jeudi 27 juin 2019

Iran-Etats-Unis : de 1979 à 2019, quarante années d’hostilités


Depuis la révolution islamique, les relations entre l’Iran et les Etats-Unis ont toujours été ponctuées de déclarations agressives.........Retour en six phrases clés sur quatres décennies de tensions........
  

Donald Trump a fustigé dans un tweet, mardi, «la déclaration particulièrement insultante de l’Iran témoignant de son ignorance», en menaçant Téhéran de «représailles écrasantes». Le président iranien, Hassan Rohani, venait de parler de «troubles mentaux à la Maison Blanche» après l’annonce des dernières sanctions américaines. 
Ce dernier échange d’amabilités entre Washington et Téhéran n’est pas une nouveauté liée au style Trump. Gesticulations, vociférations, insultes et menaces sont depuis presque quarante ans devenues la norme dans les relations entre les deux pays, quels que soient les dirigeants américains ou iraniens. 
Depuis la révolution islamique de 1979 qui a écarté du pouvoir le chah d’Iran, grand ami des Américains, l’ancienne alliance s’est transformée en défiance permanente. 
La politique de confrontation avec les Etats-Unis permet depuis à l’Iran de rester juché au rang de principal adversaire de la première puissance mondiale, ce qui flatte son histoire et son opinion. 
Les Américains en retour n’ont jamais caché vouloir la perte de la République islamique qui s’oppose à leur politique et à leurs alliés au Moyen-Orient. Retour sur quatre décennies d’une obsession réciproque empreinte d’une certaine fascination.

1979 : «Mort à l’Amérique, le Grand Satan»

Le slogan est scandé dès les premières manifestations massives qui mènent à la victoire de la révolution islamique en février 1979. 
Le geste joint à la parole met le feu aux drapeaux américains dans les rues iraniennes. 
Puis le 4 novembre, des étudiants se réclamant de «la ligne de l’imam Khomeiny», premier guide de la révolution, investissent l’ambassade américaine à Téhéran et prennent en otage les 53 diplomates qui s’y trouvent (photo ci-dessus). 
Ils les détiendront pendant quatre cent quarante-quatre jours avant de les libérer en janvier 1981, le jour de l’investiture de Ronald Reagan à la Maison Blanche. 
Le cadeau iranien au nouveau président se veut une dernière gifle à Jimmy Carter, coupable d’avoir donné l’asile au chah d’Iran sur le sol américain, et surtout d’avoir pris les premières sanctions économiques en cessant tout achat de pétrole iranien au lendemain de la prise de l’ambassade à Téhéran.

1988 : «Des accusations sauvages de la part de l’Iran, aussi insultantes qu’absurdes»

Les mots sont de George Bush (père), vice-président de Ronald Reagan. Les Etats-Unis réfutaient leur responsabilité alors qu’un missile, tiré de leur croiseur dans le golfe Persique, venait d’abattre un Airbus de la compagnie Iran Air avec 290 personnes à bord. 
Les passagers étaient essentiellement des pèlerins iraniens se rendant à La Mecque. 
Les Américains ont prétendu que l’avion représentait une menace et n’avait pas répondu aux sommations de leur marine. 
Le drame se produit alors que la guerre entre l’Irak et l’Iran, démarrée en 1980, connaît une escalade meurtrière, qui poussera finalement l’imam Khomeiny à «boire la coupe empoisonnée», en acceptant un cessez-le-feu qu’il avait jusque-là refusé à plusieurs occasions.
La responsabilité américaine pour le tir sera établie en 1996 après une longue enquête internationale obligeant les Etats-Unis à payer des compensations aux familles iraniennes.

