mardi 5 novembre 2013

Druzes israéliens : une communauté méconnue


Il est des minorités qui vivent en Israël dont tout le monde connait l’existence mais dont tout le monde ignore l’histoire. Parmi toutes ces minorités il y a une communauté qui se distingue tout particulièrement. Il s’agit de la communauté Druze en Israël. Les Druzes sont originaires essentiellement du Liban, de la Syrie et du nord d’Israël. En 2010, on recensait 125300 personnes vivant majoritairement dans les hauteurs du Carmel, de la Galilée et du Golan. Les principales villes Druzes du pays sont Dahliat el Carmel qui compte 16000 habitants et la ville de Osfiat mitoyenne qui en compte 11000 environ. Toutes deux se trouvent sur les contreforts du Mont Carmel, près de Haïfa. Ce sont les villes les plus au sud où l’on constate la présence de Druzes.


Les Druzes ne sont pas reconnus comme musulmans par aucune autorité islamique. Eux même ne se reconnaissent pas dans l’Islam, ils se revendiquent des trois principaux prophètes à l’origine des trois grandes religions monothéistes. Fervents observateurs des 7 lois Noahides qui auraient été données, d’après la tradition juive, par Dieu à Noé comme une alliance éternelle avec toute l’humanité.
La religion Druze reste très secrète et n’est révélée aux fidèles qu’après divers degrés d’initiation. Cette discrétion était imposée en raison des exactions qu’on subies les membres de cette communauté de la part des autres musulmans et même des chrétiens.
Les Druzes n’autorisent aucune conversion, il faut être de père et de mère Druzes pour être Druze. Ils n’autorisent aucun mariage mixte et ne peuvent s’unir qu’à une seule femme.
Leur présence en Israël remonte à plusieurs centaines d’années. Ils étaient déjà là au moment de la proclamation d’indépendance de l’état d’Israël. N’ayant aucune revendication nationaliste, ils ont promis allégeance à l’état juif nouvellement créé. Cette promesse n’avait rien de vaine. Les Druzes se sont montrés d’une loyauté exemplaire vis à vis d’Israël. La communauté Druze à donné bon nombre de ses enfants à la défense de l’état juif. Leur engagement est tel qu’ils ont réussi à atteindre les plus hauts postes au sein de l’état aussi bien dans le domaine politique que militaire, sans parler des réussites économiques ou sociales. Très attachés à la démocratie, ils se reconnaissent dans les valeurs israéliennes qui leur permettent un mode de vie adapté à leur mentalité, entrainant la jalousie des Druzes vivant dans les pays voisins sous des régimes moins ouverts.
Benjamin Netanyahu a déclaré le 25 avril 2013 : «Il y a un triple lien particulier entre le peuple juif et la communauté Druze – dans le sang, dans la vie et entre nos peuples. Je tiens à exprimer la gratitude du peuple juif pour les Druzes qui sont tombés pour la défense de l’État d’Israël. Ils ont été des combattants courageux et dévoués, et je parle par expérience personnelle. J’ai combattu aux côtés de soldats et de commandants Druzes, et mon défunt frère a combattu aux côtés de soldats Druzes qui ont amené honneur et sécurité à l’État d’Israël, moi même et le peuple juif n’oublieront jamais cela. Cela a une place spéciale dans mon cœur et dans le cœur des israéliens. »
J’ai donc voulu comprendre qui sont ces Druzes dont le nationalisme est souvent très prononcé et savoir comment ils vivent en tant que minorité non juive dans le paysage d’Israël.
Quand Jamal Mansour nous a invité, Myriam Dahan et moi, à rencontrer la communauté Druze, j’ai immédiatement pensé que nous avions un devoir de parler de ceux qui apportent tant à la société israélienne.
