mercredi 20 février 2019

Un logiciel de reconnaissance faciale de fabrication israélienne s'invite au carnaval de Nice


Pour la première fois en France, un système de reconnaissance faciale va être déployé sur la voie publique, à l'occasion du 135e carnaval de Nice. Il ne s'agit toutefois que d'une expérimentation, menée durant deux jours (ce mardi et mercredi) dans un périmètre restreint délimité par six caméras. Ce test se fera sur la base du volontariat, et reposera sur la participation d'un millier de «cobayes» ayant accepté d'être identifiés par le logiciel, développé par la startup israélienne AnyVision.......Détails........



Ce dernier est développé par la startup israélienne AnyVision, bien placée pour devenir leader mondial du secteur. 
Créée en 2015, l'entreprise a conclu un partenariat avec le géant américain Nvidia, et vu l'an dernier le groupe allemand Bosch entrer à son capital. 
Plusieurs scénarios seront testés, a indiqué Christian Estrosi au cours d'une conférence de presse. 
Le système devrait notamment tenter de repérer un enfant perdu dans la foule, une personne âgée en difficulté, et  d'identifier un certain nombre de personnes recherchées. 
Des panneaux d'information ont été mis en place, sur requête de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés).
Le maire de Nice est un fervent partisan de la «vidéoprotection» : avec ses 2 350 caméras (soit une pour 145 habitant), sa ville est une des plus surveillées de France. 
Un dispositif qui n'a pourtant pas empêché de se produire l'attentat au camion-bélier du 14 juillet 2016, alors même que Christian Estrosi avait estimé quelques mois plus tôt que si Paris avait disposé du même réseau de caméras que Nice, «les frères Kouachi n'auraient pas passé trois carrefours». 

La CNIL a-t-elle donné son feu vert ?

C'est ce qu'affirme Christian Estrosi. Mais ce n'est pas ce que dit la CNIL, qui a rappelé que son autorisation n'était plus requise depuis le 25 mai 2018 - date de l'entrée en application du Règlement général de protection des données (RGPD).
Si son feu vert était encore requis, l'aurait-elle donné ? 
Vu la rafale de tweets publiés mardi matin par la CNIL, on peut en douter. 
Si l'autorité indique avoir eu plusieurs échanges et une réunion avec la mairie de Nice, «dans une logique d'accompagnement à la conformité», elle regrette aussi avoir été prévenue à la dernière minute et juge «hautement souhaitable» qu'un rapport lui soit adressé dans un délai de deux mois.
Surtout, la CNIL rappelle que l'expérimentation niçoise «ne saurait aller au-delà du simple test» : en cas d'utilisation à des fins sécuritaires, le dispositif serait soumis non plus au RGPD, mais à la directive européenne «police justice» du 27 avril 2016. 
«La mise en oeuvre d’un dispositif de reconnaissance faciale à des fins sécuritaires, y compris s’il était limité dans le temps ou dans l’espace, serait subordonnée, a minima, à l’intervention d’un décret en Conseil d’Etat voire d’une loi et nécessiterait une loi ou un décret en Conseil d'Etat», note encore l'autorité.

Pourquoi la reconnaissance faciale pose-t-elle problème ?

Parce que c'est une chose de se savoir filmé, c'en est une autre de se savoir pisté dans la rue comme c'est déjà le cas en Chine, où la reconnaissance faciale est utilisée quotidiennement par les autorités. 
La semaine dernière, un expert informatique révélait d'ailleurs avoir pu accéder aux identités et coordonnées de plusieurs millions d'habitants (principalement musulmans) de la province de Xinjiang. 
« Les enjeux de protection des données et les risques d’atteintes aux libertés individuelles que de tels dispositifs sont susceptibles d’induire sont considérables, dont notamment la liberté d’aller et venir anonymement», analyse d'ailleurs la CNIL sur son site.
Reprenant les arguments déjà utilisés pour la vidéosurveillance, les partisans de la reconnaissance faciale mettent volontiers l'accent sur la baisse de la criminalité qu'elle est censée induire. 
Les études sur ce point manquent encore: hormis en Chine, cette technologie n'a pas vraiment été déployée à grande échelle dans l'espace public. Pour l'instant, elle reste principalement cantonnée aux aéroports ou aux gares, afin de faciliter les contrôles d'identité.
Concernant la vidéosurveillance de la voie publique, plusieurs études [voir par exemple cette méta-étude en anglais] ont toutefois conclu à une efficacité toute relative, notamment au regard de son coût.
Une partie de ces critiques reste valable lorsqu'un logiciel de reconnaissance faciale se superpose aux caméras traditionnelles, mais s'y ajoute le travers classique de tout traitement informatisé de données: le risque d'erreur. On parle alors de «faux positif». 
L'été dernier, au cours d'un test effectué par une association, le système de reconnaissance faciale d'Amazon avait ainsi identifié comme des criminels 28 membres du Congrès américain. 
En Chine, une femme d'affaire a été verbalisée pour avoir traversé hors des clous: un logiciel l'a confondu avec son portrait affiché sur un bus. 

Comment ces risques sont-ils pris en compte?

Evidemment, ces critiques n'ont pas échappé aux fournisseurs de systèmes de reconnaissance faciale, qui tentent de rassurer. 
AnyVision, le logiciel israélien retenu par la ville de Nice, revendique ainsi une fiabilité de 99,9%, affirme sa compatibilité avec le RGPD et fait du respect de la vie privée un argument de vente: une option permet ainsi de «flouter» tous les visages inconnus. 
Pour le reste, le système est capable «de reconnaître quelqu’un même si la photo a trente ans», vante Jean-Philippe Claret, président de Confidentia, l'entreprise monégasque qui fournit la solution à la Ville de Nice.
Selon des documents commerciaux accessibles sur internet, le logiciel AnyVision serait capable de reconnaître une personne à partir d'une simple vignette de 45x45 pixels, et de gérer des bases de données allant jusqu'à 300 millions d'individus. 
Virtuellement, le système serait donc capable d'identifier toute la population adulte des Etats-Unis. Mais il sait également reconnaître des objets, par exemple une arme ou une valise abandonnée.
Quel encadrement pour cette technologie ? Pour l'instant, comme le déplore la CNIL, il est quasiment inexistant. 
Un point qui n'a pas échappé à Christian Estrosi, qui a annoncé dans la foulée de son expérimentation sa volonté de déposer une proposition de loi visant à autoriser le recours à la reconnaissance faciale.
Entre temps, cette dernière s'installe tranquillement dans le paysage. 
En décembre, le magazine Rolling Stones révélait qu'elle avait été utilisée en secret durant un concert de Taylor Swift à Los Angeles, afin de détecter la présence d'éventuels harceleurs: tous les fans qui regardaient un écran montrant les répétitions du show étaient scannés. 

Source Le Progres
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