mardi 12 juin 2018

Mahmoud Abbas se refuse à choisir un dauphin, mais sa succession est déjà ouverte


À 83 ans, et malgré une santé déclinante, le président palestinien se refuse toujours à nommer un dauphin, alimentant les craintes d’une éventuelle vacance du pouvoir ou de conflits internes s’il venait à disparaître......Analyse.......


Rien qu’au mois de mai, Mahmoud Abbas a été hospitalisé à trois reprises, et les rumeurs vont bon train à Ramallah sur l’identité de la personnalité qui pourrait assurer la relève, en l’absence d’un successeur naturel, puisque Marwan Bargouthi, le charismatique dirigeant du Fatah plébiscité par la rue palestinienne, purge cinq peines de perpétuité depuis son arrestation en 2002 par Israël qui ne semble nullement disposé à le libérer.
Caciques du Fatah ou hommes forts sur le terrain, les prétendants à la succession du président de l’Autorité palestinienne devront jouir d’un appui populaire, être cooptés par leurs pairs mais aussi obtenir l’approbation, même tacite, des acteurs-clés étrangers : les États-Unis et Israël, qui n’ont pas affiché clairement leur préférence, de même que plusieurs États arabes, notamment l’Égypte, la Jordanie et des pays du Golfe.
Et le fait qu’Abou Mazen cumule les trois postes de président de l’Autorité palestinienne – qui ne contrôle aujourd’hui que la Judée Samarie, la bande de Gaza étant tenue par le Hamas –, de chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et du Fatah, sa principale composante, complique encore la situation. Le président palestinien continue sciemment d’entretenir le flou sur ses intentions.
« Il pense que sa principale force est que personne ne sait qui sera son successeur, surtout qu’aucune personnalité de poids n’émerge et que les concurrents sont nombreux », explique à L’OLJ l’analyste palestinien Hani Masri. Pire, il a même dit à ses nombreux concurrents qu’il accepterait toute décision sur laquelle ils s’entendraient au sujet de sa succession, car il sait pertinemment qu’ils ne pourront jamais se mettre d’accord, selon une source palestinienne informée qui écarte cependant la possibilité d’un conflit violent pour la succession.
 « Mahmoud Abbas continue à refuser de nommer un vice-président, en dépit des demandes répétées en ce sens, car il craint que s’il en nomme un, le centre de gravité du pouvoir se déplace vers ce dernier », ajoute M. Masri, directeur général du Centre palestinien pour la recherche politique et les études stratégiques (Masarat).
Selon lui, le président palestinien « craint une répétition du scénario qui s’était produit avec Yasser Arafat ».

« Le vieux », comme on appelait le dirigeant historique palestinien, s’était vu progressivement délester de ses responsabilités, sous pression notamment des États-Unis, en faveur justement d’Abou Mazen, mieux vu par la communauté internationale et qu’Abou Ammar avait dû nommer Premier ministre, un an avant sa mort en 2004.
Et la question de la succession d’Abou Ammar avait ainsi pu être facilement tranchée, contrairement à la situation floue qui prévaut aujourd’hui.

L’option Dahlan écartée ?

M. Abbas est pratiquement le dernier des fondateurs du Fatah encore en vie : Salah Khalaf (Abou Iyad) a été tué en 1991 par un dissident palestinien en Tunisie, Khalil al-Wazir (Abou Jihad) a été assassiné, en Tunisie également, en 1988, par le Mossad, alors que Khaled al-Hassan est décédé d’un cancer en 1994.
Farouk Kaddoumi s’est pour sa part désolidarisé de la direction palestinienne depuis les accords d’Oslo et a refusé de regagner les territoires palestiniens.
Le président palestinien a tout fait pour affaiblir ses concurrents potentiels, notamment sa bête noire, Mahmoud Dahlan, autrefois l’homme fort de Gaza et qui coule aujourd’hui un exil doré, comme conseiller du prince héritier d’Abou Dhabi Mohammad ben Zayed.

Malgré ses excellentes relations avec les Émirats – et le soutien financier que cela implique – mais également l’Égypte, l’Arabie saoudite et la Jordanie, qui ont tenté en 2015 de l’imposer comme successeur potentiel, M. Dahlan a peu de chances puisqu’il a été exclu en 2011 du Fatah par le président palestinien qui l’accusait de corruption, selon des sources palestiniennes informées.
Ce qui aurait poussé les Égyptiens à encourager la nomination du diplomate palestinien de carrière Nasser al-Qidwa.

Âgé de 65 ans, ce neveu de Yasser Arafat – sa mère était la sœur du dirigeant palestinien – a été ministre palestinien des Affaires étrangères et adjoint de l’envoyé spécial de l’ONU en Syrie Kofi Annan au début du conflit syrien. Mais s’il est une personnalité respectée par les Palestiniens, Israël s’opposerait catégoriquement à son accession à la tête de l’Autorité palestinienne, selon des sources égyptiennes bien informées.

Frères ennemis

Au sein du Fatah émergent aujourd’hui quelques figures de la deuxième génération qui font office de favoris, en premier lieu le chef des services de sécurité palestiniens Majid Faraj, apprécié par les États-Unis et bien vu par Israël, surtout en raison de sa participation à des négociations de sécurité avec l’État hébreu.

