mardi 26 juin 2018

«Under Frustration», l'Orient retrouvé de l'électro


Au milieu des années 90, alors que les musiques africaines et orientales étaient absentes des habitus mélomanes de la jeunesse occidentale, les amateurs d’avant-garde électronique découvraient avec curiosité Anokha: un collectif de musiciens britanniques d’origine indienne ou pakistanaise, menés par le tablaïste star Talvin Singh, qui entendaient exprimer depuis le Royaume-Uni un double intérêt pour la dance music de pointe et les traditions ancestrales liées à leurs racines.......Détails........


Vingt ans plus tard, le phénomène s’est pour ainsi dire inversé, puisque la musique électronique s’est enracinée partout et le b.a.-ba formel de la house est une lingua franca virale. 
Le plus naturellement du monde, l’engouement pour les avant-gardes d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient n’a jamais été si puissant, et la création mieux disséminée. 
Autour de la basse ubiquiste, les musiciens du monde entier «connectent» dans une vaste circulation où les musiciens occidentaux, issus des diasporas ou pas, sont autant influencés par les pays «du Sud» que l’inverse.

Désillusion

Dans ce contexte, l’initiative du Tunisien Amine Metani et de l’Israélien Roi Assayag (alias Tropikal Camel- photo ci-dessus) de proposer une anthologie contemporaine de morceaux électroniques issus du «monde arabo-musulman» apparaît à la fois évidente et éminemment problématique. 
Comme nous l’a expliqué Metani, fondateur du label Shouka et d’Arabstazy, qui fut un collectif pluridisciplinaire avant de donner son nom à la série de compilations qui commence ici: 
«C’est quoi le monde arabe? Est-ce que c’est le Maghreb plus le Moyen-Orient alors que le lien, on est plein à le chercher encore, que les Tunisiens ne comprennent l’égyptien et le libanais que grâce aux films et à la musique? Le but avec Arabstazy est de se rendre compte qu’on est tous un peu tout, avec un mélange légèrement différent de celui des autres.» 
On ne s’étonnera donc pas de n’entendre (presque) aucun des clichés qui caractérisent la très en vogue vague «électro orientale» qui fleurit notamment en France depuis quelques années. 
A commencer par la pulsation de la danse, qui sonne comme soufflée par le vent de désillusion qui domine une poignée d’années après les printemps arabes.

Modernité

Lui-même musicien sous le nom de Mettani - il produit deux des morceaux compilés ici -, passionné de musiques de transe et pas franchement fan des «soirées arabic soundsystem où tu vas faire la fête en mode mariage oriental», Amine révèle par sa sélection une sensibilité exacerbée aux ambiances ésotériques et liquides. 
Le Cairote Ismael pratique une bass music casse-tête et entortillée. La Tunisienne Mash aime les nuages de bruit et les percées de lumière à la The Orb. 
Le Libanais Terra Aziz joue avec les quarts de ton et les sons du saz, mais les empaquette dans une electronica tubulaire proche de LFO. 
Quelques autres boucles, bourdons et oripeaux de musiques orientales affleurent bien sûr à la jonction des kicks et des subs, mais moins comme des blancs-seings à l’usage de l’auditeur occidental en quête d’exotisme qu’en évidences : la modernité arabe ne passera ni par le revival ni par la table rase, mais par le mélange des traditions et des identités. 
A écouter l’inédit de l’Egyptienne Aya Metwalli, on ne distingue d’ailleurs plus aucune couture. 
Seulement une voix pop du contemporain tel qu’il mute, qui tombe comme une évidence dans l’oreille pour prouver qu’elle n’a jamais été si ouverte, presque malgré elle, à la musique du monde. Au singulier.

 


Source Liberation
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