Les images, quelque part entre le clip de campagne électorale, la réunion de famille gênante et la libération d’otage, laissent perplexe.
Dans un salon VIP de l’aéroport de Moscou où trône un canapé crème, on assiste à une embrassade un peu gauche sous les flashs des photographes. Naama Issachar, touriste israélo-américaine détenue dix mois en Russie, est alors littéralement poussée par sa mère dans les bras grands ouverts du Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahu, buste en avant et sourire XXL, venu directement de Washington après la déflagration du «deal du siècle» trumpiste.
La veille, le président russe Vladimir Poutine avait gracié la jeune femme, condamnée cet hiver à plus de sept ans de prison pour «trafic de stupéfiants». Nétanyahou s’est mis en scène en sauveur, faisant en sorte de ramener personnellement dans son avion officiel celle que tout le monde en Israël n’appelle plus que par son prénom.
«C’est très émouvant de te voir. Maintenant, rentrons à la maison», a lancé Nétanyahou. Cette séquence hollywoodienne est l’épilogue d’un feuilleton qui a mobilisé l’opinion publique israélienne et révélé au grand jour la nature ambivalente des relations entre Tel-Aviv et Moscou.
Tractations opaques
Naama Issachar, 26 ans, avait été arrêtée en avril, alors que cette fan de yoga rentrait en Israël après un long voyage en Inde, via Moscou.
ne quantité dérisoire de cannabis (moins de dix grammes) avait alors été découverte par les douaniers russes dans ses bagages, lors de sa correspondance à l’aéroport Cheremetievo.
Interrogée sans avocat ni interprète, forcée de signer des aveux rédigés en russe et incarcérée dans la foulée avant deux procès expéditifs, Naama Issachar est devenue une cause nationale en Israël, dès que son calvaire a été rendu public par sa famille à l’automne.
En quête de réélection, Nétanyahu s’est engagé personnellement sur ce dossier, en appelant directement à la mansuétude de Poutine, dont il s’est régulièrement vanté de la proximité, mise ici à rude épreuve.
La libération de Naama Issachar faisait l’objet depuis plusieurs mois de tractations opaques entre les deux pays, nourrissant les rumeurs de «rançon» demandée par Moscou.
A l’automne, des sources proche du Kremlin avaient contacté la mère d’Issachar, évoquant la possibilité d’un «échange de prisonniers» entre sa fille et un hacker russe détenu en Israël et recherché aux Etats-Unis.
Il avait finalement été extradé, malgré les protestations des officiels russes. Jeudi, ces derniers ont toutefois nié toute contrepartie, présentant cette grâce «humanitaire» comme un geste de bonne volonté envers les Etats-Unis, en référence à la deuxième nationalité d’Issachar.
«Famille respectable»
La semaine précédente, en marge du forum de la Shoah à Jérusalem, Nétanyahou avait organisé une rencontre entre la mère d’Issachar et Poutine. L’homme fort du Kremlin en avait conclu que la jeune Israélienne venait d’une «famille respectable», et, qu’en conséquence, «tout allait bien se passer». Dans le même temps, plusieurs médias israéliens évoquaient un accord foncier entre Moscou et Tel-Aviv.
Il viserait le transfert de l’église Saint-Alexandre, une mission russe orthodoxe dans la Vieille Ville de Jérusalem, au Kremlin, qui en réclame le contrôle depuis une décennie.
«Les relations entre Israël et le Russie sont meilleures que jamais», s’est empressé de conclure Nétanyahou jeudi, en conclusion d’une semaine où il aura réussi, à un mois des législatives, deux des plus beaux coups de sa carrière. Reste à savoir exactement à quel prix.
Source Liberation
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