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vendredi 14 janvier 2022

Après la reprise des pourparlers, Téhéran se tourne vers Doha et Mascate


En effectuant une tournée dans le Golfe cette semaine, le ministre iranien des Affaires étrangères avait pour objectif de renforcer les relations bilatérales, alors que les discussions à Vienne progressent......Décryptage......

C’est une tournée régionale et internationale assez symptomatique de l’état d’esprit du moment à Téhéran. Le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian s’est rendu en début de semaine à Mascate, capitale du sultanat d’Oman, où il a rencontré son homologue omanais, Sayyed Badr al-Busaïdi ainsi que le vice-Premier ministre du sultanat, Sayyed Fahd ben Mahmoud al-Saïd. Un voyage qui s’est ensuite poursuivi au Qatar où il s’est entretenu avec l’émir cheikh Tamim ben Hamad al-Thani ainsi qu’avec le ministre des Affaires étrangères Mohammad ben Abdel Rahman al-Thani.
La démarche répondait à un objectif : le renforcement des relations bilatérales dans un contexte marqué par la reprise des pourparlers indirects entre Washington et Téhéran, dans le but de réactiver l’accord de Vienne sur le nucléaire de 2015, dont Donald Trump s’était retiré de manière unilatérale en 2018. 
Le chef de la diplomatie omanaise a souligné à cet égard l’importance de ces négociations pour « assurer la sécurité et la stabilité » régionales. Une position de médiation fidèle à la politique de neutralité du sultanat vis-à-vis de tous les États de la région, qu’il s’agisse de la République islamique ou de l’Arabie saoudite, à couteaux tirés depuis de nombreuses années. 
Les deux grands régionaux avaient d’ailleurs rompu leurs relations en janvier 2016 après le saccage de l’ambassade et du consulat saoudiens en Iran par des manifestants en colère, dans le sillage de l’exécution à Riyad du cheikh chiite Nimr al-Nimr.
« Oman a toujours été le principal intermédiaire entre ces parties. Il a également été l’hôte des pourparlers qui ont conduit aux percées du JCPOA entre Washington et Téhéran en 2015-2016 », rappelle Hussein Ibish, chercheur à l’Arab Gulf States Institute à Washington. 
« Il ne menace pas les intérêts nationaux des autres pays du Golfe comme le Qatar le faisait auparavant. En tant que médiateur, il donne au Conseil de coopération du Golfe (CCG) un siège à la table et une contribution directe aux discussions vitales dont ils seraient sinon exclus. »

Messages

De son côté, le Qatar est partisan d’une résurrection du plan d’action global commun (JCPOA), tout en étant critique des activités régionales de Téhéran. Une position d’entre-deux qu’il a réitérée lors d’une réunion du CCG en décembre, appelant au dialogue avec la République islamique. 
En janvier 2021, Doha s’était réconcilié avec Riyad et ses trois alliés – les Émirats arabes unis (EAU), l’Égypte et Bahreïn – après plus de trois années de rupture diplomatique, le premier ayant été accusé par les seconds de soutenir des groupes islamistes liés aux Frères musulmans ou d’être trop proche de leurs bêtes noires, Téhéran et Ankara. 
En filigrane de ces visites, Téhéran envoie plusieurs messages à destination de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis. Il s’agit pour l’Iran de réaffirmer les relations entre la République islamique et les pays du Golfe avec lesquels il entretient de bonnes relations, d’autant que Mascate peut jouer un rôle favorable dans l’apaisement des tensions entre Téhéran et Riyad. 
« L’Iran est impatient d’explorer de meilleures relations avec les pays du Golfe avec lesquels il est en bons termes, peut-être pour qu’ils l’aident à rétablir des relations diplomatiques avec l’Arabie saoudite sans pour autant changer sa politique (régionale, NDLR) », note Hussein Ibish. 
Une initiative à mettre sur le compte de plusieurs facteurs dont le fait que Riyad est avec Israël l’un des proches alliés régionaux de Washington. Et comme l’État hébreu, il défend la perspective d’un JCPOA plus restrictif qu’en 2015 et s’inquiète du programme balistique et du réseau milicien régional iraniens. Deux points sur lesquels Téhéran n’est pas prêt au compromis. 
Or début novembre, comme pour prouver sa transparence et sa volonté sincère d’aboutir à un accord, M. Amir-Abdollahian a souligné au cours d’une interview être favorable à ce que Riyad soit informé de tous les détails relatifs aux pourparlers, ajoutant avoir demandé à son homologue omanais d’informer les autres pays de la région du Golfe. 
Le journaliste Hazem Kallass – chef du bureau de Téhéran pour la télévision al-Araby – rapporte que M. Amir-Abdollahian a clos sa tournée en déclarant : « Nos voisins ont le droit d’être informés de ce qui se passe entre l’Iran et le groupe 4+1. 
Nous devons les tenir au courant des négociations et bénéficier de leurs conseils », ajoutant qu’il existe « des parties qui essayent de communiquer des informations incorrectes à certains de nos voisins au sujet des pourparlers de Vienne, ce qui les inquiète ».

Rivalités

Ces voyages récents du ministre iranien des Affaires étrangères doivent être complétés cette semaine par une visite en Chine visant à discuter de l’accord de coopération stratégique et commerciale sur vingt-cinq ans, signé par les deux pays en mars 2021. 
Depuis que Donald Trump a torpillé l’accord de Vienne et qu’il a réimposé – avant de les renforcer – des sanctions contre Téhéran, la République islamique isolée s’est rapprochée de la Chine qui est, de très loin, son premier partenaire commercial. En 2019-2020, elle représentait près de 24,8 % des échanges, devant Abou Dhabi (15,8 %), la Turquie (11,8 %) et l’Irak (10,5 %). Depuis le retrait de Washington du JCPOA, Pékin s’est approvisionné de manière croissante en pétrole iranien, en violation des mesures punitives américaines. 
Partie prenante aux pourparlers sur le nucléaire, la Chine est en faveur de la réactivation du JCPOA mais veut dans le même temps préserver le front anti-américain. 
Pour Téhéran, le déplacement prévu en Chine est celui qui concentre les enjeux les plus significatifs, puisqu’il vise également à contrecarrer le développement de liens commerciaux entre ses rivaux du Golfe et son allié chinois.
« L’année dernière, il pensait clairement qu’il avait développé une relation stratégique mûre avec Pékin, à savoir un avantage concurrentiel énorme et croissant sur ses rivaux arabes du Golfe. 
Or des pays comme les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite se sont rapidement employés à établir des liens plus étroits afin que l’Iran ne bénéficie pas d’une relation exclusive avec cette puissance mondiale et potentiellement régionale en herbe », décrypte Hussein Ibish. 
« Ils ont trouvé la Chine très réceptive car les Chinois ont un intérêt marqué pour des relations commerciales et diplomatiques étroites avec toutes les principales parties de la région du Golfe. 
Si cela a agacé les États-Unis, cela a vraiment alarmé l’Iran, de sorte que le moment choisi pour ce voyage fait partie d’une tentative urgente de Téhéran pour tenter de défendre cet avantage concurrentiel. »


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