Pages

mardi 22 décembre 2015

Frère Marc reconnu Juste parmi les Nations




En 1943, il ne se pose pas la question, ces enfants sont persécutés, il les cache », raconte Yves Perier-Muzet, frère de la Sainte Famille, lequel a mené deux années d’enquête pour que le nom de Frère Marc soit un jour gravé sur le mémorial de Yad Vashem à Jérusalem pour avoir sauvé quatre enfants juifs des persécutions nazies...



Des mois de recherche pour « qu’un jour cet acte courageux soit reconnu ». Le 15 mars dernier, la nouvelle tombait : le titre de Juste parmi les nations* était décerné par l’institut Yad Vashem au frère Marc, « pour avoir aidé à ses risques et périls des Juifs pourchassés pendant la Shoah. »
Et le 26 novembre prochain, le religieux de la Sainte famille décédé en 1999, qui aurait 103 ans aujourd’hui, recevra la médaille frappée en Israël et le diplôme des Justes à Dagneux pour avoir participé à l’Histoire.


Enquête


L’histoire, Yves Perier-Muzet la connaît lui, de la bouche même de frère Marc, avec qui il a vécu longtemps et dont il a écrit la biographie à sa mort, « il était discret alors je lui en faisais parler », mais il n’en a aucune trace matérielle.
Alors fin 2011, l’heure de la retraite a sonné, il décide de les rechercher, « je me transforme en Scherlock Holmes, sourit-il, car faire reconnaître quelqu’un, c’est le parcours du combattant, il fallait trouver un témoin direct ». Autrement dit un des enfants.
Il sait qu’en 1943, alors que frère Marc a pris la direction du pensionnat Saint Bruno à Dagneux, des réseaux lui confie quatre enfants juifs. Le Juste les accueille et change leur nom, « mais je savais qu’il y avait parmi eux deux frères qui s’appelaient Dreyfus à qui il avait donné le nom d’un frère dont il était très proche :
Mercier. Frère Marc lui disait d’ailleurs en rigolant « je t’ai fait deux gosses ! » » L’enquêteur écrit à tous les Dreyfus de Lyon, « des réponses sympathiques » mais toutes négatives.
Il laisse tomber la piste, mais son frère « de sang », un historien, ne le lâche pas. « Il me disait de continuer, d’aller fouiller dans les archives de Saint Louis ». Il retrouve dans un placard poussiéreux les registres des années scolaires de 1943-1944.
Sur deux des listes, 4 noms ont été ajoutés de la main de frère Marc. De quoi mettre la puce à l’oreille d’Yves Perier-Muzet. Outre les Mercier, un Halmet et un Leroy. Encore mieux, il tombe sur une lettre, datée de 1994, celle d’un certain Walter-Simon Hahn, lequel demande une attestation de l’établissement y « ayant été caché comme enfant Juif. »
Le religieux lui écrit. La réponse est enthousiaste. Yves Perier-Muzet prend sa voiture, direction le sud de la France, à la rencontre de ce boulanger-pâtissier à la retraite, l’un des quatre enfants sauvés par le frère Marc et obtient le témoignage nécessaire à la reconnaissance de Yad Vashem. Son histoire.


Témoignage


« J’avais 5 ans lorsque j’ai quitté mes parents le lendemain de la nuit de cristal (9 au 10 novembre 1938) » écrit Walter-Simon Hahn, 82 ans aujourd’hui, qui restera caché une année scolaire à Dagneux sous le nom de Jean Halmet. Il a alors dix ans.
Là-bas, il n’a aucun contact avec les autres enfants Juifs, il ignore d’ailleurs qu’ils sont quatre réfugiés là. « Ils n’étaient pas dans la même classe pour éviter qu’ils parlent entre eux et qu’ils soient repérés. La hantise, c’était la dénonciation. Parfois le frère Marc s’approchait de l’enfant de dos et l’appelait pas son vrai nom, pour voir sa réaction. Il fallait qu’ils se fondent dans la masse.
Comme ils n’avaient rien, frère Marc leur avait donné des billes, pour qu’ils ne soient pas différents des autres. Ils allaient à la messe comme tout le monde, mais par contre, ils n’avaient pas le droit de communier, ni d’être enfant de chœur », relate Yves Périer-Muzet. Le jeune garçon sera ensuite pris en charge par la Croix Rouge qui le ramènera à sa tante. Les parents de Walter seront eux déportés et mourront dans les camps.
« Je n’oublierai jamais la chance que j’ai eue grâce au frère Marc à qui je pense souvent.
Ce témoignage est porté en reconnaissance au frère Marc que je considère comme mon sauveur au moment le plus crucial de mon existence menacée par la persécution nazie », écrit Walter.
Le 26 novembre prochain, il sera aux côtés des descendants du frère Marc pour assister à la reconnaissance de son sauveur. Des représentants que le frère Yves aura dû là aussi retrouver. Des recherches encore, l’autre partie de l’enquête.
“Le parcours du combattant…” répète celui grâce à qui le nom de frère Marc restera gravé dans l’histoire.
*La médaille des Justes parmi les nations est décernée par l’institut Yad Vashem de Jérusalem aux personnes non juives qui ont sauvé des Juifs sous l’occupation au péril de leur vie.


Marion Villeminot


Source Tribune Juive