Excellente analyse qui, pour une fois, va au-delà des reproches habituels, faciles et superficiels sur la responsabilité des médias et eux seuls dans la résurgence de l'antisémitisme. Voir ce que Jean-François Chemain dit sur les enseignants qui "bouffent du Juif" et puis emmènent scrupuleusement leurs élèves à Auschwitz...
"Curieuse schizophrénie: certains enseignants – j’en connais - qui «bouffent du Juif» en salle des professeurs, emmènent scrupuleusement chaque année leurs élèves à Auschwitz, parce qu’il ne s’agit, évidemment, pas de la même chose! Comme si Israël n’avait pas été initialement fondé par des rescapés de la Shoah. Ils ne se posent pas la question: la droite est mauvaise, son antisémitisme est mauvais, la gauche est bonne, son antisémitisme est bon."
Tribune libre. Jean-François Chemain est professeur d'histoire en ZEP. A quarante ans, il quitte ses fonctions de consultant international et passe l'agrégation d'histoire. Il a publié Kiffe la France (éditions Via Romana) et Une autre histoire de la laïcité chez le même éditeur. Aujourd'hui il décrypte pour Valeurs actuelles les confusions qui existent entre l'antisémitisme et l'antisionisme.
L’antisémitisme, c’est comme le cholestérol: il y a le «bon» et le «mauvais». Chacun peut en effet constater que le discours antisémite est, aujourd’hui, complètement banalisé. Un grand quotidien du soir s’émouvait, pas plus tard qu’hier, de la cohabitation, au sein de la «Génération Gaza#», de «trentenaires n’ayant jamais manifesté», de «bobos muslims» et de «vieux antisémites». Touchant spectacle, en effet. Dans les dîners en ville, comme dans les salles des profs, on se lâche, ainsi qu’au bon vieux temps.
On nous ressert pourtant toujours, ad nauseam, des discours convenus sur «les heures les plus sombres de notre Histoire», l’époque de l’Occupation, de Pétain et de Xavier Vallat. Sans oublier, bien sûr, l’affaire Dreyfus… En quoi, diantre, l’antisémitisme de ces temps-là différait-il de celui du nôtre? J’interroge, naïvement, on me répond, doctement et un brin agacé: «il ne faut pas confondre antisémitisme et antisionisme!».
Il y aurait donc de bonnes raisons de détester les Juifs, et de mauvaises? Que ne leur a-t-on pas reproché, aux Juifs! «Déicides» (les catholiques, jadis), «capitalistes» (l’extrême-gauche, au XIXe siècle), «apatrides» (l’extrême-droite, fin du XIXe siècle et début du XXe), «inférieurs et parasites» (les nazis), et maintenant «sionistes». Voltaire, notre icône nationale, leur attribuait tous les défauts, sauf un: «Pourquoi les Juifs n’auraient-ils pas été anthropophages ? C’eût été la seule chose qui eût manqué au peuple de Dieu pour être le plus abominable peuple de la terre» (Dictionnaire philosophique, article «anthropophagie»).
Un tri rapide entre ces innombrables griefs permet de voir qu’il y en a effectivement de «mauvais», ceux de l’Eglise, de l’extrême-droite et des nazis, à quoi l’on limite l’antisémitisme qui est, comme chacun sait, un «vieux démon» de la droite et des catholiques, qui ne demande qu’à resurgir et appelle à la «vigilance».
Et puis il y en a de «bons», la haine du juif de la finance, dont curieusement on ne parle plus, la phobie hystérique de Voltaire dont, pour ne pas ternir son image, on expurge les éditions contemporaines de ses ouvrages. Et désormais l’antisionisme.
L’antisémitisme de gauche, en un mot. Curieuse schizophrénie: certains enseignants – j’en connais - qui «bouffent du Juif» en salle des professeurs, emmènent scrupuleusement chaque année leurs élèves à Auschwitz, parce qu’il ne s’agit, évidemment, pas de la même chose! Comme si Israël n’avait pas été initialement fondé par des rescapés de la Shoah. Ils ne se posent pas la question: la droite est mauvaise, son antisémitisme est mauvais, la gauche est bonne, son antisémitisme est bon.
L’antisémitisme, on l’a compris, ne serait pas criminel en soi: le seul critère de son crime, c’est d’être de droite
Source Philosemitismeblog