dimanche 10 avril 2016

La Turquie et Israël se réconcilient pour faire face à l’instabilité régionale





Seul allié musulman d’Israël, la Turquie avait rompu les ponts en 2010. Les deux pays sont confrontés aux mêmes menaces, chaos syrien et ambitions de l’Iran. C’est un évènement géostratégique non négligeable dans un Proche Orient explosif. La Turquie a annoncé vendredi que serait finalisé « très prochainement » un accord de réconciliation avec Israël après six ans de brouille et six mois de négociations secrètes en Suisse. Le gouvernement israélien n’a pas démenti...







Les deux pays ne peuvent en effet se permettre de rester brouillés compte tenu du chaos régional marqué par le conflit en Syrie et les ambitions de l’Iran. Téhéran est en effet la principale menace pour Jérusalem et un rival d’Ankara qu’il affronte sur le théâtre syrien en soutenant Bachar al-Assad, l’ennemi juré du régime turc
La brouille entre les deux pays remontait à mai 2010, avec l’assaut d’un commando israélien sur le « Marmara » , un navire qui tentait de briser le blocus imposé à la bande de Gaza, sous contrôle du Hamas. L’assaut avait fait dix morts, tous Turcs, parmi les passagers du bateau affrété par une ONG proche de l’actuel président islamo-conservateur turc, Recep Tayyip Erdogan


Coopération brisée


Cet incident avait brisé une coopération remontant quasiment à la création de l’Etat israélien, en 1948, que la Turquie avait aussitôt reconnu. Elle fut longtemps le seul pays musulman dans ce cas. Les deux pays coopéraient depuis lors sur le plan militaire (équipements, renseignement et entraînement) face à l’instabilité régionale, mais les relations se sont détériorées après l’arrivée au pouvoir en 2002 de Recep Tayyip Erdogan, au militantisme musulman marqué.
Israël a tout à gagner à retrouver son seul allié régional, tandis que le président Turc trouve aujourd’hui un moyen de réhabiliter sa politique étrangère désastreuse.
Il avait en effet réussi l’exploit peu banal de se fâcher non seulement avec la Syrie et l’Iran, mais aussi avec les Occidentaux, qu’il accusait dêtre impérialistes et anti-musulmans. Il faut aussi mentionner son inimitié avec l’Egypte, après le coup d’Etat contre ses protégés des Frères Musulmans, l’Arabie saoudite, et même le Vatican, l’Autriche ou le Brésil pour avoir reconnu le génocide arménien. Ankara a aussi été à deux doigts d’un conflit armé avec la Russie en Syrie à l’automne.
« Il ne lui restait plus que l’Azerbaïdjan comme ami dans la région », ironisait à l’époque Berkay Mandiraci, d’International Crisis Group. La priorité du régime turc était depuis lors de rompre son isolement. Il s’est ainsi allié avec Ryad pour soutenir des rebelles en Syrie.


Ligne rouge


Israël et la Turquie avaient déjà failli se réconcilier en 2013, sous médiation américaine, après des excuses publiques du premier ministre israélien, Benjamen Netanyahu.
Son pays devait verser une compensation financière aux proches des victimes de son raid et obtenait en échange l’abandon des poursuites judiciaires d’Ankara. Cela n’avait pas suffi car les deux pays avaient des intérêts trop divergents dans le printemps arabe.
Ankara exigeait aussi une levée du blocus de la bande de Gaza, qu’Israël considérait comme une ligne rouge pour des raisons de sécurité. « Nous ne pardonnerons jamais », avait lancé le président turc, Abdu Gül, en 2010. Apparemment, quand des intérêts géostratégiques entrent en jeu, « jamais » veut dire « six ans ».


Source Les Echos