mercredi 20 mai 2015

Un vent de solidarité souffle sur le désert....


Contrairement à la prophétie biblique “Du Nord viendra le Mal”, pour le nouveau gouvernement israélien les problèmes et les menaces proviennent du Sud. Le Néguev, terre aride du sud; conquête florissante pour devenir un des principaux fleurons du sionisme et du retour dans le nouvel Etat, n’a plus grand chose à voir avec la réalité de 2015. La vision des pères fondateurs n’avait pas pris en compte des décennies de négligences de la part de tous les gouvernements qui se sont succédés...


Il est maintenant demandé au nouveau gouvernement, le 34è de l’Etat d’Israël, de répondre à la confiance portée par la majorité des électeurs juifs résidant dans cette région troublée qui ont voté en faveur de cette nouvelle coalition. Et le gouvernement ne pourra plus faire de “chèque en bois”.
Cela a commencé par une agitation croissante de près de 200.000 Bédouins du Néguev qui sont maintenant engagés dans un processus de résistance active aux destructions de leurs petits villages.
On note un chômage de près de 50% dans cette communauté et la Liste arabe unifiée y trouve son énergie pour alimenter la protestation.
Puis il y eut le Néguev occidental et des villes plus connues telles que Sdérot et les kibboutzim menacés par les missiles de Gaza et la crainte des tunnels creusés jusque sous leurs maisons par le Hamas demandant une solution préventive pour cette situation impossible.
Et maintenant c’est au tour du Néguev oriental avec sa problématique spécifique.
Un chômage de 15%, soit plus du double de la moyenne israélienne; des PME qui mettent la clé sous la porte, laissant jeunes comme moins jeunes sans aucune alternative; Israel Chemicals, le plus gros employeur de la région, aujourd’hui privatisé, est sur le point de licencier plusieurs centaines de ses employés. Ces licenciements massifs sont en train de ruiner la vie de plusieurs milliers de personnes.
Leur combat pour tenter d’arrêter ce processus, est pratiquement passé inaperçu. Jusqu’à aujourd’hui.
Cette semaine, pour la première fois dans la brève histoire d’Israël, trois petites villes voisines, Dimona, Yerouham et Arad, liées par un destin commun, ont décidé, dans un acte de défi et par protestation, d’une journée “ville morte”.
De nombreux résidents et acteurs locaux de ces trois villes ont rejoint la marche de protestation contre les licenciements à l’entrée de la ville de Dimona.
Le timing n’est certainement pas une coïncidence. Durant ces dernières semaines quelque chose a changé.
La récente campagne électorale a probablement à voir avec le regain de sentiment de pouvoir exprimé à la manifestation de dimanche dernier.
Oui, ils ont finalement voté pour Netanyahou, mais au cours de la campagne ils lui ont également donné une leçon.
Ils l’ont menacé de ne pas voter pour lui, ils ont flirté avec l’opposition. Et il a répondu. Au tout dernier moment, il a écouté, il est venu pour parler avec eux, dans ses discours il a abordé les sujets qu’ils voulaient voir soulevés. Une leçon importante, ont dit nombre d’entre eux.
Ils estiment que c’est la raison pour laquelle il s’est empressé d’inviter à sa résidence de Jérusalem le maire de Dimona Benny Biton alors qu’il avait un emploi du temps extrêmement chargé.
Se précipitant à la réunion inopinée à Jérusalem en provenance de la foule de manifestants de Dimona, Biton confie à i24news:
“Dimona est en grève aujourd’hui; c’est un acte de solidarité avec les nombreux chômeurs de cette région, il y a une crise réelle. Nous avons un système éducatif formidable et je demande des opportunités d’emplois compatibles à notre niveau d’éducation.
Vous savez que je suis un membre du Likoud, mais je ne laisserai pas le Premier Netanyahou tranquille avec ce dossier”.
Derrière ce choix de mots bien étudiés pointe une menace. 42% des habitants de Dimona ont voté en faveur de Netanyahou. Maintenant ils disent: “Vous nous êtes redevable, c’est le moment de payer en retour”.
Et puis vient la leçon n°2, fréquemment évoquée dans ce défilé. Bizarrement ce fut la manifestation agressive de la communauté éthiopienne d’Israël.

