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lundi 13 août 2018

Il était temps : jugé “dégénéré” par les nazis, l’art de Jussuf Abbo sort enfin de l’oubli


Repéré par le MoMa et le British Museum durant l’entre-deux-guerres, le sculpteur et peintre juif de terre Sainte, installé en Allemagne, avait totalement disparu des radars après l’arrivée des nazis au pouvoir. L’intérêt d’un artiste libanais offre aujourd’hui à ses œuvres une exposition méritée......Détails........


Le téléphone arabe a du bon. Il a par exemple permis à l’artiste libanais Mohamed Said Baalbaki (44 ans) de sortir de l’oubli le travail du sculpteur et peintre juif originaire de Terre Sainte, Jussuf Abbo (1890-1953), comme le révélait en juillet dernier un article du Quotidien de l’art.

Une œuvre qui avait tout bonnement été effacée par la force parfois dévastatrice de l'Histoire, à l'orée de la Seconde guerre mondiale.

Portrait d’une femme, aquarelle par Jussuf Abbo. Années 1920. 23x15 cm.

Abbo, né en 1890 à Safed (ville sous domination ottomane, aujourd’hui située en territoire israélien), avait tout pour réussir : le talent, l’audace, et la notoriété.
Repéré par un architecte allemand alors qu'il travaille comme ouvrier sur un chantier de restauration, il débarque en 1911 à Berlin et intègre les Beaux-Arts deux ans plus tard.
Tout au long des années vingt, d'illustres institutions (dont la galerie Ferdinand Möller) vont s'intéresser à cet artiste aux accents expressionnistes, capable de « donner un merveilleux souffle à la pierre » selon la poétesse juive allemande Else Lasker-Schüler (1869-1945) qu’il a plusieurs fois portraiturée, et l'exposent aux côtés des grands expressionnistes d’alors, Kirchner, Munch ou Van Gogh... De quoi ravir les riches mécènes qui louent l'exotisme de son art – Abbo poussa l'excentricité jusqu'à vivre, un temps, sous une tente bédouine installée dans son atelier berlinois – et enthousiasmer de prestigieux musées, tels le MoMa ou le British Museum.

Tête d’homme en céramique par Jussuf Abbo. Années 1920.

L’arrivée des nazis signera sa disparition. Son art, désormais qualifié de « dégénéré », est confisqué.
On retire ses peintures et dessins des musées avant de les détruire, et certaines de ses sculptures sont fondues.
Lui-même est contraint de fuir l'Allemagne en 1935, aidé d’un faux passeport égyptien, emmenant avec lui femme et enfants. Réfugié en Angleterre, il se retrouve artiste sans œuvres – uniquement entouré des rares pièces emportées avec lui, principalement des sculptures en terre cuite.
Sa réputation, établie en dehors d’Allemagne, lui permet de réaliser quelques commandes, dont un buste de George Lansbury, l’un des leaders du Parti travailliste.
Contraint de renoncer à son art faute de pouvoir en vivre, Abbo sombre dans la dépression et la pauvreté, obligé d’effectuer de menus travaux peu qualifiés pour subsister.
Il mourra de maladie, avant d’être définitivement oublié.

Autoportrait, lithographie par Jussuf Abbo. 1925

Jusqu’à ce que Mohamed Said Baalbaki, installé à Berlin, entende un jour parler de lui.
D’abord par un ami, puis lors d’une vente aux enchères à Leipzig, en 2014, où il découvre et achète trois gravures de Abbo.
Baalbaki entame alors un minutieux travail de recherches, collectant tout ce qu’il trouve sur l’artiste disparu : des dizaines de dessins et lithographies, achetés parfois sur eBay, jusqu’à une sculpture en bronze repérée dans le catalogue d’une galerie allemande…
La cinquantaine de pièces, d’une finesse évidente, soulignent l’intérêt d’Abbo pour la représentation du corps (surtout féminin) et l’accent mis sur la posture et l’attitude.
Et l’exposition, intitulée Jussuf Abbo. Le sculpteur dans une tente bédouine, s’est tenue au printemps dernier à la Agial Art Gallery de Beyrouth. Le début d’une reconnaissance internationale ?

Source Telerama
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