Le Moyen Âge
Une communauté juive importante existe à Bingen depuis le Moyen Âge. Dès le Xe siècle, des Juifs se sont installés dans la ville, et vers 1160, Benjamin de Tudèle y mentionne l'existence d'une communauté juive.
Lors des fêtes de Roch Hachana de 1198 ou de 1099, les Juifs de Bingen sont dévalisés et chassés de la ville.
Les Juifs ne reviennent à Bingen qu'au début du XIVe siècle. Ils ont une très grande importance pour l'archevêque de Mayence en tant que bailleurs de fonds. En matière de droit et de religion, les Juifs de Bingen sont sous l'autorité du tribunal rabbinique de Mayence.
La plupart des familles juives vivent alors dans la Judengasse (ruelle aux Juifs), située au centre-ville, entre la Judenpforte (porte aux Juifs), située à hauteur de l'actuel Rheinstraße (rue du Rhin), au nord et la place du marché de l'ouest, dénommée depuis 1933 Rathausstraße (rue de la Mairie), au sud.
Lors du pogrom de 1348-1349, la communauté juive est détruite. Dès 1354, plusieurs familles juives se réinstallent à Bingen. Dans les décennies suivantes, six à neuf familles vivent en ville.
Un certain Kussel, fils de Salman s'installe à Bingen en 1388, et en 1418, devient le "chef" des Juifs de l'archevêché de Mayence. Lors des incendies de la ville de 1403 à 1409, le quartier juif est aussi détruit.
Au XVe siècle, le rabbin Seligmann Bing (mort en 1469), acquiert une grande notoriété dans les pays germaniques, pour sa grande piété et ses connaissances universellement reconnues.
Depuis 1469, les Juifs sont menacés d'expulsion, mais la décision est reportée à plusieurs reprises, et ne sera appliquée, quoique partiellement qu'en 1507.
L'époque moderne
Du XVIe au XVIIIe siècle, des Juifs vivent à Bingen. En 1689, la ville compte 21 familles juives.
C'est l'année où les Français incendient la ville, détruisant aussi la synagogue. En 1765, le nombre de familles juives s'élève à 51, ce qui avec un total de 343 personnes, représente 12 pourcents de la population totale de 2 812 habitants de la ville.
En 1800, pendant l'occupation française, qui a débuté en 1793, la population juive de Bingen, obtient l'égalité des droits avec la population chrétienne. Mais lors des révolutions de 1848, se déroulent de graves émeutes contre les Juifs, et seul l'envoi de l'armée de Hesse et l'arrestation de plusieurs personnes impliquées dans le pogrom, permettent de calmer la situation.
Au XIXe siècle, la population juive croit fortement, passant de 297 habitants en 1807, à 409 habitants en 1828 (soit 10,2 pourcents de la population totale de la ville, d'environ 4 000 habitants), puis à 507 habitants en 1861 (soit 8,6 pourcents des 5 916 habitants], à 542 habitants en 1880 (soit 7,7 pourcents sur 7 062 habitants) et à 713 en 1900 (soit 7,4 pourcents des 9 600 habitants de la ville).
Après 1900, la population juive va commencer à décroitre dû à une émigration vers l'étranger ainsi que des départs vers des grandes villes allemandes. En 1910, on recense 601 habitants juifs représentant 6,0 pourcents de la population totale de 9 952 habitants.
En 1924, les familles juives habitant les bourgs de Kempten am Rhein, Gaulsheim, Bingerbrück, Bad Münster am Stein-Ebernburg et Weiler, soit un total de 35 personnes, sont rattachées à la communauté de Bingen.
Jusqu'en 1933, les résidents juifs de Bingen jouent un rôle important dans la vie économique et sociale de la ville.
La communauté juive possède une synagogue, une école, un mikvé (bain rituel) et un cimetière.
Il y a d'abord eu une école religieuse, puis à partir de 1834 une école élémentaire, mais cette dernière fermera après la mort prématurée de son professeur, Anton Bachrach. Les élèves juifs fréquenteront alors les écoles publiques de la ville.
Lors de la Première Guerre mondiale, la communauté juive de Bingen compte une vingtaine de morts et de nombreux blessés.
