mercredi 24 mars 2021

Comment la crise syrienne a coupé court aux négociations entre Damas et Israël


Si l’état des pourparlers de paix engagés entre la Syrie et l’État hébreu semblait bien avancé en 2011, le conflit syrien a compliqué la poursuite de ces discussions, rapportent les médias Newslines et « al-Chark al-Awsat ».........Détails........

Ces dernières semaines, deux articles parus dans les médias Newslines et al-Chark al-Awsat reviennent sur la tentative israélienne de conclure un accord de paix avec Bachar el-Assad avant que n’éclate la guerre en Syrie en 2011. 
Ces deux médias illustrent l’intense activité diplomatique entre les deux pays avant le déclenchement de la révolution syrienne, dont on célèbre ce mois-ci les dix ans. 
Alors qu’au début des pourparlers de paix enclenchés entre Israël et la Syrie dans les années 1990 le règlement était basé sur la formule « les territoires contre la paix », deux médiateurs américains tentent d’imposer une nouvelle formule en 2010 et 2011, écrit dans Newslines Itamar Rabinovich, négociateur pour la paix avec la Syrie de l’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin. 
Ce règlement avait alors évolué vers une formule de « territoires contre réalignement stratégique », observe l’ancien négociateur, qui ajoute que des « progrès significatifs avaient été accomplis » dans ce sens par la suite. 
Selon Frederic Hof, l’un de ces médiateurs américains, le président Bachar el-Assad leur avait affirmé le 28 février 2011 qu’il « romprait les liens militaires avec l’Iran, le Hezbollah et le Hamas et neutraliserait toutes les menaces contre Israël émanant de la Syrie, à condition qu’Israël accepte de restituer à la Syrie toutes les terres qui lui ont été prises en juin 1967 ». 
Hof poursuit dans le journal al-Chark al-Awsat : « Informé quelques jours plus tard de l’engagement conditionnel d’Assad, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a reconnu le sérieux de la médiation et ordonné à son équipe d’aller de l’avant vers un traité de paix basé sur un projet américain en évolution. » Pour Bachar el-Assad, il s’agit alors de récupérer la partie occidentale du Golan occupé par Israël à la fin de la guerre des Six-Jours en 1967 et annexée unilatéralement en 1981. 
Dans son ouvrage Every Day is Extra, l’ancien secrétaire d’État américain John Kerry revient sur ces pourparlers. « Assad m’a demandé ce qu’il faudrait pour entamer de sérieuses négociations de paix (avec Israël) dans l’espoir d’obtenir le retour du plateau du Golan que la Syrie avait perdu au profit de l’État hébreu en 1967. Je lui ai dit que s’il était sérieux, il devrait faire une proposition privée », explique John Kerry.
Selon plusieurs observateurs, rien n’indique cependant que Benjamin Netanyahu allait effectivement passer à l’action et retirer ses forces du Golan. Fin 2012, le Premier ministre israélien avait d’ailleurs démenti avoir accepté ce retrait. « À aucun moment Israël n’a accepté cette initiative américaine. 
L’initiative est ancienne et hors de propos, et sa publication découle désormais de besoins politiques », avait déclaré le bureau de M. Netanyahu dans un communiqué, en faisant référence au fait que Barack Obama et lui-même étaient en campagne électorale. 
« Les gouvernements américains successifs ont estimé qu’Israël et la Syrie pourraient parvenir à un compromis sur les hauteurs du Golan qui répondrait aux préoccupations sécuritaires d’Israël et à l’exigence de la Syrie selon laquelle elle reprendrait le contrôle de ce territoire », commente Nicholas Heras, chercheur au Newlines Institute for Strategy and Policy. 
« L’aspiration américaine à un accord de paix israélo-syrien s’est confrontée à une dure réalité, qui était qu’Israël s’était profondément enraciné sur le plateau du Golan depuis 1967 et que ce serait un suicide politique pour tout gouvernement israélien de rendre ce territoire à la Syrie », ajoute le chercheur. Côté syrien, le respect des garanties mises sur la table par Israël était tout aussi incertain. L’une des raisons derrière l’échec des pourparlers relève d’un différend relatif à l’accès de la Syrie aux rives du lac Tibériade. 