Tout d’un coup les Ethiopiens d’Israël ont changé leur statut de gentils et tranquilles en celui d’impitoyables combattants pour les droits civiques
“Les Ethiopiens ont raison”, déclare Itzik Ben-Loulou.
Il travaille pour Israel Chemicals et est sur le point de perdre son emploi. “Dans ce pays, cela ne marche qu’avec la force. Nous avons été trop polis dans notre lutte. Il est temps que nous prenions exemple sur eux (les Ethiopiens, ndlr)”, dit-il.
“Je me sens humilié. J’ai donné 35 ans de ma vie à Israel Chemicals et maintenant ils me virent, juste comme cela”, déclare quant à lui Gilbert Hazan.
“C’était il y a 3 ans et nous avons été gentils. Maintenant il faut faire de telle manière à ce que ce soit impossible à réaliser”, ajoute-t-il.
“Impossible” est peut-être un mot trop fort, mais “plus difficile” est certainement plus adéquat. Une nouvelle/ancienne philosophie refait surface sur la scène sociale en Israël: le sens de la solidarité.
Les ouvriers d’Israel Chemicals n’étaient pas seuls dans la manifestation. Pas plus que Dimona. Tous les deux ont appris à la dure qu’une petite localité est trop faible pour affronter le système.
A trois, rassemblant une région entière, c’est une autre histoire. Les événements de cette semaine leur ont donné raison. La réponse a été immédiate. Les nouveaux ministres ont fait le chemin jusque dans le sud, appelant à des réunions urgentes, promettant des solutions. Oui, enfin, au moins ils ont promis de le faire…
Et puis bien entendu se sont affichées les solidarités personnelles. Les voisins sont venus à l’aide. Une mère mono-parentale Avigail Biton n’est pas seulement venue pour exprimer sa solidarité, mais aussi pour inculquer à sa fille de 11 ans une leçon de lutte sociale.
Des représentants de la petite communauté des Hébreux africains de la Nation israélite, soit 3.000 Afro-Américains résidant principalement à Dimona ont rejoint la manifestation.
“J’ai le sentiment que c’est également mon combat”, confie Eliezer Clement, un professeur d’Anglais à Dimona. “Je me sens étroitement lié au combat des Ethiopiens. En fait mon frère sert dans l’armée avec le soldat éthiopien qui a été battu par la police il y a quelques semaines. Tout est connecté”, souligne-t-il.
Clement a raison. Ceux qui le comprennent le mieux font partie de la jeune génération, les lycéens et les membres des mouvements de jeunesse qui sont venus en nombre impressionnant. Ils ne veulent pas qu’on leur fasse de plaisir, ils ne veulent pas l’aumône et ils détestent quand vous leur demandez: “Alors pourquoi restez-vous ici?”
Ils restent ici parce qu’ils en ont fait le choix.
Et ils ont ce sentiment face à cette attitude paternaliste impliquant que si vous voulez réussir, il vous faut vous enfuir de cette région et déménagez vers le centre du pays.
Ils veulent que leur région soit considérée au même titre que le centre d’Israël, qu’elle offre les mêmes opportunités et privilèges. Certains suggèrent même que, bien que leurs grands-parents ont été littéralement balancés dans le désert dans les années 1960, quand ils ont immigré dans le nouvel Etat d'Israël, ils pourraient faire de cette histoire une grande réussite.
Un véritable défi pour le nouveau gouvernement, toujours paralysé dans une rhétorique désuète et un discours non pertinent.
L'année 2015 apporte non seulement un nouveau gouvernement, mais aussi une nouvelle sorte de citoyens avec lesquels les dirigeants vont devoir apprendre à composer avec eux. S’ils veulent survivre politiquement, bien sûr.
Source I24News