mardi 14 juillet 2015

Avignon : La danse de Hofesh Shechter entre baroque et techno


Le chorégraphe israélien Hofesh Shechter, étoile montante de la danse contemporaine, oscille entre délicatesse baroque et violence techno dans son dernier spectacle, « Barbarians », créé au Festival d’Avignon, avant Londres, le Canada et l’Allemagne à l’automne. Le public, plus jeune que d’habitude à Avignon, a répondu présent, lors de la première, dimanche soir, en applaudissant à tout rompre un vocabulaire et une musique dont il est proche...
 


On distribue des protections auditives à l’entrée, manière de dire que « ça va déménager« . Hofesh Shechter est réputé pour sa danse électrisante, sur des percussions assourdissantes.
« Barbarians », présenté du 12 au 15 juillet à Avignon après une avant-première au Berliner Festspiele, le 3 juillet, se présente comme un triptyque: trois pièces pour respectivement six, cinq et deux danseurs.
Après plusieurs grandes pièces, dont le célèbre « Political mother », en 2010, le chorégraphe a voulu revenir à des créations plus intimes, pour retrouver, dit-il, « une relation plus étroite avec les danseurs et, sortir de ma zone de sécurité ».

 UN CLIMAT D’OPPRESSION
L’expérimentation est donc de mise, surtout pour la première partie. Six danseurs entièrement vêtus de blanc évoluent dans un espace traversé des rayons de projecteurs, où une voix aseptisée fait la classe, lançant d’étranges injonctions. Un climat d’oppression, commun à beaucoup des créations d’Hofesh Shechter, s’installe. « Il s’agit d’observer comment nos cerveaux sont conditionnés, marqués par des systèmes de croyance qui génèrent de l’ordre et de la sécurité », explique-t-il.
La pièce est bavarde, au sens propre. La voix synthétique parle, interroge à voix haute : « Hofesh Shechter, que fais-tu là ? »
Shechter lui-même prend la parole… pour demander s’il y a un analyste dans la salle. Le chorégraphe ne cache pas que sa danse reflète « ses angoisses, ses inquiétudes ».
« La danse est ma thérapie, si cela peut soulager certains spectateurs, tant mieux, et si cela en dérange d’autres, tant mieux aussi ! » avait-il confié lors d’un passage à Paris en mai, alors qu’il préparait « Barbarians ».

 " THE BAD "

La deuxième partie lance les danseurs dans une transe techno digne d’une rave. La pièce, intitulée « The Bad », a été répétée lors d’une résidence en Allemagne, où le groupe travaillait en sous-sol, entre 10 heures du soir et 4 heures du matin. « C’était vraiment étrange, comme dans un bunker, on perdait le sens du temps, un peu comme dans une expérience bizarre des années 70, très underground », explique-t-il. « Notre moteur était de tout essayer, ça devait être sauvage et méchant ».
Les moments baroques introduisent un peu de douceur dans le déchaînement des danseurs qui semblent nus dans leurs collants couleur chair.
C’est cette partie centrale qui traduit le mieux le titre, « Barbarians », qui s’est imposé naturellement au chorégraphe. « Parce que nous sommes des barbares », dit-il, « Les zones de guerre sont intéressantes pour cela: il n’y a plus vraiment de règles, et l’être humain s’y révèle horrible ».
Le duo final surprend le spectateur plongé depuis plus d’une heure dans un torrent sonore: sur scène, une femme sagement vêtue d’un strict chemisier de soie et d’un pantalon gris, et un homme en culotte de cuir autrichienne entament une danse de salon… qui va rapidement se dérégler. Le duo décline toutes les variations de l’amour, de la passion à la violence, danseurs agrippés, lutte au corps à corps, arrachement…
Du premier ballet, intitulé « Barbarians in love », à ce duo final, l’amour est décidément « compliqué » chez Hofesh Shechter!
Le ballet sera présenté en septembre au théâtre Sadler’s Wells de Londres, où Shechter est artiste associé, avant le Canada en novembre et Darmstadt (Allemagne) en décembre.

Marie-Pierre Ferey

Hofesh Shechter, né en 1975 à Jérusalem en Israël, est un danseur et chorégraphe israélien.
Hofesh Shechter suit, à partir de l’âge de 15 ans l’enseignement de l’Académie de danse et de musique de Jérusalem avant d’intégrer la Batsheva Dance Company trois ans plus tard1. Il danse ensuite avec Wim Vandekeybus, Paul Selwyn-Norton, Tero Saarinen, et Inbal Pinto avant de s’installer à Londres en 2002 où il devient résident en 2004 de The Place.

Source Tribune Juive