vendredi 1 juillet 2016

Haftara Korah : Avec ou sans Roi ?








Notre Paracha pose la question du pouvoir et de sa légitimité, la Haftara aborde la même question sous un angle différent. Voici dans un premier temps le texte de la Haftara traduit suivi de trois analyses pertinentes...








Haftara traduite :
Et Samuel dit au peuple : Venez, et allons à Guilgal, pour y confirmer la royauté.
Tout le peuple se rendit à Guilgal, et ils établirent Saül pour roi, devant l’Éternel, à Guilgal. Là, ils offrirent des sacrifices d’actions de grâces devant l’Éternel ; et là, Saül et tous les hommes d’Israël se livrèrent à de grandes réjouissances.
Samuel dit à tout Israël : Voici, j’ai écouté votre voix dans tout ce que vous m’avez dit, et j’ai établi un roi sur vous.

Et maintenant, voici le roi qui marchera devant vous. Pour moi, je suis vieux, j’ai blanchi, et mes fils sont avec vous ; j’ai marché à votre tête, depuis ma jeunesse jusqu’à ce jour.
Me voici ! Rendez témoignage contre moi, en présence de l’Éternel et en présence de son oint. De qui ai-je pris le bœuf et de qui ai-je pris l’âne ? Qui ai-je opprimé, et qui ai-je traité durement ? De qui ai-je reçu un présent, pour fermer les yeux sur lui ? Je vous le rendrai.
Ils répondirent : Tu ne nous as point opprimés, et tu ne nous as point traités durement, et tu n’as rien reçu de la main de personne.
Il leur dit encore : L’Éternel est témoin contre vous, et son oint est témoin, en ce jour, que vous n’avez rien trouvé dans mes mains.
Et ils répondirent : Ils en sont témoins.
Alors Samuel dit au peuple : C’est l’Éternel qui a établi Moïse et Aaron, et qui a fait monter vos pères du pays d’Égypte.
Maintenant, présentez-vous, et je vous jugerai devant l’Éternel sur tous les bienfaits que l’Éternel vous a accordés, à vous et à vos pères.

Après que Jacob fut venu en Égypte, vos pères crièrent à l’Éternel, et l’Éternel envoya Moïse et Aaron, qui firent sortir vos pères d’Égypte et les firent habiter dans ce lieu.
Mais ils oublièrent l’Éternel, leur Dieu ; et ils les vendit entre les mains de Sisera, chef de l’armée de Hatsor, entre les mains des Philistins, et entre les mains du roi de Moab, qui leur firent la guerre.
Ils crièrent encore à l’Éternel, et dirent : Nous avons péché, car nous avons abandonné l’Éternel, et nous avons servi les Baals et les Astartés ; délivre-nous maintenant de la main de nos ennemis, et nous te servirons.
Et l’Éternel envoya Jerubbaal, Bedan, Jephthé et Samuel, et il vous délivra de la main de vos ennemis qui vous entouraient, et vous demeurâtes en sécurité.
Puis, voyant que Nachasch, roi des fils d’Ammon, marchait contre vous, vous m’avez dit : Non ! mais un roi régnera sur nous. Et cependant l’Éternel, votre Dieu, était votre roi.
Voici donc le roi que vous avez choisi, que vous avez demandé ; voici, l’Éternel a mis sur vous un roi.
Si vous craignez l’Éternel, si vous le servez, si vous obéissez à sa voix, et si vous n’êtes point rebelles à la parole de l’Éternel, vous vous attacherez à l’Éternel, votre Dieu, vous et le roi qui règne sur vous.
Mais si vous n’obéissez pas à la voix de l’Éternel, et si vous êtes rebelles à la parole de l’Éternel, la main de l’Éternel sera contre vous, comme elle a été contre vos pères.
Attendez encore ici, et voyez le prodige que l’Éternel va opérer sous vos yeux.
Ne sommes-nous pas à la moisson des blés ? J’invoquerai l’Éternel, et il enverra du tonnerre et de la pluie. Sachez alors et voyez combien vous avez eu tort aux yeux de l’Éternel de demander pour vous un roi.
Samuel invoqua l’Éternel, et l’Éternel envoya ce même jour du tonnerre et de la pluie. Tout le peuple eut une grande crainte de l’Éternel et de Samuel.
Et tout le peuple dit à Samuel : Prie l’Éternel, ton Dieu, pour tes serviteurs, afin que nous ne mourions pas ; car nous avons ajouté à tous nos péchés le tort de demander pour nous un roi.
Samuel dit au peuple : N’ayez point de crainte ! Vous avez fait tout ce mal ; mais ne vous détournez pas de l’Éternel, et servez l’Éternel de tout votre coeur.
Ne vous en détournez pas ; sinon, vous iriez après des choses de néant, qui n’apportent ni profit ni délivrance, parce que ce sont des choses de néant.
L’Éternel n’abandonnera point son peuple, à cause de son grand nom, car l’Éternel a résolu de faire de vous son peuple.

