La liste des hauts salaires publiée régulièrement par la presse israélienne soulève une tempête dans l’opinion publique. Ce qui devrait inciter le gouvernement à légiférer rapidement sur les hautes rémunérations, même si le débat est tout aussi politique qu’économique. Contrairement à ce que l’on pouvait penser avec le Ministre Lapid ce projet de loi est mis aux oubliettes ! Jeté à la poubelle. le lobby des patrons a gagné.
Il y a quelques mois, la députée travailliste Shely Yéhimovitz avait déposé une proposition de loi visant à réglementer les politiques de rémunération des dirigeants d’entreprise. La proposition prévoit qu’un dirigeant d’une entreprise israélienne ne puisse pas recevoir une rémunération supérieure à 50 fois la plus basse rémunération dans l’entreprise. Par exemple, si le salaire le plus faible est de 5 000 shekels par mois, la rémunération la plus élevée sera plafonnée à 250 000 shekels par mois ou 3 millions de shekels par an (600 000 euros).
Selon les informations qui filtrent ces jours-ci du ministère des Finances à Jérusalem, Youval Steinitz serait tenté d’apporter son soutien au plafonnement des hauts salaires, tout au moins dans les sociétés qui sont cotées en bourse. Par contre, les fonctionnaires du ministère s’y opposeraient au nom du libéralisme et de la libre-entreprise. Le ministre devra trancher la polémique immédiatement à la fin de la trêve pascale.
Il est vrai qu’en ces temps de crise, ce sont 20 % des Israéliens qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté et qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts. Dans ce contexte, les rémunérations des hauts dirigeants semblent injustes, voire indécentes : le salaire minimum plafonne à 3 850 shekels par mois, mais les patrons les mieux payés s’octroient des salaires qui peuvent aller jusqu’à 400 fois le salaire minimum.
Le palmarès des dix très hauts salaires
Qui sont donc ces patrons israéliens qui devront renoncer à une partie de leur rémunération si le projet de loi aboutit ?
Voici la liste des 10 PDG les mieux rémunérés en 2009 (salaire annuel brut):
1. Haïm Katzman, Président de Gazit (immobilier) : 18,8 millions de shekels ;
2. Miki Bar-Haïm, Directeur de Gazit : 18,6 millions de shekels ;
3. Elie Younes, Pdg de la banque Mizrahi-Tfahot : 18,5 millions de shekels ;
4. Eyal Lapidot, Pdg de Phoenix (assurances) : 17,8 millions de shekels ;
5. Ronen Visserberg, trader chez Brookerage : 15,7 millions de shekels;
6. David Avner, Pdg de Partner (téléphonie) : 14,7 millions de shekels ;
7. Ilan Ben-David, Pdg de Suny (télécoms) : 14 millions de shekels ;
8. Akiva Moses, Pdg de Israel Chimicals (chimie) : 12,6 millions de shekels ;
9. Shlomo Rodev, Pdg de Bezeq (téléphonie) : 11,7 millions de shekels ;
10. Tsion Keinan, Pdg de la banque Hapoalim : 11,7 millions de shekels.
Les secteurs qui se trouvent au sommet de la pyramide des salaires sont ceux qui réalisent généralement les bénéfices les plus forts, comme la banque, l’assurance ou téléphonie. Si le projet de loi est adopté, de nombreux dirigeants vont y laisser des plumes : par exemple, le patron de la banque Mizrahi-Tfahot devra se séparer de 15 millions de shekels par an (3 millions €).
Et ailleurs ?
Israël n’est pas le premier pays à tenter de plafonner le salaire de ses patrons. Depuis la crise financière de l’année dernière, plusieurs gouvernements ont fait part de leur intention de limiter les hauts salaires. Mais pour l’instant, aucun pays n’a réussi à imposer une limitation pour les rémunérations, bonus, parachutes dorés et autres stock-options de ses dirigeants.
En France par contre, une récente proposition de loi va dans le sens du projet israélien. L’automne dernier, le Parti socialiste français a déposé une proposition de loi « visant à rendre plus justes et plus transparentes les politiques de rémunérations des dirigeants d’entreprises ». Elle prévoit qu’un dirigeant d’une entreprise aidée par l’État ne puisse pas recevoir une rémunération supérieure à 25 fois la plus basse rémunération dans l’entreprise.
Israël sera-t-il le premier pays à mettre en place une législation contraignante ? On peut en douter : le puissant lobby patronal et bancaire va tout mettre en œuvre pour faire capoter le projet de loi. Le débat est néanmoins lancé.
Source Israel Valley