Très ponctuel à l’heure de notre rendez vous, Jamal prend un soin particulier pour nous guider dans les rues sinueuses de Dahliat el Carmel. Il a organisé notre première visite avec le député Likoud à la Kneseth, Ayoub Kara, l’ancien vice-ministre du développement du Néguev et de la Galilée qui est une figure emblématique des Druzes israéliens. Il nous accueille comme des ambassadeurs dans sa propre maison. Sur la table se trouvaient déjà de nombreux gâteaux et sucreries en tout genre. Visiblement, nous étions attendus. Assis dans un énorme salon, il m’installait à ses côtés pour me parler inlassablement de l’histoire de sa communauté. J’ai immédiatement senti cette envie de parler de son peuple, d’en faire connaitre la loyauté vis-à-vis de l’état d’Israël auquel il est si attaché, cette fierté d’appartenir à la population israélienne, d’en être membre à part entière et de pouvoir jouir de cette liberté offerte par la démocratie de l’état hébreu. Plusieurs personnes se sont succédées dans le salon pour nous saluer, j’ai été très intimidé par un tel accueil.
Après une demi-heure d’entretien, Jamal nous indique qu’il est temps de partir car le programme qu’il a prévu pour nous est encore très chargé. Nous saluons notre hôte en le remerciant et nous voilà reparti à la rencontre du Docteur Akram Hasson qui habite une très jolie maison en contrebas de la ville. Membre de la Knesset pour le parti Kadima entre 2012 et 2013, ancien maire de Carmel city, cet homme de 53 ans nous accueille avec une joie communicative. Très vite à l’aise, il nous parle de son parcours qui l’a conduit jusqu’à la Knesset en passant par un poste d’adjoint au maire de Dahliat al Carmel. Fort de son expérience acquise durant les sept années qu’il servit dans Tsahal, le gouvernement israélien lui demande de se rendre à Marseille pour aider les autorités françaises à comprendre les dérives intégristes de la ville Phocéenne. Il nous dit qu’il aime beaucoup la France où il s’est rendu à une vingtaine de reprises. Il ne peut pas comprendre ni admettre le prosélytisme musulman qui pousse au terrorisme et dénonce le manque de loyauté de la population issue de l’émigration vis-à-vis des pays qui ont accueilli leurs parents comme la France, la Belgique ou la Grande Bretagne. Il met en parallèle la loyauté de la communauté Druze qui cherche à évoluer et à grandir au sein des pays où elle réside avec le comportement parfois contestable de la jeunesse d’origine étrangère dans les pays occidentaux.
Mais le temps presse, Jamal à encore un programme complet à nous proposer. A peine le temps de prendre un café au goût d’un autre temps et au parfum envoûtant, nous saluons notre hôte en le remerciant pour son accueil si chaleureux.
Nous voilà parti visiter le Beth Yad Lebanim Druze qui trône sur les hauteurs du village, intégrant un musée où sont présenté les photos des Druzes tombés dans les différentes guerres que les légions arabes ont mené contre l’état Hébreu et dans lesquelles les Druzes se sont particulièrement illustrés. Cette attention est très touchante car elle donne une dimension palpable de l’engagement des Druzes dans les combats qu’ils ont mené à nos côtés, souvent en première ligne.
Lors de la visite de ce site, il y a encore une chose très émouvante qu’il m’a été donné de voir, c’est la maison de Alice et Laurence Olifant, politicien et journaliste britannique fervent défenseur de la cause sioniste dont le secrétaire particulier n’était autre que Naftali Herz Imber qui composa les paroles de la Hatikva qui est devenu l’hymne national de l’Etat d’Israël. Imber s’installe pour cinq ans durant, dans le village Druze de Dahliat el Karmel.
Jamal n’a rien négligé. Il nous propose alors un moment de détente dans un restaurant du centre ville où nous attend déjà Fawaz Kamal, le directeur du département chargé de la presse arabe dépendant du cabinet du Premier Ministre. Son discours est invariable des autres personnalités que nous avons rencontré. Lui aussi insiste sur la loyauté de sa communauté vis à vis d’Israël. Ca en devient obsessionnel et il me semble que cet aspect qui caractérise les Druzes n’est pas assez reconnu par les israéliens. Ce «leitmotiv» résonne comme un appel, comme un vœu pour que soit reconnu à sa juste valeur et de façon durable l’engagement des Druzes. Le repas se poursuit joyeusement entre les plats traditionnels divers et succulents mais jamais accompagné d’alcool, les Druzes ne boivent pas d’alcool.
