Le célèbre dessinateur, inspirateur de plusieurs générations, s’est éteint chez lui ce dimanche mais laisse un immense héritage…Portrait....
On lui doit Gai-Luron, « Rubrique-à-brac » et Superdupont. Le dessinateur Marcel Gotlib, mort dimanche à 82 ans, a ravi des générations de lecteurs avec ses personnages loufoques et son imagination délirante, qui ont fait de lui l’un des auteurs phares de la BD européenne. Mais qui était Gotlib, signature célèbre et homme discret ?
Il ne dessinait plus depuis les années 1980
Un feu d’artifice sur le papier ! Plus qu’un maître, Gotlib a été le père spirituel de milliers de jeunes gens qui ont découvert avec lui la dérision et la liberté de rire de tout. Mais c’est aussi un homme blessé, par son histoire familiale, son enfance sous l’Occupation et la perte d’amis disparus trop tôt. Ce petit homme gouailleur, pudique et chaleureux, ne dessinait pratiquement plus depuis le milieu des années 1980, fatigué d’avoir trop donné.
Ses enfants s’appellent Pervers Pépère et Gai-Luron
Avant de baisser les crayons, il avait passé plus de trente ans de sa vie, dix heures par jour, à sa table à dessin pour créer sa progéniture de papier : Gai-Luron, le chien triste, Hamster Jovial, le scout rock’n’roll, Pervers Pépère, le vieux dégueulasse, ou Superdupont, son superhéros tricolore à béret basque inventé avec Lob. Gotlib a appris à rire avec les films des Marx Brothers, ses frères d’humour et de dérision. Une statue de Woody Allen trônait dans son bureau.
Caché pendant la guerre
Marcel Gottlieb – son nom sera francisé plus tard – était né le 14 juillet 1934 à Paris dans une famille d’origine juive hongroise. Son père, Ervin, est mort en déportation à Buchenwald et le petit Marcel passe l’Occupation caché dans une ferme normande pour échapper aux rafles antijuives. Au lendemain de la guerre, il veut faire du dessin animé et prend de plein fouet l’influence des dessinateurs américains, comme Harvey Kurtzman et l’équipe du magazine satirique Mad.
Il crée Gai-Luron dans l’hebdomadaire Vaillant en 1962. Puis rejoint le Pilote de René Goscinny, où il lance en 1968 sa « Rubrique-à-brac », incontournable best-seller des cours de récré.
Il se dessinait lui-même
En quatre ans, il dessinera plus de 500 planches pleines d’animaux bizarres et de personnages hilarants. Mais avec un seul vrai héros : lui-même. Car Gotlib est le premier auteur de BD que les lecteurs reconnaissent dans la rue parce qu’il se dessine en personne dans ses planches. De préférence sur un trône, avec une couronne de lauriers. Un truc pour exorciser sa timidité : « Je suis extrêmement complexé. J’avais l’impression de me venger en faisant le con, en me montrant magnifique sur mon trône. » C’est l’époque de la coccinelle, son personnage fétiche qu’il dessine dans les coins.
De temps en temps, Gotlib s’offre « une planche plus sérieuse », comme ces deux pages sur la famine au Biafra, dont Goscinny dira : « Je suis fier d’être le directeur d’un journal dans lequel il y a deux pages comme ça. »
L’aventure L’Echo des savanes
Pilote est bientôt trop petit pour lui. En 1972, il crée L’Écho des savanes, avec Claire Bretécher et Nikita Mandryka. Le magazine souvent considéré en France comme celui qui a permis à la BD de passer à l’âge adulte. Trois ans plus tard, il lance Fluide glacial. Un mensuel d’humour d’esprit libertaire qui deviendra l’un des plus importants du genre. Aux États-Unis, Robert Crumb révolutionne les comics. En France, Gotlib et ses copains dynamitent la BD.
Scato et provoc
Dans le genre scato-rigolo, le style sobre de Gotlib va à l’essentiel, le délire et la provocation. Mais la gestion du journal lui pompe son énergie et il délaisse peu à peu le dessin. Dans sa maison du Vésinet (Yvelines), le dessinateur a longtemps gardé un œil sur Fluide glacial et continué de bricoler des scénarios. Un dessin de Gotlib à la une du journal de temps en temps suffisait à relancer les ventes.
En 2014,le musée d’Art et d’Histoire du judaïsme de Paris lui a consacré une grande rétrospective pour son 80e anniversaire. Pour saluer « l’artiste, le juif athée et l’anticonformiste », son goût du gag et sa maîtrise du récit. En forme d’hommage, un astronome amateur a même donné son nom à un astéroïde (le n° 184878). Marcel Gotlib, l’astéroïde tragicomique de la BD.
Source 20 Minutes
Suivez-nous sur FaceBook ici: