mardi 21 janvier 2014

Les contradictions du Canada sur Israël


Beaucoup a été dit au sujet de la profonde amitié que porte le Premier ministre canadien Stephen Harper pour l'Etat d'Israël. Mais en scrutant les petits détails de la politique étrangère du Canada, le Premier ministre Benyamin Netanyahou et ses amis de droite seront peut-être surpris d'apprendre que la position officielle d'Ottawa penche davantage vers Bruxelles que vers Jérusalem.



Harper, qui a fait une arrivée en fanfare dimanche en Israël pour sa première visite dans l'Etat hébreu depuis son accession au pouvoir en 2006, est peut-être le plus fervent soutien d'Israël en Occident.
Il a soutenu le droit d'Israël d'attaquer des cibles du Hezbollah à Beyrouth pendant la Seconde Guerre du Liban en 2006. Il a été parmi les premiers à boycotter les conférences anti-israéliennes de Durban en 2009. Puis à nouveau en 2011, il a soutenu le droit d'Israël de frapper le Hamas dans la bande de Gaza lors des opérations "Plomb durci" et "Pilier de la défense". Il a rompu ses relations diplomatiques avec l'Iran et il soutient systématiquement les positions israéliennes à l'ONU. Le Canada a notamment voté contre le changement de statut de la Palestine à l'ONU l'an dernier.
Les admirateurs de Stephen Harper pensent que sa visite, qui comprend des réunions diplomatiques de haut niveau, une visite guidée des lieux chrétiens, la traditionnelle visite de Vashem Yad et la réception d'un doctorat honoris causa de l'Université de Tel Aviv, sera l'occasion des déclarations de soutien encore plus fortes. De nombreux espoirs sont fondés sur le contenu de son discours à la Knesset lundi après-midi.
Une phrase du communiqué de presse publié avant sa visite a même procuré une joie non-dissimulée aux partisans d'Israël. Il y est en effet écrit que le Canada appuirait les demandes palestiniennes concernant l'établissement d'un Etat à la condition qu'elles aient été "établies dans un accord négocié avec l'Etat juif d'Israël", ce qui a conduit certains à penser que le Canada soutiendrait la demande de Jérusalem que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un Etat juif.
Michael Bell, un ancien ambassadeur du Canada en Israël, a déclaré à la télévision canadienne CTV que la position de Harper sur Israël va au-delà du soutien au droit à l'existence de l'État hébreu. Selon lui, le Premier ministre aligne ses positions conservatrices à la politique de droite de Netanyahou. Bell est allé jusqu'à avancer que Harper avait l'intention de changer la position officielle du Canada sur ce qui est peut-être la question la plus épineuse : les implantations israéliennes en Cisjordanie.
" Ce qui me préoccupe avec cette visite, c'est que ce qui va en résulter sera peut-être quelque chose de nouveau et différent d'un simple soutien mutuel et de considérations sympathiques, " a-t-il déclaré à la CTV. " Allons-nous changer notre politique ? Est-ce qu'Israël va formuler une demande en ce sens ? ".
On n'a pas besoin de creuser bien profondément pour comprendre quelle est la position officielle d'Ottawa sur les implantations et les autres questions clés de paix du Moyen-Orient.
Il y a une semaine, le ministère des Affaires étrangères du Canada a actualisé sa déclaration de politique sur "les questions clés du conflit israélo -palestinien". Dans cette déclaration, on peut lire que "le Canada ne reconnaît pas le contrôle permanent d'Israël sur les Territoires occupés en 1967", et que "les implantations constituent également un obstacle sérieux à la réalisation d'une paix globale, juste et durable".
S'agissant de la clôture de sécurité d'Israël qui se trouve le long de sa frontière avec la Cisjordanie, on découvre que "Le Canada s'oppose à la construction par Israël d'un mur à l'intérieur de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est qui sont des territoires occupés. Cet édifice est contraire au droit international ".
Enfin, s'agissant du statut définitif de Jérusalem, le document stipule que "le Canada ne reconnaît pas l'annexion unilatérale de Jérusalem-Est ".
Les positions officielles indiquent que si le Premier ministre est peut-être le meilleur ami d'Israël, les diplomates et les fonctionnaires qui rédigent les orientations politiques semblent être plus en phase avec Londres, Madrid, Paris et Rome qu'ils ne le sont avec Jérusalem.
Il convient de préciser que pendant les jours qui ont précédé l'arrivée de Harper, Netanyahou et le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman avaient réprimandé les ambassadeurs des pays européens qui avaient condamné Israël.
Les partisans d'Israël sont très lucides sur le contraste entre la chaleur de Harper et la fraîcheur d'Ottawa.
La semaine dernière, un groupe d'avocats de la région de Toronto, avec à sa tête l'ancien ambassadeur d'Israël au Canada , Alan Baker, a écrit une lettre au ministre des Affaires étrangères du Canada John Baird pour exiger le changement du contenu du site du ministère afin qu'il soit aligné sur les déclarations politiques exprimées publiquement par le Premier ministre, des membres du ministère et par d'autres représentants du gouvernement.
" Certaines parties semblent aller à l'encontre des déclarations de soutien canadiennes à l'égard d'Israël et de ses positions, ainsi qu'à l'encontre des déclarations faites à plusieurs reprises par le Premier ministre Harper et le ministre des Affaires étrangères Baird ", écrit le groupe dans son courrier.
Dans son allocution de bienvenue à Stephen Harper et à la délégation canadienne, Netanyahou déclare: " vous, Monsieur le Premier ministre, et le Canada avez emprunté sans hésitation le bon chemin de l'histoire ".
Il sera intéressant de voir jusqu'où Harper ira dans la bonne direction

Source I24News