Lors d’une rencontre en 2000, Bill Clinton avait proposé à Damas une carte relative à la frontière du 4 juin 1967 et au rivage du lac de Tibériade que Hafez el-Assad avait déjà rejetée par le passé. 
« Les Américains ne pouvaient pas créer suffisamment de confiance du côté israélien concernant le fait que le régime d’Assad respecterait tout accord qui démilitariserait le plateau du Golan s’il était de nouveau sous contrôle syrien », note Nicholas Heras. 
Le conflit syrien finit par achever en 2011 les espoirs israéliens d’une paix avec la Syrie pour de nombreuses années. Deux semaines après les engagements formulés par les deux dirigeants le 28 février 2011, la répression des manifestations pacifiques par le régime de Damas met en doute la crédibilité du pays à négocier la paix avec Israël. 
« L’incertitude quant à savoir comment le régime syrien pouvait vendre un accord alors qu’il faisait face à un tumulte domestique croissant et à une délégitimation posée par la majorité de la population » se pose alors, note Samir Altaqi, chercheur au Middle East Institute. 
« Israël, de son côté, n’était pas censé accorder un tel accord à un régime à moins qu’il ne soit sûr que cet accord serait accepté par cette partie du peuple syrien », poursuit le chercheur.
Neutralité
Face au soulèvement, Israël s’interroge sur les avantages de soutenir l’opposition. 
L’État hébreu y voit le moyen de contrer la Syrie, allié de ses ennemis du Hezbollah et de l’Iran. L’arrivée au pouvoir d’un nouveau régime favorable aux sunnites affaiblirait alors Téhéran. 
Mais la révolution pouvait également aboutir à l’instauration d’un régime islamiste ou jihadiste à la frontière nord d’Israël. 
« En outre, tout soutien israélien à l’opposition syrienne justifierait les affirmations du régime selon lesquelles il a été contesté non pas par une révolte authentique, mais par une conspiration extérieure menée par les États-Unis et Israël », écrit Itamar Rabinovich. 
L’État hébreu adopte alors une politique de neutralité vis-à-vis du conflit et reste relativement en marge des événements. Mais le véritable tournant du point de vue d’Israël serait la victoire militaire des forces du régime syrien à Alep, fin 2016. 
« Israël a dû formuler une politique qui prend en compte la volonté d’Assad de reconstruire son autorité sur la Syrie et, plus important encore, la décision de l’Iran de construire une infrastructure militaire dans le pays, y compris le déploiement de missiles à guidage de précision », observe M. Rabinovich. Pour lutter contre cette menace, Israël lance depuis 2016 des frappes régulières contre des installations militaires iraniennes en Syrie. 
Ces derniers jours, des rumeurs ont circulé sur la reprise des pourparlers entre l’État hébreu et Damas. 
Le 14 janvier dernier, Bachar el-Assad et plusieurs responsables israéliens se seraient rencontrés en secret sur la base aérienne russe de hmeimim, au sud-est de la ville de Lattaquié, selon plusieurs journaux arabes. Les deux puissances ont nié avoir participé à une telle rencontre. 
Dans une vidéo d’archives extraite d’une interview de l’ancien ministre syrien de l’Information Mahdi Dakhlallah à la télévision d’État il y a plus de 3 ans, qui a beaucoup circulé ces derniers jours sur les réseaux sociaux, ce dernier affirme que la « Syrie quittera l’axe de la résistance en cas de consensus américano-russe et si l’État de la Palestine était établi ». 
Malgré ces rumeurs, les chances qu’Israël signe une paix avec Assad semblent nulles, alors que la Syrie a sacrifié sa souveraineté au profit des Russes et des Iraniens. 
« D’un côté, Assad semble désormais désireux de saisir toute initiative qui allégerait les pressions sur lui. De l’autre côté, les Russes détiennent de nombreuses cartes puissantes en Syrie. 
De plus, avec la tension croissante entre les États-Unis et la Russie, un nouvel accord de paix me semble très improbable », conclut Samir Altaqi.

Source L'Orient le jour
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