Nous nous séparons à la fin du repas avec un le sentiment de s’être arraché à cette compagnie si chaleureuse, un vrai déchirement tellement ces gens sont attachants. Mais Jamal ne nous laisse pas le temps d’avoir des états d’âme car il est à présent question d’aller à la rencontre d’une des plus grandes éminences de la communauté Druze.
Notre prochaine visite est entourée de mesures de précaution que je ne comprenais pas. Je ne savais pas chez qui nous allions et je m’étonnais de cette forme de protocole mis en place par Jamal.
Nous arrivons enfin devant une très jolie maison qui surplombe la ville. Jamal descend et nous demande d’attendre un moment près de la voiture. Après quelques minutes, il revient vers nous en nous disant que tout était arrangé et que nous pourrions rentrer dans la maison de notre hôte mystérieux. Il me demande de ne pas faire de photos, ma curiosité est à son comble : chez qui sommes-nous arrivés ?
Un très bel homme vient à notre rencontre dans le jardin. Il est grand, élégant et souriant. Ce n’est que lorsque Jamal nous présente que j’apprends que nous sommes dans la maison du Secrétaire militaire du Président de l’Etat d’Israël. Whaouh ! je suis très impressionné car je ne m’attendais pas à une telle surprise. Jamal tenait à nous faire connaitre ce personnage exceptionnel qui témoigne à lui seul de l’engagement des Druzes et aussi de la confiance que nos plus grands dirigeants accordent à ces hommes auxquels je m’attache de plus en plus.
Il nous invite à pénétrer dans sa maison et encore une fois, nous constatons que nous sommes attendus. Nous saluons la famille de Monsieur Hasson Hasson qui était réunie dans un grand salon autour d’une table recouverte de gâteaux, de sucreries et de fruits secs. Quel honneur de partager ce moment privilégié avec notre hôte, j’en suis très intimidé et j’en perds même mon anglais à l’accent français. Je ne sais plus quoi dire mais Monsieur Hasson Hasson se met en quatre pour me détendre en me racontant des anecdotes liées à sa fonction. C’est lui qui parle et tout le monde écoute. Je suis sous le charme et quand je pense que je suis dans la maison de celui qui organise et sécurise tous les faits et gestes de notre Président, mon esprit s’envole dans les nombreux tableaux et photos prestigieuses qui habillent ce salon dans lequel je me sens si bien.
Jamal m’a réservé un dernier privilège et j’ai su par la suite qu’il n’était pas donné à tout le monde. Il me fit visiter le lieu de culte de la ville. Ce n’est surtout pas une mosquée comme s’en défend Riad Hassoun, le manager général de la ville qui nous attend pour nous expliquer les pratiques religieuses de la communauté Druze. Riad Hassoun est un personnage haut en couleur. Il dégage une énergie communicative accompagnée d’un humour confirmé. Il est à l’origine du jumelage de la ville de Dahliat el Carmel avec la ville de Bussy st Georges en région parisienne et il me parle inlassablement de ses nombreux voyages en France.
Pour terminer notre visite, Jamal nous invite à son tour dans sa propre maison aux allures de musée. Jamal est un vieux baroudeur, il a une expérience incroyable. Il a longtemps travaillé en Afrique d’où il a rapporté de nombreux souvenirs et d’incroyables objets d’art africain, qu’il nous montre avec une fierté non dissimulée. Jamal est très respecté dans la ville, il écrit dans le journal local en langue Druze et s’est fait une fierté de raconter notre périple au sein de sa communauté dans les colonnes de son journal. Ultime cadeau qu’il nous fait et pas des moindres.
Dans un pays que l’on accuse souvent de tous les maux, vit une communauté sans histoire qui mérite tout notre respect et dont j’espère que chacun s’inspirera pour créer l’harmonie entre les peuples.
 
Source Israel Actu