Les relations entre Israël et les Etats-Unis traversent une grave crise à propos des dossiers palestinien et nucléaire iranien, sur lesquels ces deux alliés stratégiques étalent leurs divergences sur la place publique.
Dans cette épreuve de force, qui a connu un pic cette semaine, les deux protagonistes n'hésitent plus à tenter de rallier les opinions publiques du pays opposé en passant par-dessus la tête des dirigeants.
Ainsi, le ministre de l'Economie Naftali Bennett, en visite à Washington, s'efforce de convaincre les membres du Congrès de s'opposer à un assouplissement des sanctions contre l'Iran, voulu par l'administration Obama.
"Je ne dis pas ce que les Américains doivent faire, je leur fournis des informations, c'est à eux de décider, ce n'est pas vraiment du lobbying, mais plutôt un dialogue entre amis", s'est justifié vendredi à la radio publique M. Bennett, chef du Foyer juif, un parti nationaliste religieux ardent partisan de la colonisation dans les Territoires palestiniens.
En sens inverse, l'ambassadeur des Etats-Unis, Dan Shapiro, se livre en Israël à un forcing médiatique, s'exprimant parfois en hébreu, pour rassurer sur le projet d'accord qui doit être discuté à nouveau le 20 novembre à Genève et qui n'impliquera, selon le diplomate, qu'une levée partielle des sanctions contre l'Iran.
"Il serait préférable que nos divergences soient abordées en privé, mais parfois c'est impossible", a reconnu l'ambassadeur américain.
Le quotidien de gauche Haaretz, citant un ministre, affirme que le gouvernement israélien ne considère désormais plus le secrétaire d'Etat John Kerry comme un "médiateur honnête" aussi bien pour ce qui est de l'Iran que pour les négociations de paix israélo-palestiniennes, au bord de l'implosion.
C'est le ministre israélien de la Défense passive, Gilad Erdan, qui est monté au créneau jeudi pour lancer une attaque frontale contre le chef de la diplomatie américaine.
"J'ai été stupéfait d'entendre John Kerry se demander pourquoi le Premier ministre critique l'accord discuté à Genève sans attendre qu'il soit signé", a proclamé M. Erdan.
"Quand on évoque un pays qui veut détruire Israël, et les conditions qui lui permettront de réaliser son souhait, qu'attendent-ils du Premier ministre israélien? Qu'il ne crie pas quand le couteau est sorti, mais seulement quand il se trouve sur notre gorge?", a argué ce proche de Benjamin Netanyahu.
M. Netanyahu ne perd pas une occasion de presser les grandes puissances de ne pas accepter un accord "dangereux" avec Téhéran, soupçonné malgré ses démentis de chercher à obtenir l'arme atomique sous couvert d'activités nucléaires civiles.
Le ton très dur adopté par le Premier ministre est en phase avec l'opinion publique israélienne. Les deux tiers de la population juive israélienne se déclarent opposés à l'accord sur le nucléaire iranien en cours de discussion, selon un sondage publié vendredi.
La tactique employée par M. Netanyahu envers le grand allié américain ne fait toutefois pas l'unanimité.
Le président Shimon Peres, tenu pourtant à son devoir de réserve, a exprimé jeudi des critiques à peines voilées: "Si nous avons des divergences (avec les Etats-Unis) nous devons les exprimer, mais aussi nous rappeler que si nous savons des choses (sur le programme nucléaire iranien), les Américains les connaissent aussi".
Et évoquant la question palestinienne, il a rappelé que l'administration Obama n'avait "jamais repoussé aucune demande adressée par Israël", et s'est notamment opposée à la démarche de reconnaissance de la Palestine à l'ONU.
M. Kerry rejette les critiques de M. Netanyahu, assurant que le projet d'accord avec l'Iran protégerait "Israël de manière plus efficace".
Pour le commentateur de la radio publique Ronen Pollak, M. Netanyahu sait bien qu'un accord est inévitable "mais il est décidé à l'épreuve de force avec Washington pour que l'accord soit le moins mauvais possible".
De fait, un haut responsable américain a confirmé vendredi qu'un accord est "possible" dès les prochaines discussions à Genève.
"Nous allons travailler très dur la semaine prochaine. J'ignore si nous parviendrons à un accord. Je pense que c'est tout à fait possible. Mais certains dossiers ardus sont encore sujets à négociations", a déclaré ce responsable à la presse à Washington.
Source Var Matin