Si de nombreux pays de la Ligue arabe ou de l’Union européenne désapprouvent le projet de Nétanyahu d'annexer une partie de la Judée Samarie, peu ont les moyens diplomatiques de l’exprimer au grand jour, et encore moins de concert.......Décryptage.......
Même s’ils continuent de soutenir la solution à deux Etats dans le respect des résolutions de l’ONU, ni les pays arabes ni l’Europe n’ont les moyens de s’opposer à l’annexion par Israël de pans de la Judée Samarie.
Car, tout contraire qu’il soit au droit international, ce projet est le premier fruit du plan Trump pour la paix au Proche-Orient.
Par crainte de compromettre leurs relations compliquées, mais nécessaires, avec Washington, Arabes et Européens réaffirment leur position de principe et alertent les Israéliens des risques de dégradation de leurs relations de coopération.
Quelle réaction des pays arabes ?
Par une opération de communication comme il les affectionne, l’influent ambassadeur des Emirats arabes unis à Washington, Yousef al-Otaiba, a appelé vendredi Israël à renoncer à son projet d’annexion, au risque de compromettre une «normalisation» des relations avec les pays arabes.
La tribune, publiée en hébreu à la une du quotidien israélien Yediot Aharonot, est une première pour un diplomate arabe, qui de surcroît a rang de ministre dans son pays, le plus engagé dans le rapprochement avec Israël.
Venant de la part d’un homme connu pour sa proximité avec l’administration et la famille Trump, partisan du plan du président américain pour la paix au Proche-Orient, l’avertissement à Israël paraît sévère.
Or, «le plus incroyable, c’est combien la barre a été abaissée», relève l’éditorialiste israélien Anshel Pfeffer dans Haaretz, rappelant que «l’exigence d’un Etat palestinien n’est plus le prix» réclamé par les Arabes.
Depuis près de vingt ans, le consensus adopté par les pays arabes conditionne l’établissement de relations avec Israël à la création d’un Etat palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale.
Ces conditions ont été réitérées en février lorsque la Ligue arabe a rejeté «l’accord du siècle américano-israélien, étant donné qu’il ne respecte pas les droits fondamentaux et les aspirations du peuple palestinien».
Jeudi, le secrétaire général de l’organisation a mis en garde Israël, considérant «l’annexion de toute partie de la terre palestinienne comme une agression contre les nations arabes et islamiques, compromettant toute possibilité de paix dans la région pour les prochaines décennies».
Mais si la rhétorique du soutien «aux droits inaliénables» des Palestiniens perdure, il y a longtemps que la question palestinienne n’est plus «la cause centrale arabe», selon la formule consacrée.
Les bouleversements dans la région depuis les soulèvements de 2011, suivis des guerres civiles, émergences terroristes inédites ou autres conflits, ont imposé de nouvelles priorités à l’ensemble des pays arabes, reléguant le conflit israélo-palestinien à une moindre préoccupation.
L’expansion politique et militaire de l’Iran sur les différents terrains de guerre a attisé les craintes des pays du Golfe, lesquels ont trouvé en Israël un allié objectif et proactif.
Or, ces pays arabes longtemps désignés comme «modérés» du fait de leurs bonnes relations avec les Etats-Unis, pouvaient exercer dans le passé leur influence diplomatique auprès de Washington sur le dossier palestinien. Mais avec leur nouvelle obsession anti-iranienne partagée par Donald Trump, ils ont encouragé et applaudi celui-ci quand il a déchiré l’accord nucléaire avec Téhéran.
«Les pays du Golfe ont montré à quel point ils étaient complaisants avec l’administration américaine», écrit Elisabeth Marteu, dans la revue Politique étrangère de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Dans un article sur la «convergence d’intérêts» entre les pays du Golfe et Israël, la chercheuse souligne :
«Soit parce qu’ils cherchent à satisfaire leur allié occidental, soit parce qu’ils sont lassés de la question palestinienne (ou les deux), ils n’arrivent plus à cacher leur envie d’en finir avec ce vieux conflit qui ne leur semble plus prioritaire au Moyen-Orient.»