En 1924, le nombre de Juifs de Bingen avoisine les 500; les dirigeants de la communauté sont Julius Simon, Isidor Groß, le docteur Otto Marx, Bernhard Loeb et Oskar Meyer.
42 élèves sont inscrits à l'école religieuse où le professeur et en même temps chantre de la synagogue est Alfred Löwy.
En 1932, le président de la communauté est le docteur Otto Marx, avec comme vice-président Isidor Groß et Nathan Loeb. Le Hazzan est Isi Bayer.
La communauté réformée
Bingen est le siège d'un rabbinat d'arrondissement dont dépendent jusqu'à la période nazie, les communautés juives de Dromersheim, Fürfeld, Gau-Algesheim, Gensingen, Ingelheim am Rhein, Ockenheim, Schwabenheim an der Selz, Sprendlingen, Stein-Bockenheim et Wöllstein. Les principaux rabbins du XIXe et XXe siècle ayant officié à Bingen sont:
Nathan-Neta Josef Ellinger: né en 1772 à Mayence, fils du rabbin Juspo/Josef Ellinger et frère du rabbin de Mayence Löb Ellinger, dénommé Löb Schnadig (de la ville de Schnaittach); Enseignant chercheur et rabbin d'une petite communauté à Mannheim de 1789 à 1794, il est nommé rabbin et directeur du Talmud Torah de Hambourg où il exerce de 1809 à 1821.
En 1821 il devient rabbin de Bingen, poste qu'il occupera jusqu'à sa mort en 1839.
Isaak Rafael Sobernheim: né en 1807 à Bingen, décédé en 1869 à Bingen; Après des études à Bonn et Gießen, il est nommé rabbin de Bingen en 1839 et exercera jusqu'à sa mort en 1869.
1870-1889: aucune information vérifiable disponible pour cette période.
Richard Grünfeld: né en 1863 et décédé en 1931 à Augsbourg; rabbin de Bingen de 1889 à 1910, puis rabbin d'Augsbourg de 1910 à 1929.
Ernst Appel: né en 1884 et décédé en 1973.
Il étudie à la Hochschule für die Wissenschaft des Judentums (le séminaire juif du mouvement réformateur) à Berlin, passe son diplôme de rabbin en 1910/1911, puis est nommé rabbin à Bingen où il officie jusqu'en 1926. Il épouse en 1918 Martha Insel et auront deux filles.
En 1926, il devient rabbin de Dortmund, poste qu'il occupe jusqu'à son départ pour la Hollande en 1937 et son émigration aux États-Unis.
Il officie alors comme rabbin de Jackson (Tennessee) jusqu'à sa retraite en 1969. Sa femme meurt en 1980 en Californie.
Ignaz Maybaum: né en 1897 à Vienne (Autriche) et décédé en 1976 à Londres.
Il étudie à la Hochschule für die Wissenschaft des Judentums où il est élève de Franz Rosenzweig à Berlin et obtient son diplôme de rabbin en 1926. Il est rabbin de Bingen de 1926 à 1928, puis de Francfort-sur-l'Oder jusqu'en 1936, puis à Berlin jusqu'à son émigration en Angleterre en 1939.
En 1949, il est rabbin à la Edgware and District Reform Synagogue et enseignant au Leo Baeck Institute de Londres.
Il est l'auteur de nombreuses publications théologiques.
Heinrich Guttmann: né en 1905 à Csongrád (Hongrie) et décédé en 1995 aux États-Unis.
Après des études à Gießen, il est nommé rabbin de Bingen en 1928, puis ensuite à Landsberg an der Warthe (aujourd'hui Gorzów Wielkopolski en Pologne) jusqu'en 1933.
Après, il enseigne la théologie juive au séminaire de Budapest. Après la Seconde Guerre mondiale, il est rabbin du Bade-Wurtemberg en 1948-1949 à Stuttgart, avant de s'expatrier aux États-Unis.
La communauté juive est très active et très organisée.
Elle dispose de nombreuses associations d'aide aux personnes défavorisées de la communauté, regroupées dans la Zentralkasse für jüdische Wohlfahrtspflege (La Caisse centrale de protection des Juifs) dirigée lors de sa création en 1924 par le rabbin Appel.
