mardi 12 juin 2018

Quel est le lien entre la découverte de la grotte de Lascaux et un juif parisien réfugié ?


Le jeudi 12 septembre 1940, c’est jour sans école dans la « zone sud » de la France dirigée par le maréchal Pétain. Marcel Ravidat, Georges Aniei et Jacques Marsal, trois jeunes garçons de Montignac, accompagnés de Simon Coencas, un jeune juif parisien réfugié dans le village, jouent dans le bois de Lascaux.....Détails.......

Ils cherchent à retrouver un « trou de renard » que Marcel a repéré quatre jours plus tôt.
« “Arrivant en haut du bois, explique Ravidat, nous découvrons un trou dont nous avions déjà vaguement entendu parler. On regarde : il était à moitié bouché par les débris d’un squelette de cheval.
Ma foi, à tout hasard, un de nos copains jette une pierre dedans et on écoute.
– Et puis, voilà qu’on entend une pierre rouler et retomber de plus en plus loin, poursuit le jeune Aniel.
– Avec des bruits sourds comme s’il y avait eu des échos, complète Jacques Marsal.
– Fallait bien qu’on aille voir ce qu’il y avait là-dedans”, conclut Ravidat. »
Equipés d’une simple cordelette, ils font une première tentative pour descendre dans le trou. C’est Ravidat qui se lance pour se rendre compte rapidement que sans éclairage, ils ne verront rien.
Les jeunes gens reviennent l’après-midi avec une lampe à pétrole et entreprennent de se glisser dans le trou les uns après les autres. Lorsqu’ils lèvent leur lampe à hauteur des yeux, c’est la stupéfaction.
« Quelle ne fut pas la stupeur des quatre jeunes gens, lorsque le mauvais lumignon fumeux qu’ils avaient subtilisé à la mère de l’un d’eux révéla, quand ils l’élevèrent devant la paroi de la grotte, la plus fantasmagorique fresque de peinture préhistorique qui se puisse imaginer.
Il ne s’agissait plus cette fois d’une dizaine de dessins comme à Font-de-Gaume.
“Toute la caverne était peinturlurée de bestiaux extraordinaires !” »
Ils ne diront rien pendant quatre jours, explorant la grotte chaque fois plus en avant : deux boyaux, un gouffre et partout des peintures et des dessins.
Le lundi après-midi, ils préviennent leur ancien maître, Léon Laval. Lorsque l’instituteur remonte de la grotte, il en est persuadé, les enfants ont trouvé une merveille digne d’un musée.
Il prévient des scientifiques, dont l’abbé Breuil, préhistorien spécialiste de l’art pariétal. Lui aussi est catégorique : « l’ensemble des peintures de cette grotte semblait constituer une merveille unique au monde qui surclassait de loin les célèbres peintures de la grotte espagnole d’Altamira ».
Mais qu’ont-ils vu ces enfants et leur instituteur qui suscite tant d’émerveillement ? Leon Laval témoigne dans Le Figaro.
« Dès l’entrée j’aperçus une frise longue de vingt mètres représentant une série de grands taureaux, de très jolis cerfs, des vaches et des chevaux, petits par rapport aux autres figures dont la plus grandie mesure 5m50 de longueur. […]
Exceptionnellement un point offre un ensemble curieux : un homme renversé tout près d’un bidon éventré, contemplé par un oiseau ; plus loin un rhinocéros s’en va, tranquille.
Les animaux représentés sont des taureaux, des vaches, des cerfs, ours, lions, chevaux, bisons, mais ni rennes ni mammouths.
La plupart des sujets sont traités en couleurs plates, ocre rouge et jaune, bistre, noir et même brun violet. »
Ce sont des centaines de peintures rupestres qui représentent un extraordinaire témoignage de l’art des hommes du Paléolithique. Si le nombre de dessins est impressionnant, les techniques utilisées ne le sont pas moins.
« Le procédé employé par l’exécutant : faire des paquets de couleurs à étaler ensuite, souvent renforcer d’un trait large, de nuance plus foncée, le contour du sujet.
Cette manière donne une impression de pommelage.
Quelquefois le trait n’est pas de la couleur de l’ensemble ; ainsi de petits cervidés sont ornés de traits noirs. D’autres figures sont réduites aux contours extérieurs mais l’exécution est puissante et en général exacte au point de vue anatomique.
Les artistes ont dans ce cas utilisé tout ou partie du dessin primitif, et l’on peut ainsi retrouver sous de nombreux sujets la décoration antérieure, les couleurs transparaissant au travers les unes des autres.
En examinant un grand bœuf polychrome l’on peut savoir comment, à des époques successives, fut décoré l’emplacement qu’il occupe. »
Cette découverte fait sensation et les curieux affluent rapidement vers la grotte. Le 27 septembre (soit onze jours après que l’instituteur ait averti les autorités scientifiques),
Le Journal recense plus de 1 200 visiteurs « accourus de toute la région, voire de Lyon et de Toulouse ». L’accès à la grotte est rapidement interdit aux curieux.
La grotte est classée au titre des monuments historiques le 27 décembre de la même année.
Ouverte au public trois ans après la fin de la guerre, en 1948, elle devient un lieu touristique de masse, ce qui entraîne des dégradations considérables des peintures.
Devant les risques encourus, André Malraux, ministre chargé des affaires culturelles, fait fermer le site en 1963.
Jusqu’au dernier jour d’ouverture, Marcel Ravidat et son copain Jacques Marsal seront les guides de la grotte de Lascaux.
Aujourd’hui, des quatre amis « inventeurs » de Lascaux, il ne reste de Simon Coencas, rescapé des mesures antijuives du gouvernement de Vichy.

Source Sud Ouest
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