1998 : «L’Iran n’a pas besoin de relations avec les Etats-Unis»

Comme pour tempérer les propos inhabituellement conciliants qu’il vient de tenir, Mohammed Khatami, récemment élu président de la République, prononce la phrase au cours d’une interview exceptionnelle sur CNN. 
Considéré comme un réformateur face aux utlraconservateurs de la République islamique, il fait par ailleurs l’éloge de «la civilisation américaine», condamne «fermement le terrorisme sous toutes ses formes» et affirme que «l’Iran n’est pas, et ne cherche pas à devenir, un Etat nucléaire». 
Rare moment de dégel dans les relations américano-iraniennes : la secrétaire d’Etat Madeleine Albright fait une proposition spectaculaire de normalisation des relations à Téhéran, après dix-huit ans de rupture. Mais la détente sera de courte durée.

2002 : «La Corée du Nord, l’Irak et l’Iran forment avec leurs alliés terroristes l’axe du mal»

La formule, devenue célèbre, est lancée par George W. Bush dans son discours sur l’état de l’Union en janvier 2002. Quelques mois après le 11 Septembre, il vient d’entamer sa guerre globale contre le terrorisme par une intervention en Afghanistan, avant l’invasion de l’Irak l’année suivante. 
Les Iraniens, choqués d’être inclus dans «l’axe du mal», renouent avec les invectives anti-américaines. Le président réformateur Khatami dénonce des «propos insultants et belliqueux», tandis que le guide suprême Ali Khamenei désigne Bush comme un «homme assoiffé de sang».
Cette même année, un groupe d’opposition iranien révèle que Téhéran est en train de développer un programme nucléaire clandestin, y compris un centre d’enrichissement de l’uranium. 
Bush menace, en 2004 : «Que le gouvernement iranien sache que nous sommes très inquiets d’informations montrant qu’il cherche à accélérer la fabrication de matières qui pourraient mener à une arme atomique.»

2005 : «Israël doit être rayé de la carte»

La première sortie provocatrice du président Mahmoud Ahmadinejad suscite un tollé international. Il y en aura beaucoup d’autres au cours des deux mandats du tribun populiste à la tête de l’Iran entre 2005 et 2013, qui mettra aussi en cause l’existence de l’Holocauste comme des attentats du 11 Septembre. «Les sionistes partiront et la domination américaine sur le monde prendra fin», déclare cet ami d’Hugo Chávez. 
Les discours d’Ahmadinejad en diverses occasions devant des milliers d’adeptes en noir sont ponctués des cris de «mort à Israël» et «mort à l’Amérique». Il incarne caricaturalement le danger d’un Iran qui pourrait posséder l’arme nucléaire. 
Paradoxalement, c’est sous son mandat que Téhéran entame une marche arrière sur le nucléaire et se lance dans des négociations secrètes avec les Etats-Unis. «Les hommes politiques qui veulent la bombe nucléaire sont des attardés politiques», dit-il dès 2008 en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. 
Affirmant que l’Iran n’avait pas besoin de bombe nucléaire, il avait commenté : «Si les armes nucléaires avaient quelque efficacité, elles auraient empêché l’effondrement de l’Union soviétique ou aidé les Etats-Unis à sortir d’Irak.»

2017 : «C’est l’un des deals les plus stupides que j’ai jamais vus…

…où l’on rend 150 milliards à un pays, où on lui donne 1,7 milliard de dollars en liquide». Lors de cette déclaration au lendemain de son élection, Trump s’apprêtait à «déchirer l’accord» sur le nucléaire signé en 2015 au terme de longues années de négociations internationales. 
L’élection du président modéré Hassan Rohani, en septembre 2013, avait poussé Obama à engager le dialogue avec l’Iran après trente ans de rupture. La signature de l’accord sur le nucléaire en juillet 2015, validé par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, permet à Téhéran d’obtenir la levée d’une partie des sanctions internationales visant le pays. 
En échange, l’Iran accepte de limiter drastiquement son programme nucléaire et s’engage à ne jamais chercher à se doter de l’arme atomique. 
Le guide suprême Khamenei avait évoqué une «flexibilité héroïque» en acceptant les négociations. 
Obama salue un accord «historique qui démontre l’efficacité de la diplomatie». Ce court intermède d’entente entre les ennemis vieux de quarante ans est aujourd’hui au bord du gouffre.

Par Hala Kodmani

Source Liberation
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