mercredi 8 janvier 2014

L’Inserm et le Technion d’Israël Signent un Accord de Partenariat


En décembre dernier, Muriel Touaty, la directrice de l’Association Technion France organisait un colloque scientifique à Paris intitulé “Du laboratoire à l’application industrielle et commerciale” sous le Haut Patronage du président François Hollande et en partenariat avec Le Point. Une journée intense, consacrée à l’échange d’expériences françaises et israéliennes dans ce domaine, qui s’est achevée sur un geste fort : la signature d’une convention entre l’Inserm et le Technion pour la création d’un nouveau Laboratoire International Associé (LIA). Cette coopération franco-israélienne focalisera ses recherches sur les patients présentant des risques de développer une Hypertension Artérielle Pulmonaire (HTAP).



Tour à tour, les acteurs français et israéliens de la recherche et de l’industrie se sont succédé pour raconter leurs expériences individuelles et collectives et pour proposer de nouvelles perspectives d’avenir communes autour du sujet brûlant de l’innovation.
L’innovation : un enjeu majeur pour la France
Jean-Luc Beylat, à la tête d’Alcatel-Lucent Bell Labs France et du Pôle Systematic Paris-Région, présidait la première séance et a invoqué le contexte français actuel concernant l’innovation. Comme il l’expliquait déjà dans le rapport qu’il a rédigé avec Pierre Tambourin et remis au gouvernement début avril, “L’innovation, un enjeu majeur pour la France : dynamiser la croissance des entreprises innovantes”.
De nombreux outils ont été mis en place pour favoriser le développement de l’innovation depuis une dizaine d’années, et plus particulièrement à partir de la recherche publique. “Le monde se réinvente, et au cœur de cette transformation, soutenir l’innovation devient un enjeu crucial pour les États. L’innovation, cette faculté à porter le nouveau, à changer les paradigmes technologiques, mais aussi organisationnels, économiques, parfois sociétaux, structure les économies, les sociétés, les futurs”. Mais tandis que ces initiatives contribuent à valoriser la recherche, la création d’entreprises à forte croissance reste faible. De fait, ces dispositifs établis à la seule échelle nationale, et parfois même régionale, ne peuvent conduire à une efficacité globale et industrielle.
Dans le domaine médical, nous informe le professeur Alexander Eggermont, directeur général de l’Institut Gustave Roussy, la High-Tech est nécessaire. Il donne l’exemple du cancer, en précisant que “chaque cancer est unique”, et qu’il est désormais possible, grâce aux outils modernes de génomique à haut débit, de prendre en compte les caractéristiques biologiques d’une tumeur afin d’ “adapter au mieux le traitement”. Et l’avantage d’un traitement ciblé face aux chimiothérapies classiques, c’est qu’il s’attaque spécifiquement aux cellules tumorales et non aux cellules saines.
Mais malgré un niveau de recherche français dont l’excellence n’est plus à prouver, l’innovation a encore du mal à se frayer un chemin dans le monde entrepreneurial. Maya Said, vice-président Stratégie, Politique Scientifique et Innovation Externe, Recherche & Développement Monde de Sanofi, a été la première à évoquer ce problème. “Dans le secteur pharmaceutique, malgré des avancées majeures depuis 5 ans, l’industrie n’a pas su traduire le potentiel scientifique en application concrète.” Car lorsque la recherche fondamentale arrive à terme, il faut alors passer au développement, particulièrement coûteux, qui ne peut se faire sans investissement considérable. La majeure partie des pays européens se heurte ainsi au problème financier.
Israël ou l’efficacité du transfert technologique
En Israël, en revanche, l’innovation est largement portée par des petites entreprises florissantes de moins de 50 personnes.
La culture entrepreneuriale, notion essentielle pour le comprendre, trouve son ancrage dans l’éducation. Dès le plus jeune âge, les Israéliens y sont familiarisés car elle fait partie de leur programme scolaire, nous a rapporté Eyal Kaplan, associé gérant de Walden Israel Venture Capital et président de l’Association des Alumni du Technion . Ils apprennent, en quelque sorte, à “avoir deux cerveaux : celui d’un scientifique et celui d’un entrepreneur, même s’ils peuvent s’avérer contradictoires” intervient Hossam Haick, le professeur du Technion qui dirige le département d’ingénierie chimique.
