vendredi 30 octobre 2015

Rabin aurait-il établi la paix avec les Palestiniens ?


A worker hangs a picture taken by Israeli Government Press Office photographer Avi Ohayon showing former US president Bill Clinton arranging the tie of late Israeli prime minister Yitzhak Rabin, on October 26, 2015 in Tel Aviv ( Jack Guez (AFP) )       


Yitzhak Rabin n’était pas le messager de la paix ; les anges existent seulement dans les contes de fées. Les balles qui lui ont été fatales ont réécrit son histoire. Le vrai et complexe Rabin a disparu, tandis que le personnage fictif a repris le récit...



Durant ces vingt dernières années, certains se sont demandés quel était l’héritage laissé par Rabin. La réponse est aussi simple qu’irritante : c’est Yigal Amir qui a défini l’héritage de Yitzhak Rabin.
Le vrai Rabin n’était pas un héros des champs de bataille. Il n’a pas été décoré comme Ehoud Barak, ni même mené d’opérations militaires audacieuses et controversées comme celles d’Ariel Sharon.
Rabin était un excellent officier d’Etat-major, probablement le meilleur de la Guerre d’Indépendance. Sa force réside dans sa pensée organisée, son analyse extrêmement détaillée, sa précision, son sérieux, sa prise de responsabilité, son intégrité et sa solennité.
Tous ces traits de caractère sont beaucoup plus rares qu’on ne le pense. L’armée israélienne a formé de nombreux officiers brillants qui étaient négligents, ou avaient tendance à mentir en situation de stress, ou impliqués dans des querelles et des intrigues. Rabin n’était pas ceux-là.


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Entraîné contre son gré

Il a été élu pour un second et dernier mandat avec une forte envie de laisser une trace, de résoudre des problèmes fondamentaux. Il était convaincu l’accord historique qu’il conclurait serait meilleur pour Israël que celui que ses successeurs pourraient mener à bien.
Il a été entraîné dans les Accords d’Oslo contre son gré, et contre ses intentions.Au cours de la campagne électorale de 1992, il a promis de parvenir à un accord dans un délai de neuf mois. Il faisait allusion à la Syrie. A l’époque, le pays était sous le choc après la mort d’Helena Rapp, une collégienne de 15 ans victime d’un attentat terroriste. Rabin, le “monsieur sécurité”, s’était alors positionné à la droite du Premier ministre Yitzhak Shamir.
Après l’échec du projet avec la Syrie, principalement dû à l’imprudence du secrétaire d’Etat américain Warren Christopher, Rabin a dû combler le vide avec un autre partenaire, et l’alternative fut Oslo.
Mais, sa motivation principale était de politique intérieure. Rabin croyait que s’il refusait la demande de Shimon Peres, à l’époque ministre des Affaires étrangères, de parvenir à un accord avec les Palestiniens, ce dernier comploterait en vue de l’expulser de la direction du Parti travailliste.
Tant que les négociations furent secrètes, Rabin s’est permis d’exprimer ses réserves. Le 7 juin 1993, deux mois et demi avant la signature de l’Accord d’Oslo, il envoyait une lettre officielle à Peres dans laquelle il lui demandait d’interrompre les pourparlers. Il se ravisa un peu plus tard.
La cérémonie de signature de l’accord à Washington devait avoir lieu sans Yitzhak Rabin, afin de lui épargner la nécessité de serrer la main de Yasser Arafat. Mais après l’insistance du président américain Bill Clinton, Rabin est finalement venu. Il est aussi possible que l’humiliation de Peres au dernier moment l’avait satisfait, c’est vrai que le “rouquin” (Rabin) pouvait être méchant.


