La dernière décennie a vu la cote des séries israéliennes exploser à l’international, dans leur version originale ou dans leur remake. Mais pourquoi tant de succès ?.......Détails et VIdéos........
Cette année, au festival lillois Séries Mania, deux séries étaient révélées aux professionnels : Just for Today et Asylum City, après le sacre de On the Spectrum, grand prix du jury en 2018.
Ce n’était guère étonnant : créée par Dana Idisis et Yuval Shafferman, l’histoire de ces trois colocs autistes était aussi originale que drôle… Sa force ? Le frère de Dana Idisis est autiste, et elle sait de quoi elle parle, sans laisser le pathos envahir le terrain de jeux.
Pour sa seconde édition, Canneseries a remis le prix d’interprétation au comédien israélien Reshef Levi pour la série qu’il co-écrit également, Nehama, bientôt diffusée sur Canal +.
Le pitch ? Un homme qui perd sa femme dans un accident de voiture et décide de tout remettre en question. Le traitement, lui, est d’un singulier tragi-comique.
La singularité est d’ailleurs ce qui fait le sel des productions israéliennes depuis ses débuts. Même s’il y a eu un avant et un après Hatufim, qui a connu la gloire grâce à son remake américain, Homeland.
D’après Alexandre Piel, directeur adjoint de l’unité fiction d’Arte France, « la finesse d’écriture de cette série témoigne du talent énorme des israéliens à traiter des sujets lourds, sur la société ou les guerres.
Le sentiment d’urgence de ce pays en crise permanente se révèle dans ses scénarios, même si la qualité de réalisation et de production peut parfois être médiocre ».
En effet, les décors peuvent cruellement manquer de variété, comme les costumes. Sauf que ce handicap se transforme en atout lorsqu’il s’agit de cultiver un enjeu narratif. Ce que confirme Danna Stern, directrice des studios israéliens Yes :
« Les productions télévisuelles sont réglementées et nous devons y consacrer du temps et de l’argent, ce qui justifie le foisonnement de nos formats ! Mais les budgets faibles poussent à la créativité.
Si les scènes d’action ne peuvent pas être à la hauteur, on creusera plus encore la psychologie des personnages. Lorsque je discute avec mes homologues américains ou européens, ils me disent tous la même chose : nos personnages sont très fouillés, attachants…
Ça vient aussi sans doute du fait qu’Israël est une nation uniquement composée de migrants, de tous pays, et que nous avons l’habitude de raconter des histoires… » Et avec humour, s’il vous plaît. Il n’est jamais absent, même des thématiques les plus graves.
Pas de douzaine de screenwriters chez les israéliens, dont le scénario est écrit à deux ou quatre mains, très rarement six – c’est le cas de Fauda, dernier coup d’éclat de Netflix made in Israël (qui a fait l’objet d’un article dans notre numéro de mai), imaginée par deux anciens membres des forces spéciales de l’armée israélienne.
De quoi conférer du vécu à un script, et générer une véritable intensité narrative et affective. Forts de ce constat, les talents israéliens s’exportent beaucoup plus qu’auparavant. Aux Etats-Unis, pas moins d’une dizaine de formats sont dans les starting blocks.
C’est à Hollywood que s’est installé le créateur d’Hatufim, Gideon Raff, qui a gardé un œil sur Homeland tout en lançant Tyrant et Dig. En France, tandis qu’une co-production est en cours chez Canal +, Arte planche actuellement sur plusieurs projets.
D’abord, une série qui promet beaucoup : L’agent immobilier, avec le génial écrivain Etgar Keret à l’écriture et à la coréalisation, tournée en français, avec Mathieu Amalric.
Il y a aussi un projet avec les auteurs de False Flag (diffusée sur Canal +) et une adaptation de BeTipul, créée en 2005 par Hagai Levi (The Affair).
Reprise dans plus d’une quinzaine de pays, cette série raconte les séances d’un psy avec ses patients et a rencontré, chez la HBO sous le nom de In Treatment, un fort engouement outre-Atlantique.
Sa version hexagonale va bénéficier de la réalisation du duo Toledano-Nakache.
Désormais, un projet n’a pas besoin d’apparaître sur les écrans israéliens pour soulever l’attention des acheteurs à l’international : « Ils savent que l’on dispose d’une grande variété de shows, des séries aux documentaires en passant par des programmes pour enfants. Nous avons de plus en plus de demandes d’adaptation, ou même de diffusion en V.O., ce qui prouve que nous avons gagné la confiance du marché. » Un marché qui, comme le rappelle Alexandre Piel, n’est pas forcément facile à appréhender : « il subit un énorme bouleversement avec les plateformes qui ont un appétit d’ogre (Netflix, etc.). Les Israéliens vont-ils répondre à leurs sirènes ? En tant qu’acheteur et co-producteur, on observe une globalisation du marché, plus de fadeur sur les projets proposés. Il faut donc aller chercher ceux qui ont une certaine vision, qui osent des propositions décalées… et c’est ce qu’on trouve chez les Israéliens, territoire où la frontière entre le monde de la télé et celui du cinéma est perméable. » Ce refus des contraintes génériques, dues à une économie réduite et à un industrie précaire, fait que les acteurs du secteurs doivent davantage faire leur preuve, et apprennent à travailler sur les deux terrains, du petit au grand écran.
Quant aux prochaines séries sur lesquelles il faut miser, on peut tabler sur Magpie : « elle se situe entre le drame familial et le polar, joue beaucoup sur les silences, et pas que », résume Danna Stern. Il y a aussi Just for Today, jugée très prometteuse par Alexandre Piel, et Asylum City, notre coup de cœur. Ecrite par Uzi Weil et réalisée par Eitan Zur, elle part du meurtre de Michal, activiste qui se bat avec ferveur pour les droits des migrants, encerclés par une justice aveugle et une mafia assoiffée. Si un remake semble très accessible dans n’importe quel pays, l’original peut largement se suffire à lui-même. Faire réfléchir tout en respectant la grande loi de l’entertainment : si elle ne s’essouffle pas et préserve son inspiration prolifique, cette stratégie devrait faire d’Israël l’un des pays les mieux placés sur la carte de l’audiovisuel des temps à venir.
Source Rollingstone
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