Après trente ans d'existence, le centre culturel de Naplouse a été sommé de fermer ses portes le 31 juillet dernier, signant la disparition d'un haut lieu de la culture française. Aucune explication officielle n'a été donnée. Une décision qui interroge et attriste le personnel et les Palestiniens qui fréquentaient l'établissement........Décryptage........
La fermeture de l'Institut français, le 31 juillet 2018, est passée quasiment inaperçue dans les médias. La stupéfaction était de mise pourtant parmi le personnel, les professeurs et les plus de 300 élèves de l'établissement dédié au rayonnement de la culture française.
D'autant que la fermeture n'a pas été expliquée officiellement par le Quai d'Orsay.
Créé en 1987, l'Institut français de Jérusalem - antenne de Naplouse, communément appelé Institut français de Naplouse, était logé dans une belle demeure du XIXe siècle sur les hauteurs de la ville.
Il fait partie du vaste réseau culturel que possède la France à l'étranger, rattaché au ministère des Affaires étrangères et à celui de la Culture. Chargé de diffuser la culture française, le cœur de l'activité est constitué par les cours de langue.
Chaque semaine, près de 370 élèves de tous niveaux s'y rendaient. Une majorité d'entre eux habitait à Naplouse mais certains venaient de beaucoup plus loin pour l'excellence des cours dispensés. Des événements littéraires, des concerts ou des expositions d'artistes locaux rythmaient également la vie de l'Institut.
«Un lieu ouvert sur toutes les cultures et sur tous les arts», résume Stéphane Aucante, directeur de cet établissement de 2015 à 2018.
En mai dernier, à l'initiative de l'Institut, l'artiste Seb Toussaint a décoré les murs du camp de réfugié de Balata. Autre projet phare, la compagnie XY a présenté, en août 2017, un spectacle de chorégraphie dans les rues de la vieille ville de Naplouse.
Stéphane Aucante a été nommé directeur délégué de l'Institut français en septembre 2015. Bouleversé par la décision brutale de fermeture, il la comprend d'autant moins que l'Institut s'était rarement porté aussi bien. En 2018, il s'est autofinancé à hauteur de 40%, un miracle pour ce genre d'institutions.
Les conséquences à venir inquiètent le personnel de l'Institut. «Le français, à Naplouse, va disparaître.
L'Institut était au cœur de l'écosystème de l'enseignement du français, en accueillant des élèves et en formant des professeurs», prévient l'ancien directeur avec dépit.
Cet arrêt brutal est resté incompris par les élèves palestiniens. Tala Shelbayeh, diplômée d'une licence de langues à l'université An-Najah, a expliqué à RFI: «Nous n'avons pas beaucoup la possibilité de découvrir le monde extérieur. L'Institut français nous donne une grande chance de pouvoir le faire.» «Certains élèves venaient tous les jours pour les cours ou la bibliothèque», précise Khair-Allah Tamari, médiathécaire.
Les autorités françaises justifient la fermeture par une «question d'organisation».
Elles affirment que la présence culturelle française dans les Territoires Palestiniens reste forte avec trois autres instituts français.
Des explications qui n'ont visiblement pas suffi à convaincre les jeunes Palestiniens francophones qui étudiaient à l'Institut.
Ils ont lancé, en vain, une pétition pour informer le Consulat Général de France à Jérusalem de leur désappointement.
La raison profonde qui aurait motivé la fermeture serait surtout sécuritaire. La décision semble avoir une résonance avec le récent scandale de trafic d'armes qui a eu lieu dans l'Institut français de Gaza.
En février dernier, un volontaire au sein de l'Institut français situé sur la bande a été arrêté par la police israélienne. Le français de 24 ans aurait fait sortir des armes et les aurait vendues. Sans motif politique.
Quoi qu'il en soit, le scandale a probablement fragilisé la présence des représentations françaises en Judée Samarie, que le gouvernement israélien voit déjà d'un mauvais œil.
La fermeture avait été annoncée par le consulat pour le 21 août. Pourtant, sans davantage de justification, l'Institut a été sommé de cesser toute activité dès le 31 juillet. «Il n'y a eu aucune communication réelle, nous n'avons pas été prévenus. Un véritable abandon», s'attriste Khair-Allah Tamari.
Une annonce surprise qui a laissé les professeurs et le personnel désemparés, et les programmes de cours inachevés.
D'après des sources proches du dossier, la décision n'a pas fait l'unanimité parmi les hauts responsables du Quai d'Orsay. «Symboliquement, la décision de quitter la ville de Naplouse est claire. C'est une sorte de reniement», conclut le directeur.
Source Le Figaro
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