Ça n’avait pourtant pas si mal commencé. Song of Hope, comme un message d’espoir en mode jazz funk californien 70’s, où Avishai Cohen célèbre la paix et la fraternité. Rien de plus normal, que du banal : le contrebassiste israélien a de longue date témoigné son engagement pour une réconciliation des communautés, tout comme il n’a jamais caché sa volonté de briser les œillères accolées au jazz......Détails........
«Ce n’est plus un style musical, c’est surtout la capacité à improviser dans l’instant et à transformer en direct tout type de matériau», insistait-il dès 2004, à l’occasion de Lyla («la nuit» en hébreu).
A l’époque, il arborait un tee-shirt vantant Stevie Wonder et fréquentait les clubs de jazz.
Depuis, le succès l’a emmené vers d’autres salles, et l’ex-sideman des plus recherchés a multiplié les pistes en leader, avec plus ou moins de bonheur : certains célébreront son trépidant trio, d’autres seront plus à l’écoute de ses recueils intimistes, à commencer par Aurora, où il muait en chantre transfigurant le répertoire ladino (des chants traditionnels séfarades souvent liés à la liturgie) que lui fredonnait sa mère.
Comme un aboutissement à la croisée de plusieurs histoires, et qui va vite diviser fans de la première heure et convertis par ce moment de grâce que fut la chanson Morenika.
Le virtuose avait fait le pari d’afficher une sobre sensualité.
Huit ans plus tard, le revoilà donc au micro de 1970, son année de naissance. Cette fois, cela sonne comme une mise au point à l’approche de la cinquantaine. On prend tous un coup de vieux.
Résultat : il se lance dans un balayage de tout ce qui a précédé. Jazz, soul, rock, pop, folk, chanson… Tout y passe, dans ce sillon surproduit par Jay Newland et, très vite, on a le tournis. Affaire de dosage, ou plutôt histoire de non-choix cette fois, qui laisse très vite l’auditeur pas trop branché bande FM au bord de l’autoroute.
Ça n’avait pas si bien débuté car, à la réécoute, Song of Hope n’augurait pas que du bon. Et très vite, les signes avant-coureurs d’une sortie de piste se faisaient perceptibles. It’s Been So Long (titre prémonitoire !) et Emptiness (bis) : romances affligeantes. For No One (ter) : reprise affectée des Beatles en solo, non sans pathos.
Et puis là, patatras, voilà t’y pas qu’il s’élance sans crier gare dans une version à dormir debout - à se lever d’un coup ! - de Sometimes I Feel Like a Motherless Child. Comment dire ?
Comment trouver les mots devant ça, ce mauvais traitement infligé à ce monument du patrimoine américain ?
Les versions légendaires de ce totémique gospel sont légion : profitons de les citer, d’Odetta à Matana Roberts, sans oublier celle à vous arracher les tripes de Jimmy Scott.
Ou encore celle de Kathleen Emery - millésime 1970 ! -, une terrible vision jazz funk à l’ancienne, tellement plus tenace qu’on n’ose la mesurer à celle d’Avishai Cohen. La faute de goût ultime. Comment un musicien qui a eu la chance d’être aiguillé encore tout jeune par les leçons du contrebassiste Andy Gonzalez peut-il s’égarer à ce point !?
A cet instant, point de retour possible. Il n’aurait juste pas fallu.
Avishai Cohen 1970 (Sony Music) A l’Olympia le 27 novembre.
Source Liberation
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