Trente-six prévenus, dont une ex-prof de maths, pour un butin vertigineux, 385 millions d'euros: le tribunal correctionnel de Paris rend mercredi son jugement au procès du "carbone marseillais", le plus important volet de la fraude à la TVA sur le marché des droits à polluer.......Détails........
Le procès, haut en couleurs, a exploré durant deux mois cet hiver les méandres de cette tentaculaire "carambouille". Avec, devant les juges, une brochette hétéroclite de prévenus: retraités, sculptrice, avocat, financier...
Parmi eux, deux sont en détention provisoire: la Marseillaise Christiane Melgrani, charismatique pivot du dossier, une ancienne prof de maths au verbe haut et au bras long ; et le financier Gérard Chetrit, petit homme brun et nerveux, qui a reconnu avoir joué le rôle de "trader" de l'escroquerie.
Considérée comme une spécialité du milieu franco-israélien, la fraude à la "taxe carbone" s'était nouée entre 2008 et 2009 sur le marché des droits à polluer, alors très peu réglementé, sur le modèle d'une simple escroquerie à la TVA. Elle a coûté au total 1,6 milliard d'euros à l'État français.
Plusieurs volets à 23, 146 ou encore 283 millions ont été jugés ces dernières années, mais celui-ci, avec 385 millions de TVA éludés au fisc, est le plus spectaculaire.
Il prend racine dans le quartier marseillais du Panier et s'étire entre une myriade de sociétés écrans et comptes offshores, d'Israël à la Nouvelle-Zélande.
- "Ma Dalton" -
Le 20 mars, les deux procureurs du Parquet national financier (PNF) ont dénoncé dans leur réquisitoire un "casse du siècle" "inédit, démesuré", une "atteinte aux intérêts de la Nation".
Les prévenus, avec "223 comptes bancaires" dans "25 pays", avaient tissé selon le PNF "en quelques semaines une toile de sociétés dans le monde entier", qu'il aura fallu "dix ans" pour dénouer.
Mme Melgrani, 59 ans, qui fut surnommée "Ma Dalton" dans la presse, risque le plus gros: le parquet a demandé contre elle 12 ans d'emprisonnement et 10 millions d'euros d'amende. En récidive, l'ex-enseignante devenue gérante d'un piano-bar puis "ingénieure commerciale" dans une société de bâtiment avait déjà été condamnée pour trafic de drogue.
La sexagénaire a reconnu avoir participé à une phase "test" de l'escroquerie ainsi qu'au blanchiment avec l'aide de proches, mais le PNF estime qu'elle a aussi contribué à mettre en place l'escroquerie proprement dite, commise via deux courtiers sur le marché des "quotas carbone", ce dont elle se défend.
L'accusation estime en outre qu'elle a "dirigé la partition que devaient jouer les uns et les autres".
Durant les débats, ses coprévenus n'ont semblé ne livrer des noms qu'avec son accord.
- "Règles trahies" -
Contre Gérard Chetrit, 48 ans, qui menait un train de vie fastueux entre Monaco, Londres et Israël avant d'être interpellé, le PNF a demandé dix ans de prison et 20 millions d'euros d'amende.
Ainsi que dix ans de prison et 5 millions d'euros d'amende contre un troisième suspect clé, Éric Castiel, en fuite en Israël, "trait d'union" entre les deux premiers.
Leur défense s'est employée à tenter de prouver qu'ils n'étaient pas les moteurs de la fraude. "Mme Melgrani n'est pas la +Marraine+ que l'on vous a présentée", avait plaidé l'un de ses avocats, Pierre Bruno.
Contre les 33 autres prévenus, soupçonnés à divers degrés d'avoir participé à la fraude ou à son blanchiment en se faisant investisseurs, gérants de paille ou intermédiaires, des peines allant du sursis à 7 ans de prison ont été demandées. Parmi eux, des professionnels, avocat, expert-comptable, promoteur, ont "trahi les règles du monde des affaires", avait estimé le parquet.
Contre Grégory Zaoui, familier des dossiers "carbone", en fuite, sept ans et un million d'euros d'amende ont été requis.
Et contre Angelina Porcaro, compagne de Christiane Melgrani, dont le restaurant marseillais "La Cantinette" avait vu transiter intrigues et billets de banques, cinq ans et 150.000 euros.
Plusieurs prévenus, visés par un mandat d'arrêt, devraient manquer à l'appel mercredi.
Source Romandie
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