vendredi 10 juillet 2015

Haftara de Pinhas, une voix douce, subtile


Notre Haftara nous donne une leçon contre le fanatisme. Elie, le prophète, jaloux de Dieu (comme Pinhas) apprend que Dieu se trouve dans le silence. Le prophète Elie vient de faire massacrer les prophètes du Baal, divinité païenne adorée par les juifs de l’époque de la royauté. Il a montré son zèle pour Dieu, mais n’en sort pas indemne. Poursuivit par le pouvoir politique, il doit prendre la fuite...Voici la Haftara traduite puis une analyse du Rav ...


Texte de la Haftara

Poussé par la main de Dieu, Elie ceignit ses reins et courut en avant d’Achab jusqu’à l’entrée de Jezreël.
Achab apprit à Jézabel tout ce qu’avait fait Elie, et comme quoi il avait fait périr tous les prophètes par l’épée. Et Jézabel envoya un messager à Elie pour lui dire : "Que les dieux m’en fassent tant et plus, si demain, à pareille heure, je ne t’ai rendu semblable à l’un de ceux-là !"
Devant cette menace, il se leva, partit pour sauver sa vie, et, arrivé à Bersabée en Juda, il y laissa son serviteur. Pour lui, il fit une journée de chemin dans le désert, puis alla s’asseoir sous un genêt, et implora la mort en disant : "Assez maintenant, ô mon Dieu !
Prends ma vie, car je ne suis pas meilleur que mes pères !" Et il se coucha sous le genêt et s’endormit.
Soudain un ange posa la main sur lui et lui dit : "Lève-toi, mange." Il regarda, et aperçut, près de sa tête, un gâteau cuit à la braise et un vase plein d’eau. Il mangea et but, puis il se recoucha.
Une seconde fois, l’envoyé du Seigneur vint le toucher en disant : "Lève-toi, mange, car tu as une longue traite à faire."
Il se leva, mangea et but, puis, réconforté par ce repas, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’au Horeb, la montagne de Dieu. Là, il entra dans une caverne, où il passa la nuit. Et voici que la voix divine s’adressa à lui, disant : "Que fais-tu là, Elie ?"
Il répondit : "J’ai fait éclater mon zèle pour toi, Seigneur, Dieu-Cebaot, parce que les enfants d’Israël ont répudié ton alliance, renversé tes autels, fait périr tes prophètes par le glaive moi seul, je suis resté, et ils cherchent aussi à m’enlever la vie." La voix reprit : "Sors, et tiens-toi sur la montagne pour attendre le Seigneur !"
Et de fait, le Seigneur se manifesta. Devant lui un vent intense et violent, entr’ouvrant les monts et brisant les rochers, mais dans ce vent n’était point le Seigneur. Après le vent, une forte secousse ; le Seigneur n’y était pas encore.
Après la secousse, un feu ; le Seigneur n’était point dans le feu. Puis, après le feu, une voix de fin silence.
Aussitôt qu’Elie le perçut, il se couvrit le visage de son manteau et alla se placer à l’entrée de la caverne, et une voix lui arriva qui disait : "Que fais-tu là, Elie ?" Il répondit : "J’ai fait éclater mon zèle pour toi, Seigneur, Dieu-Cebaot, parce que les enfants d’Israël ont répudié ton alliance, renversé tes autels et fait périr tes prophètes par le glaive ; moi seul je suis resté, et ils cherchent aussi à m’enlever la vie."
Le Seigneur lui dit : "Va, reprends ta route vers le désert de Damas. Arrivé là, tu sacreras Hazaël comme roi de Syrie ; puis, Jéhu, fils de Nimchi, tu le sacreras roi d’Israël, et Elisée, fils de Chafat, d’Abel-Mehôla, tu l’oindras comme prophète pour te succéder.
Or, celui qui aura échappé au glaive d’Hazaël, Jéhu le fera mourir ; et qui aura échappé au glaive de Jéhu, Elisée le fera mourir. Mais j’en épargnerai sept mille en Israël : à savoir, tous ceux dont le genou n’a point fléchi devant Baal, et dont la bouche ne lui a point adressé d’hommages."
Il partit de ce lieu et rencontra Elisée, fils de Chafat, qui labourait ayant douze paires de bœufs devant lui et se tenant près de la douzième. Elie s’avança vers lui et lui jeta son manteau.
Elisée quitta les bœufs, courut après Elie et lui dit : "Je voudrais embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai." Il lui répondit : "Va, retire-toi, car que t’ai-je fait ?"
Elisée s’éloigna de lui, prit une paire de bœufs qu’il tua, en fit cuire la chair avec le bois de l’attelage et la donna à manger à ses gens ; puis il se mit en devoir de suivre Elie, et il devint son serviteur.
Analyse du Rav Kohn

La haftara attachée à la parachath Pin'has (I Rois 18, 46 à 19, 21) décrit les conséquences pour le prophète Elie de son triomphe sur les prêtres de Ba?al au mont Carmel (voir la haftara attachée à la parachath Ki thissa ).
Rappelons que plusieurs Midrachim décrivent ce prophète comme une réincarnation de Pin'has , d'où le choix de ce texte comme haftara .
La reine Jézabel est résolue à venger la mort de ces prêtres, dont elle avait elle-même favorisé la venue dans le royaume d'Israël, et elle décide pour cela de faire assassiner Elie.
Le prophète, contraint de prendre la fuite, part alors à Beèr Chéva', puis il se dirige vers le désert.
Persuadé qu'il avait échoué dans sa mission, il implore Hachem de lui ôter la vie.
Soudain, un ange lui apparaît qui, après lui avoir donné à boire et à manger, lui donne l'ordre de se rendre « à la montagne de Dieu, le mont 'Horèv (autre nom donné au mont Sinaï) ».
Arrivé à destination, Elie entre dans une caverne et il y passe la nuit (18, 9).
C'est alors que « Hachem passa, et devant Hachem un grand vent impétueux déchirait les montagnes et brisait les rochers : Hachem n'était pas dans le vent. Et après le vent, un tremblement de terre : Hachem n'était pas dans le tremblement de terre.
Et après le tremblement de terre, du feu : Hachem n'était pas dans le feu. Et après le feu, une voix douce, subtile » (19, 11 et 12).
Ce que nous apprend ce passage, explique Malbim , c'est que les manifestations à grand tapage, représentées ici par le vent, le tremblement de terre et le feu, ne sont pas des vecteurs appropriés pour la transmission de messages prophétiques.
Lorsque Hachem envoie des prophètes, c'est pour qu'ils s'expriment avec douceur et par des paroles apaisantes.

Jacques Kohn
Source Massorti et Chiourim