Le contre-amiral Cem Gürdeniz, âgé de 62 ans, est à la retraite. Mais sa vision est au pouvoir, notamment sa doctrine de "patrie bleue" qui prévoit l'établissement d'une souveraineté turque sur de larges pans de la Méditerranée orientale.
Francophone et francophile, il ne peut retenir sa colère contre Paris, qui a déployé la semaine dernière deux navires de guerre et deux avions Rafale pour soutenir la Grèce qui dénonce des recherches turques d'hydrocarbures "illégales" dans ses eaux.
"Ils menacent la Turquie, vous vous rendez compte ? (...) J'en ai assez des attaques verbales quotidiennes du (président français Emmanuel) Macron", s'étrangle M. Gürdeniz, qui reçoit l'AFP dans une belle demeure en bois sur l'île de Heybeliada, au large d'Istanbul.
"Si la France continue les provocations (...), cela ne servira en rien la paix et la stabilité.
Cela ne fera que verser davantage d'huile sur le feu", met-il en garde.
La découverte d'importants gisements gaziers en Méditerranée orientale ces dernières années a aiguisé l'appétit des pays riverains et suscité des tensions entre Ankara et Athènes, deux pays de l'Otan aux contentieux territoriaux anciens.
Signe de la volatilité de la situation, un navire grec et un navire turc sont entrés en collision la semaine dernière dans une zone revendiquée par Athènes où Ankara a déployé des bâtiments de guerre, selon une source militaire grecque.
"Si la Grèce appuie sur la détente, ce sera la fin de l'Otan (...) Les pays européens devraient faire pression sur la Grèce pour qu'elle abandonne" certaines revendications maritimes, déclare M. Gürdeniz.
Dans ce contexte de tensions, il appelle cependant au dialogue, à "réfléchir avec sang-froid" et non "avec le sang chaud caractéristique des Méditerranéens".
"Ce conflit ne prendra fin que lorsque la Grèce et la Turquie prendront place à la même table et se parleront. Sans l'intervention de l'UE ou des Etats-Unis", ajoute-t-il.
Se décrivant comme un "serviteur de l'Etat sans affiliation politique", M. Gürdeniz salue plusieurs décisions prises par le président Recep Tayyip Erdogan, mais regrette l'isolement quasi-total d'Ankara en Méditerranée orientale.
Il qualifie ainsi d'"erreur" la rupture des relations avec l'Egypte en 2013, après le renversement du président issu des Frères musulmans Mohamed Morsi. Et estime que des "progrès" auraient dû être faits dans les relations, glaciales, avec Israël.
En dépit de ces difficultés, ce militaire au sourire facile se dit "optimiste", notant un "intérêt croissant des jeunes" pour les questions maritimes en Turquie.
"J'accorde beaucoup d'interviews à des youtubeurs", dit-il fièrement.
Estimant que la marine militaire turque est "numéro 1" en Méditerranée orientale, M. Gürdeniz estime que la Turquie devrait être plus ambitieuse.
"La Méditerranée, ce n'est que 1% des océans et mers dans le monde. La Turquie doit aller au-delà de ces 1%", dit-il. "Mer Rouge, mer d'Arabie, Atlantique: la Turquie devrait y avoir une présence, comme symbole d'une puissance montante".
Source Zone Bourse
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