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lundi 18 janvier 2016

Analyse : le partenariat indo-israélien sort de l’ombre



La ministre indienne des Affaires étrangères, Sushma Swaraj, effectue une visite officielle en Israël cette semaine, la troisième visite de hauts présentants indiens dans le pays en moins de deux ans, illustrant ainsi l’élargissement de la coopération entre l’Inde et l’Etat hébreu. C’est la première visite de la ministre en Israël depuis son entrée en fonction, il y a environ 18 mois...



Mais Israël n’est pas étranger à Swaraj. Elle a été présidente du Groupe d’amitié parlementaire Inde-Israël et elle a déjà visité le pays. Elle a également rencontré des responsables israéliens de manière informelle lors d’événements multilatéraux.
Il est important de noter que c’est la troisième fois qu’une membre du gouvernement de Narendra Modi, arrivé au pouvoir en 2014, se rend en Israël. Sushma Swaraj a été précédée par le ministre indien de l’Intérieur, Rajnath Singh en 2014 et par le président, Pranab Mukherjee, l’année dernière. Côté israélien, l’ancien ministre de l’Agriculture, Yair Shamir, et le ministre de la Défense, Moshe Ya’alon (les deux domaines prioritaires de leurs relations bilatérales) se sont également rendus en Inde.
La visite de la ministre vise également à préparer le terrain pour celle du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, en Inde plus tard cette année et celle du Premier ministre indien en Israël.
Les efforts de l’Inde pour se rapprocher d’Israël s’inscrivent dans sa volonté de s’impliquer davantage au Moyen-Orient, ou en « Asie de l’Ouest », comme les Indiens l’appellent. De manière plus large, cela fait partie de l’approche « multi-alignement », qui préconise une politique de la main tendue à toutes les grandes puissances.
Swaraj est déjà allée dans un certain nombre de pays arabes tandis que les principaux ministres indiens se sont rendus en Iran. Le président Modi est pour sa part allée en Turquie, après une visite réussie aux Emirats arabes unis.
Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, « les relations entre l’Inde et Israël font partie de son engagement global dans la région de l’Asie de l’Ouest et sont indépendantes de ses relations avec les autres pays dans la région ».
« Il est grand temps que l’Inde cesse de s’inquiéter chaque fois qu’elle traite avec Israël », a déclaré le Dr C. Raja Mohan, analyste et directeur fondateur en Inde de la Fondation Carnegie pour la paix internationale. « C’est ce que le gouvernement Modi fait: il met un terme à la discrétion qui prévalait dans leur relation dans le passé ».
La relation entre l’Inde et Israël a toujours été marquée par une tendance au secret, une politique que les gouvernements précédents étaient enclins à maintenir.
Même si les relations bilatérales se sont développées à pas de géant à partir du moment où des relations diplomatiques complètes ont été établies en 1992, le gouvernement indien a continuer à faire profil bas.
Seule la politique intérieure peut expliquer cela, puisque toutes les grandes puissances, dont la Chine et la Russie, avaient de solides relations avec Israël et le monde arabe.
De manière générale, l’Inde a toujours maintenu des relations minimales avec les pays du Moyen-Orient, en dépit de l’importance stratégique considérable de la région.
Le Dr Mohan souligne que lors de ses dix années au pouvoir, le prédécesseur de Modi, Manmohan Singh, a visité la région seulement cinq fois, dont deux fois pour les sommets du groupe des pays non alignés.
Les Indiens comprennent maintenant qu’Israël constitue un pilier majeur du rayonnement régional de leur pays, tout comme l’Iran et les pays du Conseil de coopération du Golfe le sont, et qu’il est central dans la stratégie militaire et de défense de l’Inde.
En outre, les changements géopolitiques ont permis aux relations avec Israël de ne plus être tributaires de l’approbation arabe.
« Travailler avec Israël est essentiel à la stratégie indienne de lutte contre le terrorisme. C’est encore plus important aujourd’hui, étant donné que l’Inde est ciblée par le groupe Etat islamique.
Le renseignement israélien sur les groupes terroristes du Moyen-Orient est comparable à nul autre. C’est une question existentielle pour Tel-Aviv », explique le Maj. Gen. (retraité) Dipankar Banerjee, analyste stratégique pour le think tank indépendant Forum for Strategic Initiatives.
L’attentat terroriste récent contre une base de l’armée de l’air indienne dans l’État du Pendjab a prouvé encore une fois que, même si l’Inde est bien préparée pour mener des guerres conventionnelles, elle manque encore de compétences en combat urbain et dans la lutte contre le terrorisme transfrontalier – deux domaines dans lesquels Israël a réalisé des prouesses significatives.
« Nous coopérons de manière substantielle en matière de défense avec Israël dans plusieurs domaines, qui ne peuvent être divulgués ouvertement », ajoute Banerjee.
Une illustration de cette coopération: la marine indienne a récemment mené un essai réussi du système de défense antimissile Barak 8, développé conjointement avec Israël. Le ministère indien de la Défense a salué cette réussite, la qualifiant de “bond quantique des capacités de défense aérienne » de son pays.
Et avec le chaos actuel dans la région, comprise entre l’Inde et la Méditerranée, il est difficile de ne ne pas reconnaître que les deux pays se distinguent comme des îlots de (quoique imparfaite) démocratie, de stabilité interne et de centres de connaissances. La Défense et la lutte contre le terrorisme ne sont qu’un aspect des relations bilatérales. L’agriculture est aussi devenue un domaine important de leur coopération.
Ainsi, alors que Swaraj se rendra d’abord au siège de l’Autorité palestinienne pour marquer l’engagement de l’Inde envers les Palestiniens, peu de gens refusent de reconnaître que l’approfondissement des liens avec Israël est dans l’intérêt national de l’Inde.


Source JerusalemPlus