La question d’un éventuel retour des Libanais ayant fui en Israël, au lendemain du retrait de l’armée israélienne en 2000, est revenue sur le tapis à l’occasion de la récente visite du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, au Liban-Sud et plus précisément dans les régions chrétiennes frontalières.......Analyse.........
Dix-neuf ans après le départ de près de 7 500 personnes, dont certaines sont accusées de collaboration avec l’État hébreu pour avoir combattu dans les rangs de l’Armée du Liban-Sud (ALS) contre le Hezbollah, la question de leur retour, qui reste à ce jour controversée, semble n’avoir été remise sur le tapis que pour la forme. Et pour cause : les obstacles politiques et administratifs à un tel retour sont pour l’heure infranchissables.
C’est à l’occasion d’une déclaration faite par M. Bassil il y a une semaine que la question du rapatriement de ces Libanais a été ressuscitée. Le chef du CPL avait évoqué la détermination du ministre de la Justice, Albert Serhane, de mettre en place un mécanisme d’application d’une loi proposée par sa formation et adoptée en 2011 pour régulariser la situation de ces Libanais.
Cette loi nécessitait des décrets d’application qui n’ont jamais vu le jour, du fait notamment de l’opposition que continue d’exprimer le Hezbollah au retour de ces oubliés de l’histoire.
Si les partis chrétiens sont majoritairement favorables à leur retour – c’est le cas des Forces libanaises, des Kataëb et du CPL, à l’origine de la proposition de loi de 2011 – le camp du 8 Mars, et principalement le Hezbollah, reste à ce jour réticent à leur retour, et ce en dépit de l’accord d’entente conclu entre le parti chiite et le CPL en 2006, qui prévoit la possibilité pour les deux parties de convenir d’une solution pour régler la situation de ces exilés.
Près de 60% d’entre eux sont chiites, les autres étant principalement chrétiens, à l’exception de quelques druzes.
Craignant des représailles, certains sont partis simplement pour avoir travaillé dans des zones occupées par Israël.
D’autres sont accusés de collaboration avec l’État hébreu.
Plusieurs ont laissé derrière eux femmes et enfants, des familles entières ayant été disloquées du fait de cette situation.
En mai 2000, à la suite du retrait des forces israéliennes du Liban, les membres de l’ALS alliée à Israël et leurs familles ont été forcés à l’exil, alors que le Hezbollah prenait le contrôle de l’ensemble du territoire évacué par l’armée israélienne.
Certains miliciens de l’ALS ont préféré se rendre aux autorités libanaises et ont purgé des peines de prison plus ou moins longues.
La majorité ont pris le chemin de l’exil et sont, depuis, bloqués de l’autre côté de la frontière, n’étant toujours pas rassurés sur les conditions de leur retour.
La loi de 2011 prévoit un retour sécurisé pour tous ceux qui n’ont pas eu un rôle actif au sein de l’ALS, principalement les femmes et les enfants, et un procès équitable pour ceux qui sont considérés comme des collaborateurs.
Il reste que les modalités de ce rapatriement doivent être définies dans un décret d’application qui doit être adopté en Conseil des ministres et qui tarde à venir.
« Comment le Liban peut-il, moralement parlant, accepter d’avoir une diaspora en Israël ? » se demande Antoine Saad, avocat et enseignant en droit international et constitutionnel.
M. Saad, qui a longuement travaillé sur ce dossier et a largement contribué à la rédaction du texte de la loi de 2011, dénonce la « légèreté » avec laquelle cette question est abordée tout en reconnaissant sa complexité.
« Toutes les fois que les élections approchent, ou qu’il est question d’une visite dans les régions chrétiennes au Liban-Sud, on tente d’instrumentaliser en politique ce sujet qui est humanitaire par excellence », dit-il dans un entretien à L’Orient-Le Jour.
Affirmant que les espoirs de voir ce dossier sérieusement évoqué sont minimes, M. Saad se dit convaincu que les promesses faites par Gebran Bassil au Liban-Sud ne sont rien d’autre qu’une « tempête dans un verre d’eau ». D’autant que le Hezbollah, pourtant allié du CPL, n’est pas prêt de lâcher de lest, assure le juriste.
L’avocat, qui a suivi la situation d’un certain nombre de familles, énumère les difficultés auxquelles seront confrontés un grand nombre d’exilés à leur retour, leur réintégration sociale et professionnelle après deux décennies d’exil étant extrêmement complexe.
« Que fera donc un ingénieur qui a fait ses études en Israël et qui voudrait retourner travailler au Liban ? » s’interroge l’avocat.
« Que fera également celle qui, entre-temps, a épousé un Palestinien ? Qu’adviendra-t-il de leurs enfants ? »
Idem, dit-il, pour tous ceux qui craignent retourner dans une plus « grande prison qui s’appelle le Liban », du fait de la situation économique désastreuse et du stigmate qu’ils devront porter sur leur front le restant de leur vie. « Plus le temps passe, plus ce retour devient difficile », conclut l’avocat.
Source L'Orient le Jour
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