L'internationalisation et la focalisation du monde sur ce conflit ne sert qu'à exacerber les fantasmes, à plaquer des comparaisons hâtives et des interprétations rapides dans une région pourtant bien compliquée.....
"Comment penser que le Moyen-Orient pourra retrouver sa stabilité si on ne traite pas le plus ancien des conflits?" a dit François Hollande pour justifier la tenue de la Conférence de Paris.
"Penser que le Moyen-Orient pourrait rétablir sa stabilité sans régler le plus ancien conflit est irréaliste" avait renchérit son Ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault dans le journal Haaretz.
Ainsi donc régler le conflit israélo-palestinien permettrait d'apaiser tout le Moyen-Orient ? C'est bien l'idée qui était contenue dans l'intitulé de la Conférence de Paris dite "Conférence de paix au Moyen-Orient" alors que celui-ci en est un parmi tant d'autres dans cette région tourmentée.
Cette curieuse idée de "centralité du conflit israélo-palestinien" ou en anglais "linkage theory" c'est à dire la conviction que tous les conflits du Proche et du Moyen-Orient sont intrinsèquement liés au conflit israélo-palestinien n'est, certes, pas nouvelle. Elle a commencé à se développer sous la Présidence de Jimmy Carter qui avait très sérieusement déclaré que "le chemin de la paix au Moyen Orient ne pouvait passer que par Jérusalem".
Depuis, la plupart des spécialistes en relations internationales de Gilles Kepel à Martin Kramer en passant par Antoine Sfeir ou Alan Dershovitz s'accordent pour la réfuter. Car elle est non seulement fausse mais aussi dangereuse politiquement.
Fausse car le conflit israélo-arabe est, en réalité, un conflit de basse intensité. Concrètement cela veut dire que si les morts israéliens et palestiniens sont tous à déplorer, le nombre de victimes liées à ce conflit est très faible au regard des guerres, affrontements et génocides qui ont marqué l'histoire récente ou se déroulent toujours actuellement.
Fausse aussi car, nous le savons bien, la résolution du conflit israélo-palestinien ne fera disparaître aucun des autres conflits qui traversent la région. Elle n'apaisera pas la situation en Libye ou au Mali, elle n'empêchera pas les Darfouris d'être génocidés, les Yezidis d'être massacrés. Elle ne résoudra pas la situation en Syrie, le conflit entre shiites et sunnites et elle ne contribuera pas à faire baisser le nombre d'attentats dans les démocraties occidentales prises pour cible par Daesh.
Dangereuse parce qu'elle conduit à des erreurs stratégiques de la part de nos dirigeants qui font du conflit israélo-palestinien la priorité de leur diplomatie, l'alpha et l'oméga de leur politique étrangère en donnant l'impression qu'il y a des conflits oubliés – à cet égard, quel message envoyons-nous aux milliers de victimes syriennes, darfouries, yézidies ou yéménites?-, des morts qui ne comptent pas ou moins que d'autres, des indignations sélectives et des politiques à géométries variables.
Dangereuse, enfin, car elle alimente les thèses conspirationnistes qui voient dans Israël ou le sionisme les principaux dangers pour la planète. Elle donne de l'eau au moulin aux complotistes qui voient les intérêts d'Israël partout. Ainsi, si le conflit israélo-palestinien est au centre de tout et qu'Israël est fautif et bien Israël est responsable des malheurs dans le monde... ce sophisme pourrait prêter à rire s'il n'était malheureusement pas au cœur des réflexions d'un grand nombre de personnes persuadées que notre planète vivrait bien mieux sans Israël...
C'était d'ailleurs l'état d'esprit de la Conférence contre le racisme de Durban qui, il y a seize ans, faisant fi des atteintes à la dignité humaine dans le monde entier n'avait trouvé qu'un Etat à condamner: Israël.
Enfin, bien évidemment que le souci d'agir pour parvenir à la paix au Proche-Orient est louable. Mais si la France veut jouer un rôle dans cette région du monde, il lui faut changer de logiciel.
Comprendre que pour parvenir à la paix, l'internationalisation du conflit israélo-palestinien est contreproductif car non seulement cela donne l'impression que la patrie des Droits de l'Homme ne se soucie pas des autres guerres bien plus meurtrières qui ravagent notre planète mais surtout-et l'Histoire de ce conflit nous l'a prouvé- cela ne mène qu'à éloigner les parties concernées de la table de négociation.
Comprendre surtout qu'on n'impose pas la paix, on la construit. Ce sont aux peuples israéliens et palestiniens de faire la paix, à leurs dirigeants de négocier et de parvenir à un accord. C'est uniquement si les Israéliens et le Palestiniens ont le courage de prendre des décisions difficiles que le conflit pourra être résolu.
Car, de toute évidence, l'internationalisation et la focalisation du monde sur ce conflit ne sert qu'à exacerber les fantasmes, à plaquer des comparaisons hâtives et des interprétations rapides dans une région pourtant bien compliquée. Le conflit sert ainsi tour à tour de thérapie de groupe : pour les uns d'un exutoire de leur culpabilité post-coloniale, pour les autres de celle liée à la Shoah et, pour le monde arabe, d'une excuse pour ne pas répondre aux exigences de démocratie, de liberté, de transparence et de lutte contre la corruption formulées par leurs peuples.
Ne croyons pas que si le conflit demain est miraculeusement résolu que le Proche Orient se transformera en havre de paix et que le monde résoudra d'un coup de baguette magique tous ses problèmes.
Aujourd'hui comme demain, la paix ne viendra donc pas de l'unilatéralisme, de l'extérieur ou de grandes conférences internationales, elle viendra du peuple israélien et du peuple palestinien. Elle sera le fruit d'échanges, de discussions, de considérations historiques, culturelles et sécuritaires. Elle sera aussi le fruit d'une confiance retrouvée.
Plus on instrumentalisera le conflit israélo-palestinien, plus on fera des populations israéliennes et palestiniennes de symboles et des étendards qu'elles ne veulent pas être, moins nous les aiderons à construire la paix qu'elles méritent.
Source HuffingtonPost
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