Selon le Haaretz, M. Faraj a rencontré en avril à Washington Mike Pompeo, peu avant que l’ancien directeur de la CIA ne prenne ses fonctions de secrétaire d’État, et ce malgré la décision de l’Autorité palestinienne de boycotter l’administration Trump en raison de la question de Jérusalem. Mais s’il a une solide présence sur le terrain en Judée Samarie, il ne fait pas partie du comité central du Fatah ni du comité exécutif de l’OLP, ce qui pourrait constituer un handicap.
Le nom de Jibril Rajoub, ancien chef de la sécurité préventive de l’Autorité palestinienne en Judée Samarie, est également évoqué avec insistance. Membre influent du Fateh dont il est le secrétaire général du comité central, il est surtout le très actif patron des sports palestiniens, et notamment chef de l’Association palestinienne de football.
Âgé de 65 ans – dont 17 passés dans les geôles israéliennes –, qualifié de colérique par ses détracteurs, il a de mauvais rapports avec Le Caire.
Mais à la surprise générale, Abou Mazen a choisi l’an dernier une personnalité respectée mais qui n’a pas autant de poids, Mahmoud Aloul, 68 ans, comme vice-président du Fatah, donnant ainsi une première indication sur son choix d’un dauphin.

M. Aloul, de son nom de guerre Abou Jihad, a fait ses armes au Liban, combattant pendant l’invasion israélienne de 1982 et a été proche du dirigeant historique Khalil al-Wazir (Abou Jihad) avant de regagner les territoires palestiniens où il a été gouverneur de Naplouse et ministre de l’Autorité palestinienne.
Son fils Jihad est tombé "en martyr" pendant la deuxième intifada. « Abou Mazen a nommé le plus faible pour court-circuiter les plus forts », commente un observateur palestinien qui a requis l’anonymat.

Un technocrate ?

Mais l’un des noms qui sont le plus souvent évoqués demeure aujourd’hui celui du Premier ministre palestinien Rami Hamdallah, un indépendant.

« Il contrôle le gouvernement et les finances de l’Autorité palestinienne », souligne une source palestinienne, mais ne peut s’imposer s’il n’a pas l’appui du Fatah.
Premier ministre depuis 2013, ce technocrate qui a réussi envers et contre tout à faire fonctionner les institutions palestiniennes est considéré comme « modéré » par Israël et apprécié par les Occidentaux qui soulignent son professionnalisme.
D’autres personnalités sont également évoquées à Ramallah : le secrétaire général de l’OLP Saëb Erakat, qui a conduit les négociations de paix avec Israël mais qui est aujourd’hui malade – il aurait subi l’ablation d’un poumon – Azzam al-Ahmad et Hussein al-Cheikh, tous deux responsables du Fateh, ou encore le ministre Mohammad Shtayyeh…


Casse-tête institutionnel

Le mécanisme même de la succession pose problème. Selon la Loi fondamentale palestinienne, une fois que le président quitte son poste, pour décès ou toute autre raison, le président du Conseil législatif palestinien doit le remplacer pendant une période de soixante jours au cours de laquelle une élection présidentielle doit se tenir.

Mais si la succession de Yasser Arafat s’était ainsi déroulée en 2005, ce scénario est aujourd’hui impossible : le Conseil législatif palestinien, « Parlement » de Judée Samarie et de Gaza, est contrôlé par le Hamas, et l’Autorité palestinienne ne peut en aucun cas accepter que le chef de cette instance, Abdel Aziz Dweik, un responsable du mouvement islamiste qui contrôle Gaza, puisse remplacer Abbas.
Les responsables palestiniens se voient ainsi contraints de trouver une issue de secours.
Début mai, Mahmoud Abbas a convoqué le Conseil national palestinien (CNP) dans une tentative de relégitimer cette instance suprême, Parlement de tous les Palestiniens, dont ceux de la diaspora, aux dépens du CLP.
Le CNP, qui se réunissait pour la première fois depuis 1996 – à l’exception d’une session d’urgence en 2009 à Ramallah –, a reconduit M. Abbas à la tête de l’OLP.
Il a également désigné un nouveau comité exécutif, instance suprême de l’OLP, où Azzam al-Ahmad a fait son entrée.
La réunion du CNP semble avoir surtout servi au président palestinien pour consolider sa position et écarter des rivaux potentiels comme Yasser Abed Rabbo du comité exécutif.
D’ailleurs, Nasser al-Qidwa a présenté sa démission après cette réunion pour protester contre la manière dont elle s’est déroulée.
L’Autorité palestinienne pourrait choisir de considérer que le chef du CNP Salim Zaanoun doit prendre la tête de l’Autorité palestinienne pour soixante jours en cas de vacance du pouvoir.
Outre la réaction violente que cela susciterait de la part du Hamas, ce choix est un peu risqué : M. Zaanoun, âgé de 86 ans, est très malade. En attendant, la politique d’Abou Mazen est de « se maintenir et d’attendre », selon un observateur qui fait remarquer que le président palestinien répète à qui veut l’entendre qu’il vient d’une famille où l’on vit longtemps, son propre père étant décédé à… 103 ans.

Source L'Orient le jour
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