Source Massorti

Analyse I :

Comme vous le savez, la paracha parle de la rébellion de Kora'h contre Moïse en tant que chef. Ce dernier essaie de raisonner Kora'h et déclare que lui, Moïse, n'attend du rôle qu'il a assumé ni gloire, ni richesse. Il en appelle au peuple et invite quiconque a été lésé par lui à s'avancer et à le déclarer hautement. Quand un homme recherche la puissance et la gloire, il n'a aucun souci des autres.

Mais Moïse, comme vous le savez, était le plus modeste des hommes.
Dans la Haftarah nous trouvons une situation semblable. Le peuple demandait un roi, car Samuel, le dernier des Juges, se faisait vieux. Celui-ci eût voulu voir le peuple uni sous le règne de D.ieu plutôt que d'un roi de chair et de sang. Néanmoins, puisque l'Éternel l'approuvait, il donna avec joie l'onction à Saül. Puis il invita les enfants d'Israël à Guilgal (où se trouvait alors le sanctuaire) afin qu'ils reconnaissent et confirment le nouveau roi.
Samuel profita de l'occasion pour dire adieu au peuple. Comme Moïse, il invita ceux qui éventuellement se considéraient lésés par lui en tant que chef à s'avancer et à proclamer leurs griefs. Puis il admonesta le peuple et l'avertit qu'il devait se conformer aux voies de la Torah et être fidèle à D.ieu.
Comme dans la paracha, nous trouvons dans la Haftarah une circonstance miraculeuse.
Le prophète fait éclater un violent orage dans un ciel bleu, en pleine saison de moisson, « et tout le peuple fut pénétré de la crainte de D.ieu et de Samuel. »
Il y a un autre point intéressant : Samuel descendait des enfants de Kora'h. Ces derniers s'étaient repentis à temps pour ne pas partager le sort de leur père. Ils furent les ancêtres du grand prophète et, plus tard, de beaucoup de Lévites honorés au Beth-Hamikdache.


Source Habad

Analyse II :

A la fin de la haftara (I Samuel 11, 14 à 12, 22), le prophète Samuel, après avoir fait taire ceux des enfants d'Israël qui le soupçonnaient, tout comme l'avaient fait Kora'h et ses sympathisants envers Moïse, de s'être enrichi dans ses fonctions, et après avoir obtenu du peuple son quitus, termine son testament spirituel sur une note d'espoir : « Car Hachem ne délaissera point Son peuple à cause de Son grand Nom, parce que Hachem s'est plu à faire de vous Son peuple » (12, 22).
Ce verset est à rapprocher d'un autre, qui lui ressemble beaucoup : « Car Hachem ne délaissera point Son peuple et n'abandonnera point son héritage » (Psaumes 94, 14).
Le Midrach Ruth rabba (2, 11) rapporte à ce sujet un enseignement de Rabbi Chemouel bar Na'hman : Il arrive que le Saint béni soit-Il sauve Israël afin de préserver Sa propre réputation, et il arrive aussi qu'Il le fasse pour le délivrer lui-même ainsi que son héritage.

