Le 10 et le 11 mai Bayonne fête le chocolat avec la 20ème édition des journées du chocolat. Cette année, le thème en est : « Le chocolat c’est toute une histoire! L’apport de la « nation juive » à Bayonne ».
Le chocolat, découvert par Christophe Collomb fait rapidement la conquête des souverains espagnols. Charles Quint en développe la culture dans les colonies américaines de son empire, et en Espagne comme au Portugal, les fabriques de chocolat s’implantent et font le bonheur des gourmets. Jusqu’à la fin du 16ème siècle, il est inconnu en France, et les premières fabriques sont installées à Bayonne par des juifs du Portugal chassés par l’inquisition. La « Nation juive », c’est le nom que reçurent alors ces juifs portugais.
Ces artisans chocolatiers s’installent à Saint-Esprit-les Bayonne, sur la rive droite de l’Adour, commune aujourd’hui rattachée à Bayonne. En 1615, à l’occasion du mariage de Louis XIII et de l’infante Anne d’Autriche à Bordeaux, la France découvre le chocolat de Bayonne, et toute la noblesse française s’en éprend, comme avant elle la noblesse ibérique. La riche bourgeoisie l’apprécie tout autant! Le chocolat est alors un produit de luxe, un cadeau réservé aux personnalités importantes que l’on veut impressionner et gâter.
Très vite le chocolat prend un rôle important dans l’économie bayonnaise, et bien sur, les rivalités et les jalousies à l’encontre des artisans juifs s’exacerbent dans la population locale. L’histoire n’étant rien d’autre qu’un éternel recommencement, en 1725 l’ordonnance des Echevins interdit aux juifs de pratiquer le commerce et la fabrication du chocolat dans la ville. Mais cette interdiction ne fit pas vraiment long feu : en 1767 elle fut annulée par le parlement de Bordeaux à la demande des marchands. Les commerçants tiennent à la qualité de leurs produits, et ne sont pas prêts à y renoncer pour satisfaire les ambitions d’apprentis artisans qui ne maîtrisent pas toutes les subtilités de la fabrication qui font du chocolat un réel délice. Bayonne tenait à conserver sa place de « ville du chocolat ».
Depuis cette époque, la tradition chocolatière s’est maintenue à Bayonne, et le chocolat fait partie intégrante du patrimoine gastronomique de la cité. En 1993, les artisans chocolatiers créent l’Académie du Chocolat de Bayonne et instaurent la fête annuelle du chocolat. Jean-Michel Barate, Maître chocolatier de la maison Daranatz et actuel président de l’Académie a expliqué la thématique de l’édition 2013 de la fête du chocolat : « Nous voulons rendre hommage à tous les membres de la communauté juive qui, par la force des évènements, ont amené le chocolat et les techniques de fabrication ici. Nous en sommes les héritiers… Bayonne et tout le Pays basque se doivent vraiment de dire merci aux juifs portugais ».
A l’occasion de cette fête du chocolat, la romancière Michèle Kahn et l’historien Georges Dalmeyda, aborderont toutes les facettes de l’histoire du chocolat et de la « Nation juive » lors d’une conférence vendredi 10 mai à 16h, à la synagogue de Bayonne. Michèle Kahn dédicacera son roman « Cacao », initialement publié aux éditions du Bibliophane (qui était également le nom d’une très belle librairie rue des Rosiers), et récemment réédité par les éditions Cairn.
Cette association des juifs à un élément fort de la gastronomie est une exception qui mérite qu’on s’y attarde, et qui déculpabilisera peut-être certains d’entres nous lors des irrépressibles fringales de chocolat qui nous attaquent régulièrement. Les prochaines tablettes qui en feront les frais passeront mieux, et ce sera comme un hommage rendu à la « Nation Juive ». Non? Tant pis, ça restera une gourmandise délicieuse contre laquelle il est difficile de lutter…….
Source Tribunejuive.info