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mardi 25 octobre 2016

Uri Zohar, LE cinéaste israélien culte des sixties ressuscité sur les écrans français



Uri Zohar, 3 regards, une rétrospective à découvrir en salles le 26 octobre. La Cinémathèque française a rendu hommage en 2012 à Uri Zohar, cet extraordinaire cinéaste israélien qui n’avait encore jamais été distribué en France....







Le distributeur Malavida répare cette injuste absence en donnant la chance au public français de découvrir, dans de magnifiques copies restaurées, Trois jours et un enfant, Les Voyeurs et Les Yeux plus gros que le ventre, trois films ravageurs d’Uri Zohar, le chantre de la bohème de Tel-Aviv.
Figure iconique et controversée dans son pays, le réalisateur israélien s’est fait remarquer à la Semaine de la Critique à Cannes avec Un trou dans la lune (1964) qui a bouleversé le paysage cinématographique et lancé le courant de la Nouvelle Sensibilité israélienne.
Uri Zohar est ensuite consacré à Cannes en 1967 pour Trois jours et un enfant en décrochant le Prix d’interprétation masculine pour la performance d’Oded Kotler. Cet enfant terrible et irrévérencieux a littéralement inventé le cinéma israélien moderne, mais aussi rencontré d’énormes succès publics via des comédies aujourd’hui devenues cultes pour, au milieu des années 70, tourner le dos au cinéma et devenir rabbin ultra-orthodoxe, aux antipodes de la liberté de son cinéma… Une fascinante redécouverte.
 
Uri Zohar, l’orthodoxe
  
« Si vous marchez dans le quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem et que vous croisez un rabbin à l’œil vif et la haute stature, l’air heureux, ce sera sans doute lui. Uri Zohar, l’enfant terrible et décadent, le rebelle, l’irrévérencieux, le perpétuel mécontent du cinéma israélien, a enfin trouvé sa voie et tiré sa révérence au monde profane pour entrer dans la lumière.
Au fil du temps, Uri Zohar est devenu un mythe dans le pays, vénéré par les cinéphiles : Trois jours et un enfant (1967) inscrit Uri Zohar dans la modernité cinématographique.
À mi-chemin entre Godard et Resnais, ce film vaudra à Oded Kotler le Prix d’interprétation masculine à Cannes ; il raconte l’errance d’un homme et de l’enfant d’une femme qu’il a aimée, dans une Jérusalem encore en friche. Ambiguïté : cet enfant n’est-il pas le sien ? Un des films d’Uri Zohar le plus proche de la Nouvelle vague. 
Les Voyeurs (1972) est un film culte en Israël, pour son jargon et sa représentation du mode de vie laïque et hédoniste, personnifiée par Uri Zohar et d’autres figures artistiques et littéraires de l’époque. Ses films Les Yeux plus gros que le ventre (1974) et Sauvez le maître nageur (1977) sont considérés comme des comédies dites « balnéaires », très différentes d’Un trou dans la lune (1964) et de Take off (1970), sérieux et pleins d’interrogations.
Selon Ariel Schweitzer, Uri Zohar est celui qui a su le mieux intégrer dans son œuvre les influences du cinéma d’auteur européen mais, paradoxalement, il ne filme pas une ville européenne mais bien israélienne, méditerranéenne, bordant la mer et inondée de soleil.
Uri Zohar aura traversé tous les genres, et a même réalisé un film de guerre : Chaque bâtard est un roi (1967), l’une des plus grosses productions de l’histoire du cinéma israélien. Une rétrospective, sous la direction d’Ariel Schweitzer, lui a été consacrée à la cinémathèque de Paris en octobre 2012 ».
 