A ce sujet, Rabbi Aybi a enseigné : Lorsque la conduite d' Israël est méritoire, Hachem le sauve pour lui-même, et lorsqu'elle ne l'est pas, Il le sauve à cause de Son grand Nom. Et les rabbins ont enseigné que Hachem sauve Son peuple, en Erets Yisraël , pour lui-même, tandis qu'Il le sauve en diaspora pour préserver Sa propre réputation, ainsi qu'il est écrit : « À cause de Moi-même, à cause de Moi-même, Je le ferai? » (Isaïe 48, 11).
Rav Baroukh ASCHLAG (1907-1991) rapproche cette confrontation des deux versets en question de l'interprétation que donne la Guemara ( Sanhédrin 98a) du verset :

« Le petit deviendra mille, et le moindre, une nation forte. Moi, Hachem , en son temps je le hâterai » (Isaïe 60, 22). Ce verset veut dire, explique Rabbi Alexanderi , que s'ils le méritent Hachem hâtera l'événement (c'est-à-dire l'ère messianique), et s'ils ne le méritent pas il n'arrivera qu'au temps qui lui a été fixé.
De la même manière, explique rav ASCHLAG, c'est « à cause de son grand Nom » que Hachem nous sauvera si notre conduite n'est pas méritoire, et c'est « pour Son peuple et son héritage » qu'il nous libérera si nous le méritons.

Par Jacques Kohn

Source Chiourim



Analyse III :

Il existe chez toute personne priant pour l’établissement de la royauté divine une certaine réticence envers toute forme de gouvernement.

Samuel demande à ce que le statut du roi soit renforcé: “Alors Samuel dit au peuple: “Venez, allons à Ghilgal, pour y consacrer de nouveau la royauté”” (Sam. I 11, 14). Il semble ainsi que Samuel se soit résolu à la volonté du peuple d’installer un roi à sa tête, malgré son désaccord la première fois que le peuple émit cette requête (id. 8, 6).
Pour cette raison, ses remontrances au peuple précisément au moment où il soutient Saul et l’appelle “élu de l’Eternel” (id. 12, 3) sont d’autant plus étonnantes.
Ses remontrances, accompagnées du miracle du tonnerre et de la pluie à la saison des récoltes, entraîne le peuple à déclarer: “pour avoir, à tous nos péchés, ajouté le tort de demander un roi!” (id. 12, 19).
Il semble que l’intention du prophète Samuel était d’établir la juste relation envers le pouvoir.
Il existe chez toute personne priant pour l’établissement de la royauté divine une certaine réticence envers toute forme de gouvernement.
Le Rabbi de Satmar, le rav Yoël Teitelbaum, exprima cette réticence avec ardeur, déclarant que toute entité gouvernementale, même religieuse, avant la venue du messie, était une rébellion contre la royauté divine.
Ses propos ne font certes pas législation (halakha) concernant l’Etat d’Israël, pour la raison simple que l’un des 613 commandements est l’établissement de l’Etat d’Israël (selon Nahmanide, dans ses ajouts au livre des commandements de Maïmonide, 4e commandement positif), ce n’est donc pas un pêché mais bien un commandement, mais son approche contient une étincelle de vérité. Cette étincelle est que nous avons le devoir de nous assurer que le gouvernement ne soit pas une barrière au dévoilement de la royauté divine, mais au contraire qu’il en soit le reflet.
A travers cet événement se précise également le rôle que doit tenir le prophète vis-à-vis du roi, à savoir: prier.
“Et tout le peuple dit à Samuel: “Intercède pour tes serviteurs auprès de l’Eternel, ton Dieu, afin que nous ne mourions pas” (id. 12, 19). La prière n’est pas perçue par le peuple comme une inspiration, uniquement comme l’expression de sentiments religieux. Elle est perçue comme une prérogative particulière du prophète.
Etant donné qu’il est celui qui connaît l’Eternel, c’est à lui qu’incombe la responsabilité d’intercéder envers Lui, et sa prière sera exaucée.
Cette approche diffère de l’enseignement religieux traditionnel, où le maitre incite ses élèves à participer avec lui à la prière. Le prophète Samuel comprend, quant à lui, qu’étant donné qu’il est le prophète, c’est précisément à lui de prier. Cette approche renforce le lien avec l’Eternel, particulièrement dans une société où le corps gouvernemental entrave le contact direct avec le divin.
Le prophète ne peut certes pas remplacer le roi, mais c’est par son mérite que la royauté peut exister.
La présence de prophètes dans le palais du roi est un élément régulateur qui permet d’équilibrer la voie du roi.
Même à une époque où la prophétie a quitté Israël, et même lorsque le corps gouvernemental était réduit aux responsables communautaires,  la Halakha établit qu’il est nécessaire que leurs décisions soient approuvées par une “personne importante” afin de leur donner une légitimité. Nous voyons là aussi que c’est l’autorité éthique qui fait vivre l’autorité politique.


Oury Cherki


Source NoahideWorldCenter