Présenter un passeport arborant un seul tampon des douanes israéliennes, et l'Iran vous fermera ses portes. Le quotidien Haaretz relate donc avec nostalgie le temps où des architectes israéliens allaient, en nombre, en Iran, bâtir écoles, tours de logements… et usine de missiles ! Parmi eux, Natan Frankel ou encore Dan Eytan......Détails.......
«Nous avons construit quelques aéroports dans les années 40 […] puis il y a eu une pause dans les années 50 avant que tout ne recommence dans les années 60. Les liens avec l'Iran étaient stratégiques autant que ceux noués avec le Kenya et le Nigéria ; c'était l'occasion d'aller là-bas et avec le temps, d'y faire naître un véritable business.
Il y avait tant de travail que nous refusions tout projet dont le budget était inférieur à 10 millions de dollars. Nous avons même construit, à l'époque, une usine de missiles pour 400 millions de dollars», déclare Natan Frankel, architecte, à Haaretz.
Dans son édition du 22 avril 2017, le quotidien israélien revient, à l'occasion d'une exposition intitulée «Construire un nouveau Moyen-Orient : des architectes israéliens en Iran», sur cette «coopération architecturale» mise en place dès 1957 par le MASHAV (Agence pour le développement de la coopération internationale) en soulignant, bien entendu, qu'un tel rapprochement serait aujourd'hui «inconcevable».
Le passé livre donc sa fiction et l'histoire de cette désormais singulière complicité débuterait, entre autres, par un engagement quasi humanitaire. En effet, Yehuda Drexler et Micha Talmon, respectivement architecte et urbaniste, en reconstruisant des villages détruits lors du tremblement de terre du 1er septembre 1962 dans la province de Qazvin, à l'est de Téhéran, signaient l'une des premières interventions de professionnels israéliens à l'international.
En quinze ans, les marchés offerts aux architectes d'Israël sont devenus particulièrement conséquents.
Dan Eytan, architecte, se souvient des importantes commandes qu'il avait alors reçues de l’État perse peu avant que Mohammad Reza Pahlavi ne soit renversé. «Le Shah voulait prouver qu'il construisait pour le peuple.
En 1977, par exemple, j'ai reçu un appel d'une compagnie de construction publique qui me demandait comment construire 50.000 logements. Moins de deux mois plus tard, j'étais invité par le Ministère de l'Education qui voulait alors ériger 2.000 écoles.
Ils m'ont également demandé de concevoir une importante université. A cause de la révolution, nombre de ces projets n'ont jamais été construits», explique-t-il à Haaretz.
Neta Feniger, historienne, rapporte sa vision des choses sur cette époque. Elle assure au quotidien qu'aucun des architectes ne se préoccupait de politique en Iran.
A ses yeux, il n'y a là que l'expression d'une forme précoce de globalisation. Sauf qu'aujourd'hui, à l'heure de la mondialisation, les frontières sont, jusqu'à nouvel ordre, fermées, en Iran, pour les architectes israéliens...
L'article souligne également les interactions entre des professionnels et un territoire qui leur offrait un espace d'expression et d'expérimentations. Alors qu'aucune agence israélienne ne construisait de tour dans son pays, toutes pouvaient librement s'y exercer, en Iran.
Toutefois, une critique semble poindre quant à l'architecture défendue par cette génération gagnée par les tics du style international. Rien ne montre, dans leur travail, une quelconque spécificité locale. Cette architecture est logiquement jugée «basique».
D'après Haaretz, et à la lecture d'un texte paru dans le catalogue de l'exposition et signé d'un historien de l'architecture iranien resté anonyme, nombreux seraient ceux ayant appris au contact d'architectes iraniens cherchant «l'expression d'un langage local» dont Heydar Ghiai, architecte du bâtiment abritant le Sénat (1955), ou de Kamran Diba, architecture du musée d'art contemporain (1977). Bref, voilà un juste retour des choses. Mais tout cela reste malheureusement de l'histoire ancienne...
Jean-Philippe Hugron
Source Le Courrier de l'Architecte
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