Outre la culture inhérente au pays, Jean-Luc Beylat relève le dynamisme de cette jeunesse. “Effectivement, les jeunes Israéliens ont le sens de la mission : ils ont le sentiment de servir une cause et ont envie d’augmenter les ressources de leur pays” répond Peretz Lavie, président du Technion , l’Institut israélien de technologie. “Le rôle de la société et ce qu’elle représente pour celui qui veut innover est central. L’éducation serait donc la clé pour changer le monde”
Israël réunit 3 conditions nécessaires à l’émergence de l’innovation, selon le docteur Alexis Genin, directeur des applications de la recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière : le décloisonnement, la transdisciplinarité et la prise de risque. “Il faut savoir être flexible, s’adapter aux difficultés et au monde qui change très rapidement” confirme le docteur Nissim Darvish, directeur général de Orbimed Healthcare Fund Management.
En Israël, en plus “d’un gouvernement qui pousse les entrepreneurs à s’exporter” enchérit-il, la dimension internationale s’est imposée de façon évidente car “on ne peut créer un modèle économique avec si peu d’habitants”. Le professeur Haick a énuméré quelques-unes des nombreuses coopérations binationales en place, parmi lesquelles celle entre le Technion et Boston.
De fait, il y a un continuum entre recherche et développement. Pour le professeur Philippe Gillet, vice-président des affaires académiques de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, selon lui " la Suisse et Israël sont sûrement les pays les plus efficaces pour le transfert technologique."
“Prendre exemple sur Israël”
“Cet événement est une opportunité pour échanger et créer de nouveaux partenariats binationaux” a introduit Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Jean-Luc Beylat suggère qu’il “ne s’agit pas de dépenser plus d’argent public pour l’innovation française, mais de le dépenser autrement et de manière plus efficace.” La ministre rappelle que “la recherche est à la base de l’innovation, mais elle n’est pas suffisante. Il y a largement plus de publications scientifiques françaises que d’applications de ces recherches. Il faut donc réussir un meilleur transfert de la recherche à l’entreprise.”
Selon Nicolas Leterrier, vice-président Innovation de Schneider Electric, " le problème est avant tout linguistique : la notion de “Venture Capital” a été mal traduite par “capital risque”, terme qui met en exergue l’idée de risque, pas forcément attirante".
Patrick Johnson, vice-président “Recherche et Science” de Dassault Systèmes, explique que l’objectif est donc de “fédérer un écosystème similaire à celui d’Israël”. Pour y parvenir, la pertinence, l’approche transnationale et l’alignement des intérêts semblent incontournables. "Il faut casser les murs, travailler ensemble pour mettre à mal la cloison entre recherche et industrie, comme entre recherche publique et privée. ". L’Inserm a compris cela, et illustre le mariage réussi du public et du privé. Il rassemble 500 chercheurs qui sont là pour 5 années renouvelables. Avant d’y entrer, les chercheurs sont notamment évalués sur leur capacité de décloisonnement. “Nous avons une cinquantaine de partenariats avec des grands groupes et une quinzaine de jeunes entreprises innovantes incubées : la formule magique, c’est de mixer les deux”, affirme le docteur Genin. Effectivement, lorsqu’un blocage réside en interne, il faut chercher des solutions en externe.
Pour le professeur Eggermont, les instituts doivent se transformer et les soins et la recherche se compléter. “La formation terrain est toujours bénéfique ; lorsque les chercheurs côtoient les malades, ils savent pourquoi ils travaillent. Mais créer ce type de campus peut prendre entre 18 et 24 mois en France, alors que d’autres pays facilitent et encouragent ce genre de démarches”.
D’autres propositions ont été émises par les différents intervenants, comme le fait de diversifier davantage les parcours proposés en France, et faire ainsi évoluer le système éducatif dès le baccalauréat, d’après Maya Said. Eyal Kaplan insiste lui aussi sur l’importance de l’interdisciplinarité des formations, car “5 ou 6 disciplines différentes minimum sont requises pour pouvoir innover”.
Chacun a finalement raconté ses échecs comme ses succès dans la recherche de l’innovation, et surtout dans son application, en arguant que l’on apprend énormément de ses erreurs.
C’est Fleur Pellerin, la ministre déléguée chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique qui a clôturé le colloque, en décrivant de manière élogieuse l’esprit pionnier et entrepreneurial israélien. “Je suis une fervente supportrice et admiratrice du modèle économique israélien en matière d’innovation. Nous avons une véritable relation gagnant-gagnant à construire entre nos deux nations respectives”

Source SiliconWadi