Malgré le nom de « Bayern » et les couleurs bleu et blanc (celles de la Bavière), la fondation du club ne fut pas une « affaire bavaroise ». Ses fondateurs venaient de Saxe, du Nord de l’Allemagne et de la Prusse et se virent reprocher d’être « étrangers ».
Parmi les fondateurs, on comptait également un nombre très important de Juifs allemands, un phénomène qui n’était pas rare à l’époque. Ces sports anglais offraient aux Juifs une alternative aux disciplines « nationalistes », « patriotiques » et parfois antisémites comme la gymnastique dans la tradition du père fondateur de cette discipline, le Turnvater Jahn.
L’équipe du Bayern de Munich en 1932. Son président, Kurt Landauer, et son entraîneur, Richard Kohn, sont tous deux Juifs
Au niveau local, le Bayern était implanté dans le quartier munichois de Schwabing, le fief des artistes et des intellectuels. Parmi ses membres, il comptait surtout des étudiants, des artistes, des commerçants et des professions libérales.
À cette époque, le football en Allemagne n’était pas encore le sport n° 1 des travailleurs, mais un sport des classes moyennes avec une tendance élitiste. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, certains joueurs portèrent une cravate pendant le match et l’on soignait une certaine culture bohème. On n’acceptait que des joueurs ayant un degré d’études élevé. Les joueurs du Bayern furent « bourgeois » et élitistes, mais en même temps cosmopolites et libéraux. Ils se distinguaient du provincialisme contrairement à d’autres disciplines sportives et parmi leurs joueurs, il y avait de jeunes Allemands venus de tous les coins du Reich.Sans ses joueurs « étrangers », le Bayern n’aurait pas pu devenir le meilleur club de Munich, et Munich une métropole footballistique de premier ordre. Pendant les années 1910, une réforme structurelle eut lieu : pour la première fois, joueurs et dirigeants furent séparés.
L’importance du nombre de personne d’origine juive parmi les membres resta un facteur constant. Citons notamment le cas de Kurt Landauer, membre depuis 1901, d’abord comme joueur, puis comme collaborateur au sein de l’administration du club et, à partir de 1913, comme président. Il marqua l’évolution du Bayern pendant les vingt années suivantes.
La Première Guerre mondiale constitue une césure importante pour le football allemand en général et l’évolution du Bayern de Munich en particulier. Le football connut un essor éclatant. La guerre brisa la prédominance des gymnastes dans le sport allemand. Tandis que les pères combattaient pour le Kaiser et la patrie, leurs fils profitaient de cette période pour se consacrer à ce jeu encore mal vu. Mais la vraie raison de l’envol du football en Allemagne fut sa percée dans de nouveaux milieux sociaux, surtout chez les ouvriers, pour devenir dans l’entre-deux-guerres leur sport préféré.
L’introduction de la journée de huit heures leur permit de se consacrer davantage au sport, et le football s’y prêtait parfaitement. Entre 1914 et 1920, le nombre de clubs doubla et le nombre de spectateurs ne cessa de croître. Le Bayern profita bien évidemment de cette évolution, mais y contribua également sous la présidence de Kurt Landauer qui contracta pour l’équipe A du Bayern une assurance accidents.
De surcroît, il misait sur la jeunesse et créa un système de formation très moderne pour l’époque qui permit au Bayern de devenir l’une des meilleures équipes du football allemand. La réputation croissante du club au- delà des frontières nationales résultait aussi des matchs internationaux fréquents que Landauer organisait pour son club.
Le Bayern victime de l’ « aryanisation » du sport allemand
En 1920, le club comptait 700 membres, un chiffre considérable, mais largement inférieur à celui du 1.FC Nürnberg (2 200) ou de la SgVgg Fürth (1 700). Tandis que le Bayern enregistrait toujours des succès sportifs, le club subissait les conséquences de la grande inflation en Allemagne au début des années 1920.
En décembre 1920, la direction dut augmenter la cotisation des membres à 200 RM par mois et en mars 1923 à 600 RM, mais la solidarité des membres et les liens étroits entre le club et des commerçants munichois permirent au Bayern de tenir bon pendant cette phase difficile.
Suivit une période morose qui prit fin en 1931/32, l’année du plus grand succès du club jusqu’à présent. En demi-finale du championnat d’Allemagne, déjà marqué par la montée des hordes nationales-socialistes, le Bayern battit le grand favori, le 1.FC Nürnberg, entrainé par Jenö Konrad, un Juif hongrois.
Mais, ce que le journal semblait ignorer, c’était l’influence des Juifs au sein du Bayern qui était beaucoup plus importante encore.
Outre le président Kurt Landauer, il faut aussi citer l’entraineur Richard Dombi et le responsable des équipes juniors, Otto Beer.
Quelques jours après le match contre Nuremberg, le Bayern parvint à battre l’Eintracht de Francfort 2 : 0 devant 55 000 spectateurs à Nuremberg.
L’accueil à Munich fut enthousiaste quand les joueurs du Bayern présentèrent la « Viktoria » à leur public. Mais la « prise du pouvoir » par les nationaux-socialistes, le 30 janvier 1933, mit fin à l’essor du Bayern et surtout à son caractère international.
Les matchs contre des clubs étrangers devinrent de plus en plus rares et la composition de l’équipe fut rapidement ramenée à 100 % d’Allemands. Le Bayern, considéré comme le « club des juifs », fut « aryanisé » comme les magasins de Munich (les commerçants juifs furent spoliés de leurs biens).
Les membres juifs furent contraints de quitter le club, comme le président Kurt Landauer qui démissionna de son poste le 22 mars 1933 et perdit son travail quelques jours plus tard. Otto Beer, le responsable des équipes juniors, émigra en Suisse, un chemin que Landauer prit à son tour le 15 mai 1939, après avoir connu pendant 4 semaines le camp de concentration de Dachau à la suite de la « Nuit de cristal », le 9 novembre 1938.
En novembre 1943, le Bayern joua contre l’équipe nationale suisse à Zurich pour « afficher » la puissance allemande alors que l’armée allemande subissait défaite après défaite sur le front russe. Parmi les spectateurs, Kurt Landauer assista au match de son club sans pouvoir se rapprocher des joueurs. Des agents de la Gestapo les avaient accompagnés pour empêcher tout contact.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la plupart des joueurs du Bayern furent envoyés au front, tandis que leurs collègues de l’autre club accomplissaient une sorte de service de travail obligatoire qui leur permettait de rester à Munich et de jouer pour leur club.
Quand on fait le bilan des victimes à la fin de la guerre, le Bayern déplora la mort de deux joueurs. Kurt Landauer avait survécu à la guerre en Suisse et revint à Munich le 26 juin 1947. Le 19 août, il retrouva son poste de président du Bayern. Le fait d’avoir à la tête du club une personnalité que les nazis avaient poursuivie fut certainement un atout au moment où le sport allemand en général devait prouver aux alliés qu’il avait renoué avec des structures démocratiques.
Dans les négociations avec le gouvernement militaire américain, qui – non sans raison – considérait le sport comme un instrument important de la militarisation de la société allemande après 1933, la présence d’une victime du « IIIe Reich » à la tête du club donna au Bayern une certaine avance par rapport à d’autres clubs tels le Munich 1860 dans la transition rapide vers la normalité.
Source Wearefootball