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lundi 3 février 2014

Aux frontières libanaise et syrienne, l’armée israélienne est sur le qui-vive


Les bouées sont alignées vers l'horizon, sur 5 kilomètres. Elles marquent la frontière maritime entre Israël et le Liban, dans le prolongement exact de la frontière terrestre, dont l'aboutissement à l'ouest est le point de contrôle de Rosh Hanikra. On distingue un patrouilleur de la marine israélienne chargé de faire respecter l'interdiction d'approcher à moins de 500 mètres des bouées.
 


La menace est réelle. Selon des sources américaines officielles citées par le Wall Street Journal du 2 janvier, le Hezbollah a réceptionné des composants de missiles russes antinavires Yakhont, en provenance de Syrie. Un haut responsable militaire israélien nous assure que le mouvement chiite libanais ne dispose pas encore de ces armes sophistiquées. Mais l'Etat juif a fait savoir que leur possession par le Hezbollah serait inacceptable. En juillet et octobre 2013, Israël a frappé des dépôts militaires situés sur l'aéroport de Lattaquié, au nord-ouest de la Syrie, pour y détruire des missiles Yakhont censés être transférés au Hezbollah. Selon la presse libanaise, l'armée de l'air israélienne a de nouveau attaqué Lattaquié le 26 janvier.
« Regardez, tout est calme, souligne le lieutenant-colonel Yogev Barsheshet, en désignant à la fois la mer vide et le territoire libanais, mais l'endroit peut devenir une zone de guerre en quelques secondes. » Le 15 décembre, un soldat israélien a été tué par un sniper de l'armée libanaise, non loin de là. Le 29 décembre, l'armée israélienne a répliqué par une salve d'obus au tir de quatre roquettes en direction de son territoire, et menacé le gouvernement libanais de représailles.

« LES COMBATTANTS DU HEZBOLLAH NOUS OBSERVENT »


Pour surveiller cette zone hautement sensible, l'officier israélien dispose d'une centaine d'hommes et de moyens d'observation électroniques. Au bout du check-point, une large grille permet d'entrer dans la zone-tampon contrôlée par la Force intérimaire des Nations unies (Finul), chargée de faire respecter la paix dans le sud du Liban depuis 1978. De part et d'autre de la position israélienne, un couloir miné d'environ quatre mètres de large longe la frontière.
Les militaires israéliens rencontrent trois fois par mois leurs homologues libanais, en présence des officiers de la Finul. Les Israéliens signalent aux Libanais tous les mouvements des combattants du Hezbollah, sans trop d'illusions : « L'armée libanaise veut que la frontière reste calme et, dans l'ensemble, elle fait son boulot, ajoute le lieutenant-colonel Barsheshet, mais je doute qu'elle ait une quelconque autorité sur le Hezbollah. »
« Quand nous voyons quatre “bergers” accompagnés de deux chèvres, à peu de distance de nos positions, nous savons ce qu'il en est : les combattants du Hezbollah nous observent », indique l'officier. Les soldats israéliens disent repérer régulièrement des camions qui déchargent nuitamment des cargaisons de roquettes dans les villages libanais. Le Hezbollah, a insisté, mercredi 29 janvier, le général Amir Eshel, chef d'état-major de l'armée de l'air, a installé des « milliers » de caches d'armes dans des villages. Israël devra les détruire lors d'un futur conflit, a-t-il ajouté, fusse au prix de pertes civiles importantes.
 
DE 1 500 À 3 500 COMBATTANTS DU HEZBOLLAH EN SYRIE 
A Tel-Aviv, le général israélien Yigal (nom d'emprunt) assure que le Hezbollah dispose de 100 000 roquettes dans les villages du Liban sud. « A terme, observe-t-il, nous devrons y pénétrer, et ce sera une “sale” guerre, parce que le Hezbollah utilise les civils comme boucliers humains. »
Le propos confirme l'analyse des chefs de l'armée israélienne : une nouvelle guerre au Liban est à terme inéluctable ; les victimes civiles seront nombreuses, notamment parce que Tsahal frappera vite et fort, afin d'écourter son engagement de l'autre côté de la « ligne bleue » (ligne de démarcation de juin 2000). Le souvenir de la deuxième guerre du Liban (2006), considérée comme un semi-échec stratégique, a laissé des traces.
Les experts israéliens estiment que, selon les périodes, entre 1 500 et 3 500 combattants du Hezbollah se battent aux côtés de l'armée du président Bachar Al-Assad. « Le Hezbollah dispose d'un vivier de 20 000 combattants et il acquiert une expérience militaire en combattant en Syrie », souligne le général Yigal. Tout en notant qu'« aucun des ennemis d'Israël n'a actuellement de motivation pour engager des hostilités contre nous », il ne sous-estime pas le risque de voir des groupes djihadistes rompre ce statu quo dans la zone du Golan.
 
PROLIFÉRATION DE DJIHADISTES DANS LE FRONT ANTI-ASSAD
 
La région connaît un calme précaire, parfois rompu par des tirs de mortiers ou de roquettes sur le territoire israélien, effets collatéraux des combats entre l'armée de Damas et les groupes rebelles. La prolifération des combattants djihadistes dans le front anti-Assad, qui partagent au moins une aversion contre l'« ennemi sioniste », inquiète le gouvernement israélien. Certains groupes proches d'Al-Qaida pourraient chercher à impliquer Israël dans le conflit, afin de déclencher un affrontement avec l'armée du président Assad.
Israël paraît considérer son maintien au pouvoir comme un moindre mal face aux groupes islamistes radicaux. « Si Assad survit, a dit le 29 janvier le général Benny Gantz, chef d'état-major de l'armée israélienne, il le devra à l'axe radical comprenant l'Iran et le Hezbollah. S'il échoue, ceux qui le remplaceront appartiendront au mouvement djihadiste global. » Deux scénarios également négatifs pour Israël.
Face à l'avenir incertain du Liban et de la Syrie, Israël vient d'annoncer la création d'une nouvelle division territoriale déployée sur le plateau du Golan

Source Le Monde