mercredi 27 mars 2013

Yariv Horowitz s’en va en Guerre



Alors de son 1er long métrage Rock the casbah fait l’ouverture du Festival du film israélien de Paris le 3 avril, Yariv Horowitz retrouve les racines de son film dans son expérience de soldat à Gaza… Entretien :

Votre film refuse de présenter ses soldats comme des héros ou des monstres. Pourrait-on le placer dans une certaine tradition de films sur la guerre?
Enfant, j’ai toujours été fasciné par les films de guerre. Cette attirance s’est confirmée quand j’ai grandi
et commencé à comprendre la situation politique dans laquelle je vivais.
Quand 
mes amis et moi nous sommes retrouvés enrôlés, en uniforme de l’armée,
 j’ai commencé à vraiment comprendre l’idée de la perte de l’innocence. Une perturbation profonde pour laquelle toutes les guerres ont le même impact sur les jeunes qui servent.
David Grossman, dans l’introduction de son recueil d’essais Death as a way of life a écrit: «Profondément enfouis au plus profond de l’âme de chaque Israélien et de chaque Palestinien, il y a l’intime conviction que ce terrible conflit, finalement, est futile.» Dans quelle mesure votre film épouse-t-il ce point de vue?
De mon expérience dans la bande de Gaza j’ai retenu la sensation qu’il y avait autant de haine que de points communs, et je me rappelle de situations où personne ne comprenait plus vraiment ce contre quoi il combattait. Alors je ne peux qu’être d‘accord avec ce que dit David Grossman.
Dans Rock the casbah la caméra donne l’impression d’observer le réel avec sa propre objectivité. Le film est construit sur les actions qui mènent aux intentions, et non pas le contraire. Pouvez-vous décrire la méthode utilisée pour obtenir cela?

Dans la plupart des séquences, je ne dirigeais que les acteurs. Le chef opérateur ne savait pas précisément ce qui allait se passer. C’était la meilleure façon de donner au film l’aspect proche du documentaire qui fait sa dynamique, avec la volonté que l’on puisse penser être en face d’un bloc de réalité.
Par ailleurs, au regard du temps de tournage très court dont nous disposions, 22 jours, c’était, je pense, la seule option que nous avions…
Vous avez refusé d’idéaliser quelque participant au conflit que ce soit. Il n’y a pas de description d’un quelconque héroïsme stoïque…
De mon expérience de soldat dans la bande de Gaza la seule présence héroïque dont je me rappelle était celle de la population civile. Pour le reste, tout n’était que dépression.
Je ne voulais bien sûr pas faire le portrait des soldats israéliens comme des héros stylisés, et, plus encore, je voulais me focaliser sur leurs besoins les plus simples (remédier à leur faim, se protéger du soleil), sur ce qui est derrière n’importe quel conflit.
Des hommes avec des besoins basiques qui deviennent plus forts pour eux et plus importants que n’importe quelle idéologie. Mais, à l’opposé, ces soldats ne sont pas non plus décrits comme le mal incarné, on reste sur des microréalités. Le film ne va donc pas dans le sens de l’un des camps, qu’il soit fervent défenseur ou fervent détracteur de l’action armée israélienne.
Quand Tomer est réquisitionné pour livrer un Palestinien 
au service de sécurité du 
Shin Bet en pleine nuit afin qu’il y soit interrogé, notre perception des enjeux du film change. Aviez-vous l’intention de nous faire perdre nos illusions de spectateurs?
Vous faire perdre vos illusions de spectateurs je ne saurais dire. Ce que je sais c’est qu’en Israël les journaux de gauche ont mentionné la scène comme l’une des meilleurs du film, disant qu’elle reflétait parfaitement la confusion
 de l’armée israélienne. Tandis que les journaux de droite ont dit que c’était
 des affabulations. Peut-être que la façon dont on croit
 ou pas à ce qui ressemble plus à un cauchemar qu’à un conte de fée nous positionne finalement?
Quand les jeunes quittent finalement la bande de Gaza, ils ne croient plus à la possibilité de «rétablir l’ordre», telle que la mission leur avait été assignée et croisent ceux, encore «innocents», qui viennent les remplacer…

L’histoire du film se déroule en 1989, inutile de dire que la situation d’aujourd’hui en est au même point, voire pire, un cercle vicieux déprimant. Je voulais que la fin du film rappelle au réel des politiques successives qui continuent d’envoyer de jeunes soldats au front sans vraiment essayer
 de changer les motifs du conflit.
En fond sonore du film, la présence répétée de l’appel de La voix de la paix, une station radio créée et dirigée par un activiste pacifiste convaincu, Abie Nathan, qui est mort depuis.
Comme le film dont l’action prend place pendant
la 1ère Intifada semble néanmoins s’inscrire dans un présent immédiat, l’intention était que nous entendions cet appel répété comme un étrange écho venu du passé. Je me rends compte combien il est triste qu’aujourd’hui nous n’ayons plus de vrais idéalistes, comme Abie Nathan l’était, qui croient
en la paix, et croient que l’éducation, l’apprentissage de la tolérance est le seul moyen d’éviter que la situation n’empire.
 Je pense qu’Abie Nathan mérite qu’on se penche sur son histoire, peut-être pour en faire un film…
En ce moment Israël 
semble se préparer pour un nouveau cycle de violence entretenu par l’ensemble
des extrémistes islamistes
 et par la vision du monde apocalyptique de Netenyahu et de Barak. Quelle est la place du cinéma dans ce qui semble se préparer ?
Beaucoup de films traitent de la situation dans la région.
Je ne sais pas quel film peut changer la situation, mais c’est une obligation en tant qu’artiste de s’y consacrer, et d’essayer d’infléchir, modestement, le cours des choses, en provoquant réactions et débats en chacun des spectateurs.
 Je travaille actuellement sur un film à propos de la 3e Guerre mondiale, et bien évidemment, la motivation pour ce projet vient de ma position d’artiste, avec sa sensibilité propre et les responsabilités dont il se sent investi humainement.

Synopsis
Au début de la 1ère Intifada, quatre jeunes israéliens, Tomer, Aki, Iliya, et Isaac, font partie d’une troupe de soldats envoyée à Gaza afin de “rétablir l’ordre”, comme le leur assure leur commandant. La guerre semble encore être un jeu qui va bientôt se finir, et chacun pourra alors rentrer chez soi.
Mais, alors qu’il poursuit un jeune palestinien, un des soldats de la troupe est tué.
Assignés sur le toit d’une maison palestinienne pour surveiller le village, retrouver le responsable de la mort de leur camarade et prévenir tout nouveau trouble, les quatre infortunés se trouvent confrontés à la réalité d’une famille qui ne veut pas passer pour collaboratrice des forces occupantes, et à leur propre incapacité à gérer une situation qui va rapidement compliquer leur vie de jeunes soldats.

Bande annonce :



Source Judaicine