Israel Government Press Office

Rabin était remarquablement accessible. C’était un plaisir que de couvrir ses activités. Il était d’une simplicité étonnante pour une personne de son rang. Il ne prenait pas les choses à la légère,n’était pas décevant. Les conversations les plus intéressantes avec lui avaient lieu durant la nuit, entre Tel Aviv et Washington, à bord du vieux Boeing 707 de l’aviation israélienne. Vêtu d’un tricot de corps, il se tenait debout, fumait et parlait.
Sa capacité à entrer dans les détails pouvait aussi bien être un avantage comme un inconvénient. Ceux qui travaillaient avec lui disent que lorsqu’on cherchait le soutien de Rabin, aussi étrange que cela puisse paraître, il fallait le submerger de détails.

Les réussites d’Oslo

Arafat avait l’habitude de dire que si Rabin n’avait pas été assassiné, il y aurait eu un accord de paix israélo-palestinien. Cette position fut adoptée par beaucoup de dirigeants occidentaux, ainsi que par une grande partie de la gauche israélienne.
Personne ne sait ce qui serait advenu si Rabin avait survécu. Néanmoins, vingt années d’échec peuvent être une leçon. Un accord de paix n’aurait pas été signé : le fossé entre les deux parties était bien trop profond, les attentes étaient trop fortes, la crainte du prix politique et personnel à payer était bien trop élevée.
Tandis qu’Arafat et Rabin avancèrent prudemment vers un accord, Arafat finançait et encourageait les actes terroristes et Rabin finançait et encourageait l’établissement d’implantations en Cisjordanie, particulièrement aux alentours de Jérusalem.
En Israël, le soutien à l’accord d’Oslo fut fragile dès le début du processus, et la situation sur le terrain peu propice. Le rassemblement du 4 novembre fut organisé en réponse aux manifestations de masse de la droite, menées par Benyamin Netanyahou. La droite avait le contrôle dans les rues. Lorsque les organisateurs du rassemblement ont demandé la participation d’artistes, ces derniers ont tous refusé, à l’exception d’un ou deux qui n’avaient rien à perdre à l’époque.
Si Rabin avait survécu et s’était présenté aux élections de 1996, je doute qu’il eût pu gagner.
Yigal Amir n’a pas tué la paix. Il ne mérite pas d’être félicité pour cet accomplissement, mais il peut se consoler du fait que depuis l’assassinat, son image reste à l’esprit de nos décisionnaires. Ils réalisent que chaque décision d’évacuer des Juifs des Territoires implique un prix lourd, même celui de leur propre vie.
La peur d’une décision ne s’applique pas seulement aux Premiers ministres, cela implique également les hauts rangs de l’armée, du Shin Bet, de la police, des conseillers du Premier ministre et des principaux membres du gouvernement. Nous le voyons dans leur impuissance à affronter les actes terroristes perpétrés à l’encontre de Juifs. Ils ont peur.
Lorsqu’on demande aux architectes du processus d’Oslo, quelle fut la plus grande réussite de l’accord, ils désignent la Ligue arabe. L’accord, selon eux, a permis aux gouvernements arabes de se détacher des “trois non” de la résolution de Khartoum (1967) et de se rapprocher de l’Initiative de paix arabe (2002). Evidemment, le problème reste la rupture entre le gouvernement, le peuple, et la prise de pouvoir par les organisations terroristes. Les années n’ont pas réduit la haine à l’égard Israël dans le monde arabe, bien au contraire.


SAAR YAACOV, GPO


Toutefois, quatre réussites de cet accord persistent: l’accord de paix avec la Jordanie, la coordination sécuritaire et les accords économiques avec les Palestiniens, ainsi que l’intégration d’Israël sur les marchés internationaux.
Près de 150 entreprises multinationales se sont implantées en Israël suite aux accords. On ne peut noter le succès économique d’Israël sans évoquer Oslo, et les adhésions américaine et européenne au processus.
Aujourd’hui d’une manière ou d’une autre, chacune de ces quatre réussites est menacée. Vingt ans après l’assassinat, voilà ce qu’il en reste.


Par Nahum Barnea


Source I24News