Parmi ses associations: Armenverein (Association des pauvres), Männerkrankenverein (Association des hommes malades), Frauenkrankenverein (Association des femmes malades), Humanitätsverein (Association humanitaire) et Mädchenausstattungsverein (Association de dotation des jeunes filles); La Jüdischer Jugendverein (Association de la jeunesse juive), dirigée en 1924 par Robert Stein, puis en 1932 par Paul Schirlig; La Synagogenchorverein (La chorale de la synagogue) dirigée en 1924 par Ernst Groß; les associations locales de la Centralverein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens (Association centrale des citoyens allemands de religion juive) avec 156 membres en 1924, et de la Reichsbund jüdischer Frontsoldaten (Ligue du Reich des soldats juifs du front) présidé en 1932 par le procureur Stern.
La communauté orthodoxe
Depuis 1876, à coté de la communauté réformée nettement majoritaire à Bingen, existe la Israelitische Religionsgesellschaft (Communauté juive orthodoxe) avec sa propre synagogue, son propre rabbin, son quartier de cimetière et une école.
En 1924, le poste de rabbin est vacant, et les dirigeants de cette communauté sont Julius Kann, Fritz Rosenthal et Hermann Wolf.
En 1932, Julius Kann est le président de la communauté et Martin Wolf le secrétaire. A l'école, douze élèves suivent les cours donnés par Gustav Anger, qui est non seulement enseignant mais aussi shohet (abatteur rituel) et Hazzan (chantre) à la synagogue.
L'action sociale est organisée conjointement par les deux communautés avec la Caisse centrale.
Les rabbins orthodoxes sont:
Hirsch Naphtali Zwi Sänger: né en 1843 à Buttenwiesen en Bavière et décédé en 1909. Prédicateur et professeur de religion en 1875-1876, il devient ensuite rabbin à Bingen jusqu'en 1893 puis rabbin à Mergentheim jusqu'à sa mort en 1909.
Salomon Bamberger: né en 1869 à Francfort-sur-le-Main, il est le fils du dayan (juge au tribunal rabbinique) de Francfort, Seckel Bamberger et petit-fils des Seligmann Baer Bamberger de Wurtzbourg. Il est rabbin à Bingen de 1893 jusqu'en 1896, puis rabbin du district et ensuite directeur de la Präparandenschule (école normale d'instituteur) à Burgpreppach. De 1901 jusqu'à sa mort en 1920, il occupe le poste de rabbin provincial de Hanau.
Schlesinger: rabbin à Bingen de 1896 à 1901.
Samuel (Samo) Neuwirth: rabbin à Bingen de 1901 à 1924, puis à Ichenhausen.
La période nazie
En 1933, 465 Juifs vivent à Bingen, ce qui représente 3,3 pourcents de la population totale de 14 098 habitants. Le 1er avril 1933, commence à Bingen la persécution par les nazis des citoyens juifs de la ville par l'appel au boycott de leurs commerces et la privation de leurs droits.
Cette persécution va aller en s'amplifiant jusqu'à la nuit de Cristal du 9 au 10 novembre 1938, où les membres de la SA locale et des environs, aidés par une partie de la population pillent et saccagent de nombreux commerces et habitations détenus par des Juifs.
L'imposante synagogue libérale est pillée et incendiée complètement, tandis que l'intérieur de la synagogue orthodoxe est dévasté. Les habitants juifs sont arrêtés et conduits par camions à travers la ville jusqu'à la Hessischen Hof située dans la Mainzer Straße.
La majorité des hommes sont ensuite déportés dans des camps de concentration.
En 1939, sur les 465 juifs vivant à Bingen en 1933, 243 auront quitté la ville ou auront réussi à émigrer à l'étranger.
En 1942, 152 Juifs restés en ville sont déportés, et 17 autres les deux années suivantes. La quasi-totalité d'entre eux périront dans les camps d'extermination.
Après la Seconde Guerre mondiale
Le 9 novembre 1983, en présence de sept personnes, est apposée une plaque commémorative sur la seule aile de la grande synagogue, non détruite, mentionnant:
« Ici se trouvait la synagogue de la communauté juive de Bingen, construite en 1905, détruite pendant la nuit de Cristal du 9/10 novembre 1938.
