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lundi 13 août 2018

Le texte de Benoît XVI sur l’Église et les Juifs « ne manquera pas de susciter des réactions »


Le père Luc Forestier, directeur de l’Institut supérieur d’études œcuméniques au Theologicum de l’Institut catholique de Paris, explique les enjeux théologiques d’un article signé par Joseph Ratzinger-Benoît XVI dans l’édition allemande de la revue Communio.......Interview........


La Croix : Quelles questions la publication d’un article signé par Joseph Ratzinger-Benoît XVI dans l’édition allemande de la revue Communio soulève-t-elle selon vous ?
Père Luc Forestier : La première question est de savoir qui parle : le théologien ou le pape ? La signature ne permet pas de trancher.
Jusqu’à présent, comme pape émérite, Benoît XVI avait gardé une extrême réserve et pris soin de ne jamais mettre en difficulté son successeur.
Pourquoi accepter maintenant de publier un article – sans que l’on sache si le pape François était au courant –, et pourquoi sur ce sujet ?
Certains risquent de penser que Joseph Ratzinger dit là des choses qu’il n’a pas pu dire lorsqu’il était pape…

Quel est l’apport théologique de ce texte ?
P. L. F. : Le pape émérite retient essentiellement deux thèmes du texte publié en 2015 – pour le 50e anniversaire de Nostra Aetate – par la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme, qui était déjà lui-même une relecture des cinquante années de réception de la déclaration du concile Vatican II : le refus de la théologie de la substitution, et la non-révocation de la première alliance.
Il affirme que ces deux affirmations sont « fondamentalement correctes » mais qu’elles sont « imprécises » et qu’elles nécessitent « une évaluation critique plus poussée » (müssen kritisch weiter bedacht werden). Il ne remet pas en cause le travail de la commission ; je dirais plutôt qu’il prend une forme de distance critique – au sens intellectuel du terme – vis-à-vis de lui.
D’une certaine manière, il poursuit sa réflexion de théologien. Et, comme lors de sa conférence donnée à Ratisbonne sur foi et raison, son propos est très nuancé.
Mais, comme à Ratisbonne où il avait – incidemment – évoqué le rapport de l’islam à la violence, le sujet est tellement polémique qu’il ne va pas manquer de susciter des réactions.

Quelle est sa position concernant la théologie de la substitution ?
P. L.F. : La théologie de la substitution consiste à affirmer que l’Église a remplacé Israël.
Du point de vue du pape, elle n’existe pas en tant que position théologique structurée et il en veut pour preuve, notamment, les écrits de saint Augustin reconnaissant l’apport d’Israël dans la révélation à travers les Écritures (ce que nous appelons l’Ancien Testament).
Je trouve son affirmation discutable car je pense qu’il n’examine pas toutes les pièces du dossier.
Car Augustin considérait aussi que l’existence diasporique du peuple juif prouve qu’il a tort et que nous, chrétiens, avons raison !
Selon moi, cette théologie de la substitution – symbolisée par les deux statues de la cathédrale de Strasbourg représentant l’Église catholique sous les traits d’une belle jeune femme et le peuple juif sous la forme d’une vieille femme les yeux bandés – a structuré notre imaginaire pendant des siècles.

De quelle manière Joseph Ratzinger-Benoît XVI aborde-t-il le thème délicat de l’ancienne et de la nouvelle alliance ?
P. L. F. : La formule qui figure à ce sujet dans le Catéchisme de l’Église catholique, qui est celle de Jean-Paul II à Mayence en Allemagne en 1980, décrit le dialogue entre juifs et catholiques comme une « rencontre entre le peuple de Dieu de l’ancienne alliance, jamais révoquée par Dieu, et le peuple de Dieu de la nouvelle alliance ».
Le pape François l’a d’ailleurs reprise dans son encyclique Evangelii gaudium (n° 247).
Pour Joseph Ratzinger-Benoît XVI, cette formule a été utile à une époque et correspondait à une étape du dialogue mais elle ne peut décrire à elle seule l’ampleur de la réalité, ce qui exige des « précisions » (Präzisierungen) et des « approfondissements » (Vertiefungen).
De fait, le débat théologique existe, et tout approfondissement est utile et nécessaire. Le problème, encore une fois, est de savoir si c’est le théologien qui s’exprime ou le pape émérite.
Cette intervention va-t-elle enrichir le dialogue entre juifs et catholiques, ou le compliquer ?

Recueilli par Anne-Bénédicte Hoffner


Source La Croix
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