Les milieux politiques attendaient mardi soir le discours du secrétaire général du mouvement terroriste chiite libanais Hezbollah, comme s’il devait dévoiler un mot de passe qui permettrait de connaître les contours de l’étape à venir. Mais si Hassan Nasrallah était clair dans le volet régional de son discours et en particulier avec Israël, en posant une équation de « riposte équilibrée à toute attaque », sur le plan interne, il avait plutôt un ton de pompier.........Détails........
Nasrallah est ainsi passé rapidement sur les accusations médiatiques et politiques portées contre le Hezbollah à la suite de la tragique explosion du port et après l’assassinat de l’activiste politique Lokman Slim, qu’il n’a pas directement nommé, insistant d’abord sur la présomption d’innocence et appelant les enquêteurs à dévoiler au plus vite les résultats de l’enquête technique, puisque le reste est tributaire de considérations politiques.
Les auditeurs du sayyed attendaient aussi ce qu’il allait dire sur le dossier gouvernemental et c’est là surtout que sa position s’est résumée à appeler au calme, à la désescalade et à comprendre les enjeux et les appréhensions des uns et des autres et en particulier ceux des deux responsables impliqués dans le processus de formation du gouvernement, le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri.
Nasrallah a même insisté sur le fait que toutes les parties locales veulent la formation d’un gouvernement au plus vite et que le déblocage du processus est dans l’intérêt de tout le monde au Liban.
Il a ainsi réitéré sa précédente position au sujet des entraves internes, rejetant ce qu’on appelle l’attente des développements régionaux et internationaux et le lien établi entre le blocage actuel et l’évolution des relations entre l’Iran et la nouvelle administration américaine.
Les propos de Nasrallah sur la formation du gouvernement montrent donc une volonté d’être équilibré et à égale distance du chef de l’État et du Premier ministre désigné.
Le secrétaire général du Hezbollah a ainsi estimé qu’il est injuste de faire assumer au chef de l’État la responsabilité du blocage et en même temps, il a plus ou moins justifié la revendication du Premier ministre désigné d’obtenir le portefeuille de l’Intérieur.
Il a ainsi déclaré à ce sujet que le Hezbollah peut comprendre une telle revendication, d’autant que lui et Amal ont exigé pour la communauté chiite le portefeuille des Finances et ils ont finalement obtenu gain de cause.
Par conséquent, ce qui a été accepté pour eux peut l’être pour les autres.
Toujours dans le dossier gouvernemental, Nasrallah a rejeté toute possibilité d’accorder le tiers de blocage au sein du cabinet à une seule partie.
Ce qui n’est sans doute pas nouveau et ne constitue d’ailleurs plus un élément de discorde, puisque la présidence de la République a officiellement déclaré qu’elle ne le voulait pas pour elle.
Par contre, le chef du Hezbollah a, pour la première fois, évoqué la possibilité de former un gouvernement de 20, voire de 22 membres. Officiellement, il s’agit, en passant d’un cabinet de 18 voulu par le président du Conseil désigné, à une équipe de 20 ou 22, de permettre une meilleure représentation de toutes les composantes politiques et confessionnelles du pays qui souhaitent participer au gouvernement.
Dans ce contexte, le secrétaire général du Hezbollah a mentionné la réunion qui s’est tenue mardi à Khaldé entre le chef du Parti démocratique libanais Talal Arslane, l’ancien ministre Wi’am Wahhab, des dignitaires religieux et des notables druzes, lesquels ont réclamé d’être représentés au sein du gouvernement. Or, s’il est acquis que l’un des ministres druzes doit être choisi par le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, le second devrait l’être par les autres composantes druzes.
Mais pour qu’il y ait deux ministres druzes, selon le partage confessionnel adopté, il faut que le gouvernement compte au moins 20 membres. Nasrallah a donc adopté cette idée, par souci de permettre aux autres composantes druzes d’être représentées au sein du gouvernement.
Toutefois, certains milieux politiques voient dans la formule de 20 ministres la volonté d’empêcher le leader druze Walid Joumblatt de détenir le pouvoir de faire chuter le gouvernement.
En effet, selon ce qu’on appelle « le pacte entre les différentes confessions », si les ministres d’une confession précise démissionnent du gouvernement, celui-ci perd sa légitimité, en application d’un article de la Constitution qui dit qu’un pouvoir dans lequel toutes les composantes confessionnelles ne sont pas représentées n’a aucune légitimité.
Il y a certes un exemple où ce principe a été bafoué, lorsque les ministres chiites avaient démissionné du gouvernement présidé par Fouad Siniora en novembre 2006.
Après avoir vainement tenté de les remplacer par d’autres ministres de la même confession, Siniora avait décidé de ne pas démissionner. Mais les décisions de son gouvernement étaient contestées et considérées comme illégitimes. Il a fallu attendre la réunion de Doha en mai 2008, lorsque, dans le cadre de l’accord conclu entre les différentes parties sous le parrainage de l’émir du Qatar, il a été convenu de les légaliser.
En même temps, toutes les parties présentes se sont entendues pour ne pas accepter un pouvoir qui ne respecte pas la représentation communautaire. Donner donc au leader druze Walid Joumblatt la représentation de la communauté druze au sein du gouvernement, c’est lui accorder un tiers de blocage déguisé et le pouvoir de décider du sort du cabinet, lequel pourrait rester en place pour deux ans et plus…
Dans le contexte actuel, plusieurs parties jugent que cela est risqué et donnerait au chef du PSP un pouvoir qui dépasse le mandat actuel et qui a été refusé à d’autres...
Tout en poussant clairement vers la formation du gouvernement le plus rapidement possible et en prônant l’apaisement et le retour au dialogue, sans plus attendre les développements régionaux ou internationaux, Nasrallah a peut-être ouvert un nouveau dossier conflictuel…
Surtout en cette période critique où nul ne peut prédire combien durera ce gouvernement (lorsqu’il sera formé) et dans quelles circonstances il devra gérer le pays.
Vous nous aimez, prouvez-le....