Depuis le 12ème siècle jusqu'à leur émigration ou déportation, des Juifs vivaient à Bingen. »
Les restes d'un des piliers de la synagogue ont été déposés au cimetière juif.
Depuis lors, chaque année, à la date anniversaire de la nuit de Cristal, une cérémonie commémorative se déroule à l'emplacement de l'ancienne synagogue de la Rochusstraße, attirant de plus en plus de monde.
En 1997, est créé à Bingen le Arbeitskreis Jüdisches Bingen (Cercle de travail sur les Juifs de Bingen), reconnu par les autorités, dont le but est de découvrir la vie juive à Bingen avant la Seconde Guerre mondiale, et de maintenir la mémoire des Juifs de Bingen et des alentours.
Cette association est uniquement composée de Chrétiens. Elle entre en contact avec d'anciens citoyens juifs de Bingen, dispersés à travers le monde, prend soin des sites juifs de la ville, dont le cimetiere, et organise des journées de commémoration. Enfin elle traite de sujets concernant le judaïsme, son histoire et sa culture.
L'association fait beaucoup pour la reconciliation des Juifs allemands avec l'Allemagne:
« Fondée en 1997, elle invite deux ans plus tard des Juifs à revenir à Bingen pour la première fois. Comme le dit le président de l'association, Götten: "Certains sont venus avec la peur au ventre en se sentant encore toujours poursuivis.
Mais ils avaient aussi de grandes attentes… Le fait que certains sont maintenant réconciliés avec Bingen, nous procure de la satisfaction et la confirmation de l'engagement du groupe de travail, composé exclusivement de membres chrétiens. »
Un des buts importants de l'association est l'éducation de la jeunesse. Comme le dit son président:
« Notre objectif est de sensibiliser les jeunes sur les dangers des goupes d'extrême-droite et sur ce qui est derrière leur idéologie. Les enfants ont besoin de savoir ce que des hommes ont fait à des hommes, et ce qui s'est passé dans le monde du fait des Allemands… Nous voulons secouer les jeunes, les éduquer et les familiariser avec l'histoire de la génération de leurs grands-parents. »
Les Stolpersteine
Depuis 2005, 80 Stolpersteine (pierre qui fait trébucher) ou pierre du souvenir, ont été encastrées dans la chaussée devant les dernières demeures de victimes du nazisme, dont 24 le 23 février 2009.
Le Arbeitskreis Jüdisches Bingen a recherché les anciens habitants juifs de Bingen et est entré en contact avec leurs descendants.
Devant chacune de leur maison, un petit cube de béton de 10 centimètres de coté, avec une plaque de cuivre gravée avec leur nom, leur prénom et si elles sont connues, leur date de naissance et de décès, est scellé dans le trottoir et permet aux habitants actuels de Bingen de se souvenir des personnes déportées et assassinées.
Les Stolpersteine ont été lancées par l'artiste Gunter Demnig de Cologne, afin de pouvoir mettre un nom sur les victimes et pour ne pas les oublier. Actuellement plus de 6 000 pierres ont été installées en Allemagne et en Autriche.
La nouvelle communauté juive
En 2008, de 60 à 80 Juifs se sont de nouveau installé à Bingen, principalement venus des anciens pays de l' Union soviétique.
Réunis au sein de l'association TIFTUF - Förderverein für jüdisches Leben in Bingen heute (TIFTUF – Association pour la vie juive à Bingen maintenant), ils militent pour récupérer une partie l'ancienne aile de la synagogue de la Rochusstraße, pour entre autres, en faire un lieu de réunion, de prière, organiser des expositions, donner des cours aux enfants et adultes, réaliser des ateliers.
Cette demande est soutenue par la communauté juive de Mayence, et par son président, Menahkim Shterental.
Mais cette requête est refusée par le bourgmestre de la ville, Birgit Collin-Langen, qui désire récupérer cet espace pour les pompiers volontaires de la ville, et qui demande à l'association de trouver un autre local, ailleurs dans la ville.
Le nom de l'association est symbolique: Tiftuf signifie en hébreu une goutte, et la devise « Tröpfchen für Tröpfchen kann etwas Großes erwachsen » (Goutte à goutte, quelque chose de grand peut se produire) est tout un programme.
Source Techno Science
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