Quelle est l’attitude de l’Union européenne ?
Dès qu’il est question d’Israël, les Européens marchent sur des œufs. Mais si on y ajoute la relation transatlantique, l’Union est aussi paralysée qu’un lapin dans les phares d’une voiture : «Israël plus les Etats-Unis, ça fait beaucoup pour l’Union», résume un diplomate européen de haut rang.
Or, ce cauchemar diplomatique s’est concrétisé en janvier lorsque Donald Trump a annoncé son «deal du siècle», en fait son soutien à la volonté du Likoud de dépecer la Judée Samarie, en violation incontestable du droit international.
Maintenir l’unité des Vingt-Sept, ce qui n’a jamais été chose aisée, est donc devenu une mission quasiment impossible :
ainsi, l’Autriche et la Hongrie considèrent que le gouvernement israélien est dans son droit tandis que la Pologne et les autres pays de l’Est, obnubilés par la menace russe, ne veulent en aucun cas prendre le risque de distendre le lien transatlantique.
La politique étrangère de l’Union se décidant à l’unanimité des Etats membres, il lui faut trouver des compromis qui ne sont jamais marqués au coin du courage politique, d’autant plus concernant les relations avec Israël, rendues délicates par l’héritage de la Shoah.
Selon toute vraisemblance, ce sera à nouveau le cas avec l’annexion des territoires utiles de la Judée Samarie.
«Lorsque la Russie a annexé la Crimée, les Européens ont été particulièrement fermes. Il faut dire que Washington était sur la même ligne», rappelle un diplomate européen. «Mais avec Israël, on peut oublier une position aussi dure», alors même que l’Union a des moyens réels de pression, puisqu’elle est son premier partenaire commercial.
Déjà, Vienne et Budapest ne veulent pas faire pression en amont, même s’ils continuent à se dire attachés aux résolutions de l’ONU sur une solution à deux Etats : «Laissons les choses évoluer, font-ils valoir, ce n’est pas la peine de réagir maintenant», rapporte un ambassadeur d’un grand pays.
Mais, et c’est une première, l’Allemagne, qui présidera l’Union à compter du 1er juillet, se situe désormais dans le camp français et italien, alors qu’elle prêchait jusque-là la retenue.
Mal accueilli à Jérusalem le 10 juin, le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, n’a pas hésité à faire part de la «sérieuse inquiétude» de Berlin : toute «démarche unilatérale» porterait «un très grand potentiel d’escalade».
Même si les Vingt-Sept parviennent à condamner un dépeçage de la Judée Samarie, cela n’ira pas plus loin : les sanctions, en imaginant qu’elles soient efficaces, exigent aussi l’unanimité…
En revanche, il est possible de pénaliser économiquement Israël et là, le Parlement européen peut jouer un rôle déterminant. Ainsi, les groupes socialistes, vert et gauche radicale vont proposer mercredi que la ratification de l’accord dit de «ciel ouvert», qui lie l’Union à Israël dans le domaine aérien, soit gelée.
«Il ne s’agit pas de le bloquer, puisqu’il s’applique déjà provisoirement, mais d’envoyer un signal politique», explique Raphaël Glucksmann, eurodéputé Place publique. Les conservateurs du PPE y étant opposés, c’est le groupe «Renew», où siège LREM, qui fera la décision : «Ça se jouera à quelques voix», pronostique un ambassadeur.
Un vote d’une importance cruciale, comme l’a très bien compris Israël qui mène une campagne de lobbying effrénée.
En effet, un report de la ratification ouvrirait la porte à d’autres rétorsions financières ne nécessitant pas l’unanimité, comme le gel de la participation d’Israël à plusieurs programmes européens, dont la recherche.
Source Liberation
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