Uri Zohar, chef de file du cinéma de la Nouvelle Sensibilité
 
« Son premier long-métrage, Un trou dans la lune (1964) bouleverse véritablement le paysage cinématographique israélien. D’une grande radicalité formelle, cette œuvre autoréflexive, qui décrit le tournage d’un film sioniste dans le désert du Néguev, est le premier film israélien qui critique d’une manière directe, sous forme de parodie, le sionisme et son devenir bureaucratique dans l’Israël des années 60.
Un trou dans la lune est la pierre inaugurale de la Nouvelle Sensibilité, un courant de cinéma d’auteur largement influencé par le cinéma moderne européen des années 60-70, notamment par la Nouvelle Vague, et dont Uri Zohar était le chef de file.
La plupart des cinéastes de ce courant n’ont réalisé guère plus d’un film ou deux dans les années 60-70, dont la majorité furent des échecs commerciaux. En revanche, Uri Zohar parvient, à la même époque, à réaliser une dizaine de films. Il est l’un des rares cinéastes de la Nouvelle Sensibilité à avoir réalisé des films commerciaux, des comédies populaires, comme Notre quartier (1968), grand succès commercial qui lui a permis, par la suite, de financer des projets plus personnels, des films dits d’auteurs. Uri Zohar a traversé tous les genres du cinéma israélien.
Il a réalisé un film de guerre, Chaque bâtard est un roi (1967), l’une des plus grosses productions de l’histoire du cinéma israélien, ainsi qu’une série d’émissions humoristiques pour la télévision, Le Poulailler (1968-1971, 1988 pour la version cinématographique) devenues au fil des années des classiques de la culture israélienne ».
  
La Trilogie de la plage, reflet de la bohème tel-avivienne
 
« Au début des années 70, le cinéma d’Uri Zohar évolue en procédant à une synthèse réussie entre un cinéma d’auteur et un cinéma plus populaire. Dans Le Coq (1971) et notamment dans sa Trilogie de la plage – Les Voyeurs (1972), Les Yeux plus gros que le ventre (1974) et Sauvez le maître nageur (1976) – il élabore une sorte d’autobiographie fictionnelle.
Ces films sont perçus aujourd’hui comme un miroir tragique, prémonitoire, de la vie de son réalisateur (qui y joue également les premiers rôles) et de toute une génération bohème, post-sioniste, qui a trouvé son modèle en la personne d’Uri Zohar.
C’est une critique frontale de la virilité et du machisme israéliens, une vision terrible d’une masculinité incapable de fonctionner en dehors de l’armée ou de tout autre groupe masculin de substitution. Le désarroi que l’on ressent dans Les Voyeurs ou Les Yeux plus gros que le ventre se rattache ainsi à un certain vide collectif de la société israélienne, une société en quête d’identité, qui a perdu ses points de repère après l’effondrement du système de valeur sioniste-socialiste dominant des années 50 et au début des années 60.
Uri Zohar a su mieux qu’aucun autre cinéaste israélien de l’époque dessiner une géographie spécifiquement israélienne, méditerranéenne, tel-avivienne. Alors que les cinéastes de la Nouvelle Sensibilité ont souvent été accusés par la critique israélienne de fuir la réalité de leur pays et de reproduire dans leurs films une réalité plus européenne qu’israélienne, le cinéma d’Uri Zohar explore et célèbre la plage inondée de soleil, la promenade du bord de mer, comme l’espace vital des tel-aviviens ».
Ariel Schweitzer, textes pour la Cinémathèque française (extraits).
 
Séances événements :
 
Ariel Schweitzer, spécialiste du cinéma israélien et critique aux Cahiers du cinéma, ainsi que l’équipe de Malavida, présenteront les 3 films de cette superbe  rétrospective, suivis d’une discussion avec le public et d’un verre, lors des séances suivantes :
Les Yeux plus gros que le ventre, mardi 25 octobre à 20h à L’Archipel (Paris 10ème)
 (Israël – 1974 – 75’ – N&B)

Trois jours et un enfant, mercredi 26 octobre à 20h au Luminor (Paris 4ème)
 Israël – 1967 – 90’ – N&B)

Les Voyeurs, jeudi 27 octobre à 20h au Lucernaire (Paris 6ème)
 Israël – 1972 – 90’ – Couleur)

Cette rétrospective sera suivie d’une 2ème vague de films d’Uri Zohar en 2018.


Source JewPop