlera-t-il ? RIEN, je peux vous l’affirmer. Heureusement que des réseaux, venus avec 53 entrepreneurs, ont fourni les profils dont nous avions besoin et qui donneront lieu à des coopérations effectives, dont la France, sera, au final, gagnante.
Cela ne fait que confirmer un état de fait qu’il faut désormais considérer comme une règle de vie pour les entrepreneurs. Si nous voulons que cela change, c’est par nous et c’est maintenant. Les corps constitués et les institutions (ambassade, ubifrance…) sont entièrement concentrés sur le CAC et la presse. A nous de donner la matière dont sera issue la croissance, de planter de véritables plantes dans ce décorum artificiel et inutile dont la France a le secret.
Passons de la culture du contenant à celle du contenu. L’urgence de la situation économique l’exige. Qui sait que les champions (que nous aimons et que nous devrions bien plus respecter) du CAC 40 ont un âge moyen de 101 ans ? Que les nouveaux champions américains ont moins de 10 ans ? Nous avons 90 ans de retard sur le renouvellement de nos élites et ils ont 90 ans de retard sur l’évolution culturelle et économique nécessaire pour faire de notre potentiel un talent. La France ne peut plus vivre de la satisfaction d’avoir été à un doigt de l’exploit, d’être le bon participant sympathique qui laisse toujours la victoire aux autres. Assez de la culture du baron de Coubertin, celle de la participation, passons à celle de la gagne. Ne comptons pas sur l’Etat et les institutions, prenons-nous en main, mais prenons aussi la société en main. Guidée par ceux qui la font plutôt que par ceux qui paraissent, nous gagnerions tellement en efficacité et au final en croissance. Les Français ont besoin de conquête, pas de parade. Le paon qui fait la roue fait plaisir aux yeux mais ne nourrit personne. Cessons de faire la roue.

Source Atlantico